Stade des Alpes : deux délibérations annnulées

Publié le 8 février 2012

Stade des AlpesConférence de presse du 8 février 2012

Sur recours d’Hakim SABRI, président de l’ADES en 2007 et aujourd’hui conseiller municipal de Grenoble depuis 2008, le tribunal administratif de Grenoble annule deux délibérations de la communauté d’agglomération grenobloise (La Métro) de 2007 et 2008 liées au stade des Alpes.

Quelles sont les conséquences de ces jugements… à ce stade ?

Le 30 mars 2007, le conseil de la Métro présidé par M. Migaud, député, maire de Seyssins, adopte le projet de convention avec la société anonyme sportive professionnelle Grenoble Foot 38 (SASP GF38) pour lui louer le stade des Alpes, et autorise le Président Migaud à signer cette convention.

La convention précise le montant de la redevance que va verser la société GF38 à la Métro pour l’occupation du domaine public qu’est le stade. La redevance adoptée est composée de deux parties, une partie fixe de 500 000 € HT par an et une partie variable selon le nombre moyen de spectateurs durant une saison et les matchs supplémentaires. Mais il n’y a aucune explication sur le calcul cette redevance.

Les 4 éluEs écologistes alors représentés au conseil communautaire de La Métro demandent des explications sur la faiblesse de cette redevance d’occupation privative du domaine public au regard des charges supportées par les contribuables et votent contre cette délibération.

Hakim SABRI dépose donc le 17 juillet 2007 un recours en annulation de cette délibération qu’il estime illégale, après avoir fait un recours gracieux auprès du président Migaud, recours que M. Migaud a refusé.

Devant le risque d’annulation, le président Migaud fait prendre par le conseil de Métro une nouvelle délibération le 19 septembre 2008 qui précise un peu le mode de calcul de la redevance et qui « confirme la convention de mise à disposition du stade » signée le 20 octobre 2007 par le Président de la Métro.

Ce 19 septembre 2008 il n’y a plus aucun élu écologiste à La Métro, puisque cette exclusion a été décidée par les partis dits de gauche à la suite des élections municipales. Cette délibération de « confirmation » est donc prise à une belle unanimité.

Hakim Sabri dépose donc un nouveau recours le 28 novembre 2008 contre cette délibération, estimant qu’il y a minimisation des charges supportées par La Métro pour le fonctionnement du stade, et qu’en conséquence le montant de la redevance d’occupation du domaine public par la société GF38 n’est pas conforme à la règlementation et la jurisprudence.

Entre la date de la première décision attaquée et la date des audiences de jugement, M. Migaud a été réélu député le 17 juin 2007, est devenu d’abord président de la commission des finances de l’Assemblée nationale (du 28 juin 2007 au 23 février 2010), est redevenu président de La Métro (jusqu’au 12 mars 2010, M. Baïetto lui ayant succédé), et a été nommé par M. Sarkozy premier président de la Cour des comptes le 23 février 2010.

Le tribunal administratif de Grenoble a tenu une première audience le 6 décembre 2011, où, à la surprise du requérant, le rapporteur public a d’abord estimé que le recours devait être rejeté au motif qu’Hakim Sabri n’aurait pas intérêt à agir en annulation d’une décision financière de La Métro, car le contribuable grenoblois qu’il est ne serait pas contribuable de La Métro !

Hakim Sabri a donc déposé immédiatement un mémoire en délibéré faisant état de jurisprudences démontrant que sa qualité de contribuable de La Métro à partir de 2009 lui conférait la capacité à agir et qu’il était surprenant qu’un contribuable de la ville de Grenoble ne puisse pas contester une délibération de La Métro ayant des conséquences financières sur la communauté d’agglomération qui a pourtant des rapports financiers importants avec la Ville !

Devant les forts arguments du requérant, le tribunal a décidé de rouvrir l’instruction du dossier et de fixer une nouvelle audience le 17 janvier 2012, où le rapporteur public a admis que Hakim Sabri avait effectivement intérêt à agir et que les délibérations attaquées ne permettaient pas d’évaluer correctement la redevance à payer par la société GF38 à La Métro.

Le Tribunal administratif a rendu son jugement le 31 janvier 2012, donnant entièrement raison à Hakim Sabri, et tort à M. Migaud et aux conseillers communautaires qui avaient exclu les écologistes.

Les juges décident :

« Considérant que les délibérations attaquées ont pour objet de fixer le montant de la redevance d’occupation due par la société Grenoble Foot 38 à la communauté d’agglomération Grenoble Alpes Métropole et, en conséquence de déterminer le montant des ressources de cette dernière; que cet acte ayant une incidence directe sur le budget communautaire M. SABRI, qui a justifié en cours d’instance de sa qualité de contribuable direct de la communauté d’agglomération à compter de l’année 2009, est donc recevable à demander l’annulation des délibérations litigieuses et ce alors même qu’il n’avait pas cette qualité à la date d’introduction des requêtes susvisées ; (…)

Considérant qu’aux termes de l’article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques : « La redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation » ;

Considérant que les avantages tirés de l’occupation d’un complexe sportif s’apprécient, notamment, au regard des recettes tirées de son utilisation telles que la vente des places et des produits dérivés aux spectateurs, la location des emplacements publicitaires, ainsi que des charges que la collectivité publique supporte, notamment les amortissements, l’entretien et la maintenance, calculés au prorata de l’utilisation d’un tel équipement ;

Considérant (…) que la communauté d’agglomération Grenoble Alpes Métropole ne saurait utilement se prévaloir du montant des redevances dues par d’autres clubs pour alléguer que le montant du loyer acquitté par la société Grenoble Foot 38 est représentatif des avantages retirés par le bénéficiaire ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le montant de la redevance aurait été établi en considération des avantages consentis à la société Grenoble Foot 38 et serait représentatif de ces avantages ; que, dès lors, M. SABRI est fondé à soutenir que les délibérations attaquées du 30 mars 2007 et du 19 septembre 2008 sont entachées d’illégalité et à en demander l’annulation ; »

Les conséquences de ce jugement :

Ce jugement est important dans le contexte actuel local et national des grands stades de football (derniers « éléphants blancs » des élus, maintenant en « partenariats public-privé » sic).

Ce jugement est très important pour les contribuables de l’agglomération, alors que La Métro étudie la mise en « délégation de service public » du stade des Alpes. Dorénavant, que La Métro fasse appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble ou pas, elle devra justifier dans le détail le montant de la redevance d’occupation du domaine public qu’elle demandera au délégataire privé en tenant compte de toutes les charges du sur-coûteux grand stade.

Le président de La Métro sera donc obligé de rendre public le coût réel du stade, y compris les amortissements de ce « grand éléphant blanc », comme l’a démontré l’ADES, et de faire la liste complète des avantages de toute nature procurés à la société GF38 pour le passé et à la prochaine société délégataire si il en existe une !

La redevance sera donc beaucoup plus importante que celle fixée initialement pour la société GF38 pour 2 raisons :

  • le délégataire privé doit faire fonctionner le stade sur l’année complète ;
  • la redevance d’occupation du domaine public doit intégrer tout ce qu’ont coûté à la Métro la création et le fonctionnement du « grand stade ».

La Métro ne pourra pas s’appuyer sur ce qui se fait ailleurs, qui en général ne répond pas à la législation, faute de contrôle de légalité ou d’élus soucieux des deniers publics.

À ce stade, il y a fort à parier (sur Betclic, PMU foot, Bwin et autres spéculateurs) que même les PDG des sociétés qui ont bénéficié des bonus des marchés du grand stade, même Tepco, même Areva, même un roi du pétrole, hésiteront à se lancer dans cette aventure, pourtant initiée par un devenu premier président de la Cour des comptes.

Mots-clefs : , , ,

Un commentaire sur “Stade des Alpes : deux délibérations annnulées”

  1. […] Voir la conférence de presse qui détaille ce jugement et ses conséquences. […]