Étude train-tramway

Sujet mal compris - peut mieux faire

En juin 1997, le cabinet d'étude SYSTRA remettait au SMTC 1 les résultats d'une étude sur le "Rôle des infrastructures ferroviaires dans la politique des déplacements de l'agglomération grenobloise et de la région urbaine".

Il y avait deux objectifs principaux : une fois les "grands enjeux de déplacements" et "l'intérêt socio-économique" définis, elle devait "lever les a priori techniques" et "présenter des scénarios d'offre". Comme précisé dans le "contexte général" de l'étude, une des solutions possible est le train-tramway tel qu'il existe à Karlsruhe depuis maintenant 5 ans (voir ci-dessous). Une étude malheureusement très décevante...

"L'intérêt socio-économique"

Sur l'analyse des besoins et des populations desservies, certaines données retenues par SYSTRA sont très contestables (voir Gare de Gières ci-dessous). En outre, si les besoins actuels sont présentés, rien n'est dit sur le rôle structurant que les infrastructures ferroviaires pourraient jouer sur l'utilisation de l'espace. Une occasion manquée lorsque l'on connaît les ravages de la péri-urbanisation sur les modes de déplacement.

"Lever les a priori techniques"

Les problèmes abordés étaient de plusieurs ordres :

"Les scénarios"

L'étude retient trois familles de scénarios :

Nous passerons ici sur la première famille de scénarios, qui est clairement le service minimum : il s'agit du laser actuel plus les quatre lignes de tram du schéma directeur 3 . Vu l'allongement de l'échéancier de la ligne C, et a fortiori de la ligne D, les transports publics sont ici condamnés à jouer un rôle marginal dans les déplacements à l'échelle de la région urbaine.

Les scénarios de la famille B sont un peu plus intéressants : ils rajoutent quelques gares sur les voies SNCF à Echirolles (sous la ligne A de tram), Pont-de-Claix, Eybens (ex gare des Jeux Olympiques), Saint- Martin-d'Hères, Saint-Égrève et Saint-Martin-le-Vinoux. Mais oublient une halte SNCF au niveau de l'autopont des grands boulevards, qui permet une correspondance avec la future ligne C de tram. Ils requièrent un deuxième type de matériel SNCF, plus léger que le laser et bizarrement nommé tramway régional. À noter aussi la proposition surprenante de ne plus desservir la gare de Gières-Campus par le laser du Grésivaudan dans l'un de ces scénarios. Bref là non plus, on n'est pas dans une optique de reprise des parts de marché à la voiture.

Restent les scénarios de la famille C. Et c'est là que la timidité de SYSTRA est la plus dommageable. Dès le départ, SYSTRA écarte l'idée d'un train-tram de 2,30 m et donc les lignes A et B ne sont jamais interconnectées. Les interconnexions ne sont prévues qu'à Gières, Pont-de-Claix, voire à Brignoud pour un tram en provenance de Crolles (!) ; mais pas à la gare de Grenoble ni au croisement de la ligne SNCF et de la future ligne C au niveau des grands boulevards. Ce dernier oubli est surprenant : une interconnexion ici permettrait une liaison train-tram desservant Brignoud, Gières, le campus, Saint-Martin-d'Hères, les grands boulevards, la gare de Grenoble et pourrait ensuite continuer vers Saint-Égrève et le Voironnais. Enfin, ces scénarios prévoient de desservir Crolles avec une branche spéciale (solution intéressante mais coûteuse), mais oublient de faire une halte à la hauteur du Versoud par exemple (solution très peu coûteuse).

À noter également que jamais cette étude ne mentionne l'ex-voie SNCF Grenoble-Chambéry. Si elle est devenue routière en tant qu'avenue des Jeux Olympiques entre le boulevard Jean Perrot et Bon Pasteur, les rails sont toujours là entre la gare et le Cargo et au nord de Saint-Martin-d'Hères. La reconvertir en ligne ferroviaire pour du tram ou du train-tramway ne parait pas plus ridicule que de creuser deux tunnels autoroutiers dans l'agglomération...

Conclusion

On ne peut donc tenir cette étude pour la référence en ce qui concerne l'utilisation des infrastructures ferroviaires dans la région urbaine de Grenoble. C'est un premier essai qui manque singulièrement d'audace 4 .

Et pourtant, pouvoir rejoindre la place Grenette depuis Brignoud, Voiron, Vif ou Tullins, sans correspondance, c'est une révolution copernicienne dans l'organisation des transports en commun. Le train-tramway rend caduc le schéma directeur des lignes de tramway en son état actuel. Il est maintenant clair que la qualité de vie dans la région urbaine nécessite une utilisation plus forte du réseau ferroviaire. Il faut voir au delà du coeur de l'agglomération pour reprendre des parts de marché à la voiture, et le train-tram est l'outil idéal pour cela. L'un des rares bénéfices de cette étude aura été de démontrer que les voies SNCF de la région Grenobloise sont bien loin de la saturation, et que cela est donc possible. Il convient donc de s'atteler sérieusement à l'étude du modèle de Karlsruhe et de son adaptation à Grenoble.

Le groupe de travail transport de l'ADES


Qu'est-ce que le train-tramway ?

Un train-tram est une rame conçue pour pouvoir utiliser aussi bien un réseau de tramway dans la ville, que le réseau ferré classique entre les villes. Ajouter les quelques mètres de rails qui manquent entre les deux réseaux permet au train-tram de passer de l'un à l'autre sans que le passager ait à descendre ni à attendre.

Une telle interconnexion existe depuis 1992 à Karlsruhe (Allemagne) où elle est plébiscitée par les usagers. Cette solution est adopté par de nombreuses villes en Allemagne, en Angleterre et en Belgique par exemple. Mais aussi en France, où un train-tram en provenance du centre de Sarrebruck (Allemagne) a son terminus en gare de Sarreguemines !

Dans la région Grenobloise, des connexions entre les réseaux TAG et SNCF sont possible en au moins trois endroits : la gare de Grenoble, la gare de Gières, et à Pont-de-Claix au Canton.

Cela permettrait par exemple de rejoindre la Maison du tourisme depuis Voiron ou Vif (voies SNCF puis ligne A du tram) ou encore l'Hôpital Nord depuis Brignoud (voies SNCF puis ligne B de tram), sans aucune correspondance !

De plus, de telles interconnexions sont peu onéreuses et se font au coup par coup, elles sont donc bien plus faciles à financer qu'un ouvrage lourd comme un tunnel sous la Bastille.

Lire "Le Rouge & le Vert" n° 55 p.11


La gare de Gières

La gare de Gières est primordiale pour le futur du ferroviaire dans la région urbaine de Grenoble : la SNCF a décidé, à juste titre, d'en faire la deuxième gare d'agglomération. Or SYSTRA ne retient que 4378 personnes dans "un rayon de 5 km autour" de la gare de Gières, et 1766 emplois "relatifs [à la] commune desservie". Cela laisse pantois : un cercle de 5 km autour de la gare de Gières va de la Bastille et de la Villeneuve à l'ouest, à Montbonnot et Domène à l'est, et inclue largement la Tronche et Meylan.

Plus raisonnablement, si on reste à moins de 2,5 km de cette gare, et uniquement au nord de l'avenue Gabriel Péri, on trouve tout le Campus (40.000 personnes !), les zones industrielles des Glairons et de Champ-Roman à Saint-Martin-d'Hères, et la ZI de Vignate à Gières. Clairement donc, la gare de Gières est un enjeu bien plus important que ne le laissent penser les chiffres et les scénarios retenus pour cette étude.


1 SMTC : syndicat mixte des transports en commun, strucutre intercommunale de gestion des transports en commun sur l'agglomération grenobloise
2 Page 34, avant-dernier paragraphe : "Bien que l'avancement des techniques en ce domaine soit très rapide, il apparaît néanmoins probable que ce tramway hybride sera plus large (2,65 m) que le tramway Grenoblois (2,30 m)".
3 La ligne C Gières/Seyssins, dite des grands boulevards, et la ligne D Meylan/Pont-de-Claix. La ligne B étant prolongée jusqu'à gare de Gières et Saint-Égrève.
4 À vrai dire, on aimerait que les services de la DDE (direction départementale de l'équipement) soient aussi prévenants lorsqu'ils étudient le percement d'un tunnel sous l'Isère, l'Île Verte et la Bastille, lequel tunnel passera à moins d'un kilomètre de la piscine-parking de la place de Verdun...