Conseil municipal du 16 novembre 1998

Le dossier de l'information municipale

Intervention de Raymond Avrillier, pour le groupe Démocratie-Écologie-Solidarité (ADES)

Délibération n°2 - Résiliation de la convention du 28 janvier 1991 passée avec l'association Grenoble Communication.

Délibération n°3 - Création d'une régie personnalisée chargée de la communication.

Le dossier de l'information municipale n'est pas propre à Grenoble, mais à Grenoble, nous avons un intérêt collectif particulier à sortir des ornières dans lesquelles s'était enferré ce dossier : rappelons qu'à l'origine des affaires grenobloises, il y a une opération de presse para-municipale, il y a une confusion entre le rôle d'information et celui de propagande, une confusion entre les hommes, les finances, la politique publique et les intérêts privés.

Ce dossier est donc plus important encore à Grenoble qu'ailleurs parce que nous avons cette leçon à tirer ; mais aussi parce qu'il nous faut innover de manière exemplaire, dans un contexte où ni le législateur, ni la presse, ni les journalistes, ni les usagers, ni les élus ne se sont sérieusement attaqué à ce problème de l'information municipale sur les affaires publiques.

Si nous proposons de considérer avec sérieux cet aspect de la politique municipale, c'est parce que nous n'agissons pas pour nos intérêts propres dans ce Conseil municipal, mais que nous agissons tous, et de manière contradictoire et plurielle, pour l'intérêt de la cité. Il est donc hors de question que l'argent public soit utilisé pour la "voix de son maire", ou la voix exclusive d'un groupe politique : c'est contraire même aux règles administratives, aux règles d'utilisation de l'argent public, et aussi aux orientations politiques que nous avions prises.

C'est pourquoi dès le début du mandat, en tant qu'administrateur, j'ai demandé au nom de notre groupe que l'information municipale soit un service public municipal. De telle sorte qu'il n'y ait pas de confusion : nous n'agissons pas avec l'argent public pour faire des affaires privées, même si cet argent transite par une association privée, même si cet argent transite par des salaires ou des loyers ou du matériel acquis sur argent public dans le secteur privé.

Nous avons proposé dès 1995, et lors des élections, que ce service soit un service en régie, qui passe des prestations avec des personnes, avec des entreprises, qui passe des marchés, comme tout service municipal le fait. Il s'agit d'une action, d'une organisation et d'un fonctionnement municipal, puisqu'il est fait avec l'argent des contribuables.

Cela peut paraître paradoxal puisque nous soutenons le principe de l'indépendance de ce service, (comme doivent être en principe indépendants les journalistes dignes de ce nom), et qu'en même temps ce service rende compte d'une pluralité de points de vue, ce qui veut dire qu'il n'est pas rattaché en effet au cabinet du maire ou au maire seul.

Cela exige donc la mise en place d'une organisation complexe. J'ai compris en tant qu'administrateur de Grenoble communication-GRECO, et notre groupe a compris et accepté qu'il faille quelque temps, quelques mois pour que notre proposition soit étudiée.

Malheureusement, 3 ans après, il s'avère que cette proposition, très intéressante n'est pas encore aboutie, et que la disposition est un peu précipitée : en effet, nous n'avons pas les comptes de GRECO pour 97 ni 98. Nous n'avons pas actuellement l'ensemble des éléments pour définir cette régie à personnalité morale et autonomie financière (la proposition d'une régie à personnalité morale et autonomie financière était une des 3 que nous faisions).

En ce qui concerne la 1ère délibération sur GRECO (délibération n°2 - F06), nous proposons donc, dans un premier temps, parce que l'initiative est correcte, intéressante, et bien étudiée par les services même si elle a dû être faite rapidement, que le principe de résilier à compter du 31-12-98 la convention du 28-01-91 passée avec l'association GRECO soit voté. Mais nous ne pouvons pas effectivement résilier d'un commun accord, parce qu'un commun accord suppose encore qu'on sache sur quoi on se met d'accord (combien ? qui ? quoi ?). On ne peut donc pas mandater le maire pour signer un avenant dont nous ne connaissons pas toutes les conséquences.

Néanmoins la décision suivante nous semble tout à fait justifiée : il s'agit de mettre fin à une situation qui a très mal fonctionné par certains côtés, et qui a très bien fonctionné par d'autres.

La proposition que nous avions faite d'avoir une information gratuite, ce qui suppose qu'on alimente avec le budget principal, a été suivie.

La qualité, le format (même s'il y a beaucoup trop de pages dans les Nouvelles de Grenoble) paraissaient intéressants. Le concept des "Nouvelles de la mairie" était une très bonne idée.

Ceci étant, j'ai constaté très vite en tant qu'administrateur (et je n'étais pas le seul) l'absence de vie associative -depuis un an et 1/2, aucun Conseil d'administration-, l'absence de réel pouvoir au Conseil d'administration, et, dans les faits, l'absence de débat sur les orientations éditoriales et le contenu de ces informations.

C'est un boulet que nous traînons, et je suis très mal à l'aise d'avoir à le constater, parce que nous avons travaillé très sérieusement avec des collègues que j'estime, avec tous les administrateurs, de même que les salariés et le Président qui a lui-même essayé de travailler selon les directions qui lui étaient données.

Mais nous nous sommes trouvés pendant 3 ans avec un système qui fonctionne en roue libre, rattaché de fait au cabinet du maire comme dans l'ancienne formule, alors qu'on a tout le potentiel pour faire une information de service, une information pluraliste, une information de qualité, pour faire enfin que les gens se sentent concernés par la vie publique grenobloise, qui est la vie de la cité. Je me sens très mal à l'aise, et je vous rends compte par là-même de ma défaillance (mais ce n'est pas faute d'avoir essayé !) en tant que vous représentant, Conseil municipal de Grenoble, dans ce Conseil d'administration.

On ne fera pas, comme certains, le calcul du nombre de citations (même si ce calcul reste au désavantage du Dauphiné libéré, qui nous cite de moins en moins) ; mais on constate que ce journal reste la voix de son maire et des élus qui sont bien vus, pas la voix du débat. Il me semble que les socialistes (dont je me réclame, comme d'autres) avaient intitulé leur journal "Le débat".

Nous souhaiterions retrouver ce débat qui a été perdu, en terme d'information. Il s'agit aussi bien évidemment des usagers : comment se retrouvent-ils dans ce journal, qui est plus une vitrine de communication qu'un outil d'information ?

Pour en venir à ce que nous pouvons faire, dans la 2ème délibération sur GRECO (délibération n°3 - E11), qui propose la création d'une régie personnalisée, le constat du 2ème paragraphe est significatif de ce que nous ne voulons pas : "Toutefois, la communication remplit un rôle d'intérêt général puisqu'elle soutient d'autres missions d'intérêt général (développement économique, promotion des services publics...". Nous ne pouvons pas être d'accord ! Pour nous élus Démocratie-Écologie-Solidarité, la communication c'est d'abord l'information ; elle soutient des missions d'intérêt général qui sont d'abord la démocratie, l'écologie et la solidarité, au moins la démocratie et la solidarité au niveau communal ! Pas uniquement le développement économique ni la promotion de la Ville : ce n'est pas du marketing que nous voulons, c'est bien de l'information service.

Le patrimoine que nous devons conserver, et peut-être d'abord retrouver, c'est un patrimoine de débat public, sur les services publics grenoblois. La structure de régie à personnalité morale et autonomie financière peut le permettre, à conditions que nous soyons tous d'accord, avec nos divergences, pour en faire une initiative exemplaire qu'aucune Ville n'a encore pris en réalité.

Et cela, parce que cette structure présente un double risque :

Par exemple, qui débat ici du marché d'intérêt national ? C'est aussi une régie à personnalité morale, et nous n'en débattons jamais, nous ne connaissons même pas les tarifs ! C'est un peu la même chose pour la régie du téléphérique : le conseil municipal est interpellé sur les changements de tarifs, mais les tarifs sont voté à la régie du téléphérique, et nous n'en avons jamais débattu.

Il y a bien sûr, une fois par an, le rendu-acte, mais nous n'avons pas à en débattre : le tribunal administratif a justement dit que le rendu-acte n'était même pas une délibération, ce serait un simple constat qui ne fait pas grief.

Nous tous avons la possibilité à Grenoble de mettre en oeuvre une politique d'information publique, d'information de service public sur les services publics, qui soit nouvelle et intéressante ; une politique d'information publique qui renoue avec la démocratie dont Grenoble est en principe le berceau depuis très longtemps.

C'est pourquoi, compte-tenu de ces éléments, il nous faut avoir un débat préalable plus approfondi. Et en particulier, sur l'objet de la régie "de s'intéresser [...] aux efforts de toutes organisations [...] à caractère artistique, littéraire, économique, touristique, sportif, commercial ou autres, qu'elles soient publiques ou privées." Où sont mentionnées les associations s'intéressant à l'emploi, à l'insertion, à la solidarité, au logement ? Ces domaines ne sont ni artistique, ni littéraire, ni économique, ni touristique, ni sportif ni commercial. Où sont les associations qui agissent en matière d'environnement ? Et où sont, tout simplement, les associations de quartier ?

On voit bien que la logique qui a présidé à la rédaction de ce texte, c'est une logique de marketing, plus qu'une logique d'information. Il faut bien, à ce niveau, que nous décidions du contenu, et ce contenu mérite débat.

Sur les conditions d'exploitation du service de la communication, l'article 2 du règlement intérieur proposé stipule "Organiser l'information du public sur la politique et les réalisations municipales par tous les moyens écrits ou audiovisuels et, en particulier [...] mettre en oeuvre les moyens de la concertation sur tout projet municipal."

Soyons clairs : la structure, ce n'est qu'un outil. La politique municipale en matière de concertation est même régie par des textes de loi : l'article L300-2 du code de l'urbanisme prévoit par exemple cette concertation sur les projets. C'est donc bien la Ville qui définit les orientations politiques, les méthodes et les moyens de la concertation. GRECO, devenue régie municipale à personnalité morale, met en oeuvre les supports. Attention à ne pas confondre, une fois de plus, ce qui est du rôle des élus et ce qui est du rôle de la structure administrative.

Dans ce règlement, qui est important, puisqu'il est le seul acte que nous prenons, à aucun moment il n'y a de compte-rendu au Conseil municipal. Il est indispensable que nous prévoyions et mettions en place ensemble nos propres gardes-fous, tant la dérive est facile de s'approprier pour quelques-uns l'information, alors que c'est une information des usagers.

Et c'est pourquoi on peut regretter qu'il n'ait pas été fait place aux usagers dans cette structure. On peut aussi regretter l'absence de définition des modalités de passation des prestations extérieures qui certes, sont obligatoirement des marchés publics, mais qui doivent être plus clairement établies.

Il manque surtout la dotation initiale de la régie : quand nous votons cette délibération, nous ne la dotons de rien, pour reporter à plus tard sa dotation. Il me semble qu'il serait souhaitable d'en savoir un peu plus sur le budget estimé, sur la dotation, sur les modalités de transfert ou de reprise du personnel. Il serait souhaitable que des accords soient passés à tout niveau, en interne, au niveau municipal, avec le personnel, et en externe avec les usagers, de telle sorte que nous puissions passer du principe au commun accord, avec des rendus actes qui permettront de vérifier ce que nous avons fait ; et en particulier, dès la première année, d'avoir une obligation de compte-rendu en conseil municipal et un débat sur ce sujet.

De la sorte, nous  engagerons vraiment sur la voie que nous avons proposée et nous éviterons d'être, un an après, dans une opération factice.