Evaluation des performances énergétiques à la Caserne de Bonne

Publié le 16 juin 2011

Un rapport d’Enertech pour la SAGES (aménageur de la ZAC de Bonne) et la Ville de Grenoble, rendu en avril 2011, évalue par des mesures détaillées les performances énergétiques des 8 bâtiments construits dans le cadre du programme européen Concerto. Voir le rapport de synthèse en ligne ici.

Voici des extraits de la conclusion du rapport de synthèse :

« L’opération de la ZAC de Bonne, inscrite dans le programme européen Concerto, est un élément essentiel du paysage énergétique français actuel. Elle doit énormément à ce programme européen sans lequel elle n’aurait pas pu développer son volet énergie. Or, les objectifs qu’elle s’est fixée en 2003 sont sensiblement ceux de la prochaine RT 2012 (qu’ils ont d’ailleurs servi à alimenter), si bien qu’elle offre aujourd’hui un terrain d’observation unique de l’impact de la future RT sur la construction, puisque les logements de la ZAC de Bonne sont occupés depuis juillet 2008 pour certains d’entre eux.

Ce projet a parfaitement joué son rôle de laboratoire d’expérimentation, en ce sens qu’il a permis à chacun des acteurs de la construction de s’essayer à un exercice difficile puisqu’il s’agissait de construire des bâtiments consommant deux fois moins d’énergie que ceux produits de manière réglementaire à cette époque…

Au titre des principales leçons on retiendra d’abord que la notion de prévision d’une consommation est un concept certes séduisant, mais tout à fait illusoire et irréaliste. Le travail de mesures a montré à quel point la consommation finale de chauffage, par exemple, dépendait de paramètres qui ne pourront jamais être maîtrisés par les concepteurs : les données météorologiques, bien sûr, dont on pense qu’elles varient essentiellement d’une année à l’autre. Mais la campagne de mesures a montré qu’elles pouvaient énormément varier au même instant entre le centre d’une ville et sa périphérie où sont généralement situées les stations météorologiques. Autres paramètres très influents : la température de chauffage choisie par les occupants, le débit effectif de renouvellement d’air, le régime des vents et donc des infiltrations, la consommation électrodomestique qui, rappelons-le, contribue à hauteur de plusieurs dizaines de kWh/m²/an au chauffage. Tous ces paramètres jouent un rôle de premier ordre dans la fabrication de la consommation finale de chauffage, or ils échappent tous aux concepteurs. Il paraît donc impossible de prévoir une consommation, et il serait dangereux de continuer à poser des compteurs dans les bâtiments futurs en cherchant seulement à comparer une prévision qui ne peut en aucun cas en être une, et une consommation réelle.

Le second enseignement majeur est d’ordre purement technique. C’est peut-être même le principal.

Les mesures ont effectivement apporté des réponses lorsqu’il a fallu comparer les « objectifs » et les consommations réelles. Ce faisant elles nous ont permis de distinguer ce qui était d’ordre comportemental (niveau de température, régimes d’ouverture des fenêtres, etc), ce qui était du ressort de la conception, de la mise en œuvre, de la maintenance et du pilotage des installations…

Enfin, le dernier ensemble de leçons apparaissant de manière manifeste sur cette opération traduit une tendance que l’on retrouve sur tout le territoire français : elle concerne les acteurs de la construction elle-même.

En premier lieu, il est nécessaire que les bureaux d’études, dans leur immense majorité, prennent conscience du changement profond qui est en train de s’accomplir dans leur profession. Ils constituent aujourd’hui le maillon le plus faible de la maîtrise d’œuvre et ne semblent pas très concernés par les questions énergétiques fondamentales qui agitent le monde actuellement. Pourtant, rien de très performant ne se fera sans eux. Mais ils doivent pour cela modifier en profondeur les habitudes qu’ils ont acquises depuis des décennies…

Ce constat désagréable s’appuie malheureusement sur l’expérience acquise au cours de quelque 250 missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage et ne procède en rien d’un règlement de comptes entre confrères….

Mais la qualité parfois douteuse de la mise en œuvre et du fonctionnement des équipements techniques dans les bâtiments à une autre origine qui n’est pas le fait des bureaux d’études. Il est en effet apparu très clairement sur la ZAC de Bonne qu’un certain nombre de maîtres d’ouvrage, notamment privés, ne confient aucune mission de suivi de chantier à leur bureau d’études…

On peut d’ores et déjà prédire que si cette habitude se perpétue, il y a très peu de chances que les bâtiments livrés dans les années à venir seront de qualité. Or, s’il est prévu de renforcer le contrôle des performances thermiques dans les bâtiments de la future RT 2012, ce n’est probablement pas un bon calcul de la part d’un maître d’ouvrage que de faire l’économie des honoraires d’un suivi de chantier sérieux par un bureau d’études.

Mais un chantier n’est pas fait que de commanditaires et de concepteurs. Il est d’abord réalisé par les entreprises. Leur tâche n’est pas des plus simples, il faut le reconnaître. Mais pour certaines d’entre elles, les méthodes utilisées ou le recours massif à une sous-traitance étrangère risquent de ne pas constituer de très bonnes réponses à l’amélioration nécessaire des performances. Il est apparu au cours des chantiers de la ZAC de Bonne que la qualité du travail des entreprises n’était plus toujours en phase avec les objectifs recherchés (notamment en matière énergétique)…

En définitive, l’opération de la ZAC de Bonne a probablement apporté plus d’enseignements et a eu un impact sur les politiques nationales beaucoup plus important que nous pouvions l’imaginer au départ. Elle est arrivée juste avant une certaine prise de conscience par une partie de la classe politique des effets du changement climatique et de la pénurie énergétique à venir. Ceci lui permet d’apporter aujourd’hui des indications précieuses sur les éléments à mettre en œuvre pour réussir une grande politique énergétique dans le bâtiment demain. »

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