Région Rhône-Alpes

Le rejet de la liberté culturelle par le FN

Le Monde du 4 mai 1998 dresse le portrait de Pierre Vial

"Il est nécessaire, indispensable, de lier en permanence guerre culturelle et combat politique. Car il serait vain de prétendre assumer le pouvoir politique sans avoir la maîtrise du pouvoir culturel."

Dans un bulletin de l'association Terre et Peuple qu'il crée en 1995 il écrit "Nous allons tout droit vers une guerre ethnique et cette guerre sera totale. Il faut donc préparer mentalement, psychologiquement, moralement et physiquement le plus grand nombre possible de nos compatriotes à cette perspective"

Enseignant-chercheur à Lyon III, Pierre Vial est membre de l'Institut d'Etudes indo-européennes-I.E.I.E. ; institut mis en cause par un collectif d'associations étudiantes, pour être un "Laboratoire idéologique du Front National".

Les liens entre le Front National et l'Institut d'Etudes indo-européennes-I.E.I.E. de Lyon III

(sources : L'infiltration du FN dans l'Université Jean Moulin-Lyon III 1981-1998, collectif des associations étudiantes de Lyon III, janvier 1998)

Le mouvement Nouvelle Droite des années 1970 a pour principal laboratoire de recherche le G.R.E.C.E. dont Pierre Vial est l'un des fondateurs.

O. Dumoulin explique bien la stratégie de l'extrême droite qui s'appuie sur un lieu de recherche scientifique (l'université) pour y développer et légitimer des thèses répondant aux objectifs culturels et politiques du retour à l'inégalitarisme et à une société constituée autour de son élite, que s'est fixé le G.R.E.C.E.. Ces thèses sont ensuite récupérées par le Front National.

Elles tendent à opposer à la culture judéo-chrétienne, une culture indo-européenne fondée sur un retour à l'élitisme aristocratique, à une société inégalitaire passant par le culte de la nature et des divinités nordiques, par l'adoration du peuple du Grand Nord (les aryens).

C'est ainsi par exemple que Pierre Vial, suite à une rencontre organisée à la date anniversaire de la naissance d'Adolph Hitler (20-4-1991) pour rendre hommage à la mémoire de Marc Augier dit Saint-Loup, engagé dans la LVF puis dans la Waffen SS française, écrit "Marc Augier a découvert cette grande santé qui a pour nom paganisme. On comprend quelle cohérence a marqué sa trajectoire, des auberges de jeunesse, à l'armée européenne [la Waffen SS] levée au nom de Sparte, contre les apôtres du cosmopolitisme".

Toujours sous l'influence du même Saint-Loup, Pierre Vial affirme être devenu "un païen, c'est à dire quelqu'un qui sait que le seul véritable enjeu, depuis mille ans, est de savoir si l'on appartient, mentalement, aux peuples de la forêt ou à cette tribu de gardiens de chèvres qui, dans son désert, s'est autoproclamée élue d'un dieu bizarre, un "méchant" dieu".

Il retient de ses oeuvres "l'appel du Soleil Invaincu qui a été, est et sera le signe de ralliement des garçons et des filles de notre peuple en lutte pour le seul droit qu'ils reconnaissent : celui du sol et du sang".

Le mythe celtique de la recherche du Graal

(sources L'après Le Pen, Michaël Darmon et Romain Rosso, éditions du Seuil)

L'étonnante assemblée communautaire de l'association Terre et Peuple en mai 1996 qui choisi "la forêt de Brocéliande, "au coeur du mythe celtique exemplaire qu'est le Graal" [la Lettre de Terre et Peuple juillet-août 1996, O. Chalmel] dans cette forêt "magique" et "sacrée" du roi Arthur, Pierre Vial et ses amis interpellent Merlin l'enchanteur, qui connaît "les secrets de la nature", et partent à la rencontre des chevaliers de la Table ronde, "qui constituent cette fraternité guerrière initiatique que l'on retrouve dans toutes les traditions indo-européennes". "Car nous savons que l'homme des bois, celui qui parle aux animaux, celui qui a toujours refusé au nom de l'héritage ancestral de plier le genoux, se réveillera. Et ce jour là, il nous conduira vers Excalibur. Et notre peuple, qui aura repris vie et sera sorti des ténèbres, suivra l'épée brandie. Derrière ses chefs. Pour libérer sa Terre et perpétuer son Sang. Et là seulement, l'ordre naturel des choses sera rétabli.""

Les conséquences de l'accord Millon/FN sur le budget culturel de la Région

Charles Millon vient de faire adopter son budget avec les voix du Front National. Il vient de faire élire au poste de rapporteur général du budget, l'élu Front National Hugues Petit (ancien conseiller muncipal de Grenoble, conseiller général de l'Isère). En échange de ces voix, il a donné oralement à ceux-ci son engagement de tenir compte de leurs amendements dans l'élaboration du prochain budget régional pour l'année 1999. Ces amendements dans le domaine culturel sont significatifs de ce que sera la future politique culturelle de notre région :

Ces coupes franches dans le budget culturel sont contrebalancées par une augmentation disproportionnée du budget de "valorisation du patrimoine régional" pour lequel le Front National demande, amendement n°47, une augmentation de 15 millions de francs (sur un total de 10,3 millions).

Extrait d'interventions sur la culture, du groupe Front National à la Région

En 1992, lors de l'Assemblée plénière des 25 et 26 juin, M. Vial pour le FN disait (page 72 et suivantes) :

"Le fait même de lier les mots "politique" et "culturel" est déjà en soi éclairant. Nous considérons en effet qu'aucun choix culturel ne peut être séparé d'un engagement politique et idéologique.",

niant les avancées sociales dues à la Révolution française il poursuivait en ces termes :

"Un exemple l'illustre parfaitement : quand on veut célébrer à Lyon la grand-messe de l'idéologie des droits de l'homme, c'est à dire du déracinement, on va chercher comme grand prêtre l'inévitable Harlem Désir".

Soulignant la volonté du FN de museler tous ses contradicteurs il ajoutait :

"Harlem Désir est un homme qui a une action culturelle décisive, dans la mesure où il véhicule des thèmes, des références, des valeurs qui s'inscrivent tous dans le cadre de l'idéologie cosmopolite."

Poursuivant son discours,

"Car la culture - et c'est vrai pour tous les peuples - est l'expression de l'âme d'un peuple."

Le FN, égratigne au passage les réalisations qui

"célèbrent les mérites des "barjots" ou nous invitent à nous intéresser aux états d'âme de taulardes en permission1 "

termine en ces termes :

"Pour conclure, je rappellerai que nous vivons aujourd'hui une guerre culturelle, qui oppose les cultures identitaires à la culture cosmopolite. Nous avons, clairement, choisi notre camp, celui de l'identité culturelle française et européenne."

En Assemblée Plénière des 27 et 28 octobre 1995 (page 53), M. Ract tient les propos suivants concernant la politique régionale de formation et d'accès des jeunes à la culture et plus particulièrement le "chèque culture" :

"Sur le fond cette opération nous semble présenter quelque intérêt, surtout s'il s'agit d'intéresser et d'élever l'esprit des jeunes français vers le beau et non vers le laid, le farfelu, le tordu, le rap, le tag ou autre hip hop, trois types d'expressions considérées maintenant officiellement par l'exécutif comme essentielles à notre culture urbaine "


1 Allusion à deux films financés par Rhône-Alpes Cinéma.

Exemple de votes du Front National sur les rapports de commission culture au conseil régional

(réunion de commission permanente du 30 mai 1997)

Contre le soutien à un projet artistique au Liban dans le cadre des actions internationales de la Région (rapport 393) au motif qu'"il y a d'autres priorités au Liban" (Mme de Penfentenyo).

Contre le développement culturel et la politique de la ville (rapport 407) notamment contre l'organisation de diverses manifestations : "Parole Ambulante" à Vénissieux, "Rencontres et créations avec les habitants d'une ville" à Vaulx en Velin, "Un feuilleton dans la ville" à Bron.

Contre le soutien aux filières culturelles (rapport 408), (à l'exception des actions purement locales des points VII : les rencontres de Mirmande, installation d'un peintre pour créer une académie d'été, et VIII : rénovation de la salle de cinéma "Le Paradiso" à Thullins en Isère).

Contre le soutien aux manifestations culturelles régionales (rapport 409).

Contre l'adhésion à la Fédération Nationale des Collectivités Territoriales pour la Culture (rapport 411).

Sur la culture, "ils ont dit, ils ont fait"

(extraits du Monde du 21 mars 1998)

"La ville de Toulon devra se priver des vocalises du chanteur Benguigui [Patrick Bruel]. Ses jappements de chiot mal lavé et mal élevé n'empêcheront pas le Front national de continuer son action politique en faveur des Français menacés d'être des parias dans leur propre pays." (Jean-Marie Le Pen, 21 juin 1995)

"La conception que j'ai de la culture est une conception restreinte, et par là-même élitiste [...]. Rap, tag sont des modes passagères, des excroissances pathogènes [...]. J'ai plus confiance dans les beautés de ceux qui nous ont précédés que dans celles de ceux qui vont nous suivre." (Jean-Marie Le Pen, 1er juin 1996)

A Orange, Jacques Bompard, aussitôt élu, décide de supprimer la subvention municipale de 1 million de francs permettant l'organisation des Chorégies. Après plusieurs semaines de polémique, le ministère de la culture se substituera à la ville.

Le 21 octobre 1996, le maire de Toulon, Jean-Marie Le Chevallier, ne juge "pas opportun" l'invitation faite à Marek Halter par les organisateurs de la Fête du livre et demande que des stands soient réservés à des éditeurs d'extrême droite. Plusieurs libraires refusent alors de participer à cette manifestation, qui sera finalement organisée dans la commune voisine de La Garde. En 1997, la municipalité organisait à nouveau sa propre Fête du livre, rebaptisée "la Fête de la liberté".

Le 6 octobre 1997, Catherine Mégret, maire de Vitrolles, fait murer les locaux du café-musique le Sous-Marin, après avoir pris un arrêté de fermeture. "L'ambiance n'était pas saine", explique la municipalité qui, en juin, avait supprimé les subventions à cette association.