Chauffage urbain, mais pourquoi ça chauffe ?

Publié le 24 novembre 2012
Manifestation à la Mairie - 19-11-12 (photo CNL, tous droits réservés)

Manifestation à la Mairie – 19-11-12 (photo CNL, tous droits réservés)

Le collectif « pour un chauffage urbain juste et solidaire » appelait à une manifestation lundi 19 novembre au moment du conseil municipal de Grenoble. De nombreux usagers munis de grosses caisses et tambours ont, dans une ambiance qui se voulait bon enfant, donné de la voix. Une perturbation qui fut de courte durée pour le Conseil municipal.

Cette manifestation rappelait que depuis le changement de tarif de 2008, les usagers du chauffage urbain ne supportaient plus la façon dont était géré ce service. Depuis des années le maire de Grenoble l’a laissé aux mains de puissants intérêts privés. La Compagnie de chauffage – CCIAG qui est pourtant une société d’économie mixte, donc à majorité de capitaux publics (58%), abandonne la direction de cette société à un salarié des actionnaires privé, Dalkia, filiale de Véolia (ex Générale des Eaux).

Jusqu’en 2008, les tarifs du chauffage urbain étaient définis par la CCIAG et non par les élus. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Tribunal administratif a annulé tous les tarifs de 1983 à 2008.

Sachant que les tarifs seraient déclarés illégaux, le maire de Grenoble et sa nouvelle majorité, au lieu de prendre les problèmes à bras le corps, ont décidé de transformer profondément les tarifs sans aucun contrôle sur la gestion du service et croyant que ces nouveaux tarifs seraient dans la continuité des anciens, ce en quoi ils se sont trompés. Ils ont octroyé des marges confortables à la CCIAG, en moyenne théorique de 3 M€ par an pendant les 10 ans qui restaient à courir jusqu’à la fin du contrat de délégation. En fait les marges ont explosé (environ 8 M€, si on utilise la comptabilité analytique fixée dans les contrats) car le compte d’exploitation prévisionnel voté par les élus et qui fixait les tarifs était truffé d’erreurs, ce qui démontrait que les élus qui ont voté ces nouveaux tarifs n’avaient rien vérifié du tout.

Le tribunal administratif devrait se prononcer en décembre sur la légalité des tarifs de 2008.

Les usagers ont commencé à réagir fortement face aux dérives des tarifs et le collectif « pour un chauffage juste et solidaire », associant les copropriétaires et les locataires, est né et a porté ses revendications précises auprès des élus. Ces derniers ont mis très longtemps à réagir, et en catastrophe ont voté un avenant en 2010 pour essayer de modérer les augmentations dues aux augmentations des coûts des combustibles. Comme cela ne changeait pas grand-chose à la réalité des factures, ils ont enfin admis, mais là encore sans aller au fond des choses, que les tarifs étaient trop élevés et que la CCIAG ne devait pas faire de marge supérieure à 1,5 M€ en moyenne (avenant de novembre 2011).

Les revendications du collectif étaient régulièrement rappelées sans être entendues, notamment la diminution de la part de l’abonnement à moins de 20 % de la facture, l’élaboration d’un nouveau compte d’exploitation prévisionnel et surtout le remboursement du trop perçu entre 2008 et 2011.

Sur ces trois points rien n’a avancé. Les communes ont mis un temps infini à choisir un cabinet d’expert, CALIA, dont l’expertise est attendue fin novembre 2012.

Ce qui a fait récemment déborder le vase, c’est l’annonce par la CCIAG du projet NOR d’une nouvelle chaufferie sur la presqu’île à un prix exorbitant, sans l’accord des communes et essayant de poursuivre la délégation non pas jusqu’en 2018 mais jusqu’en 2035. Sur ce point la réaction des communes a été des plus molles, le maire de Grenoble se contentant gentiment de demander des explications et des informations à la CCIAG, au lieu de s’opposer clairement à cette dérive. Il faut dire que tout cela fait partie du fameux projet d’ « éco-cité » sur la presqu’île qui sera une grande vitrine de la nouvelle politique d’urbanisme et de développement high-tech de Grenoble. Ce projet a des aspects pharaoniques qu’il va falloir vite revoir à la baisse dans cette période de crise qui appelle plutôt à la sobriété.

Le collectif appelait donc à manifester le 19 novembre pour protester contre le projet NOR et demandait des réponses précises sur les revendications notamment sur le remboursement du trop perçu qui n’est toujours pas admis par les communes.

Le maire et sa majorité ont été incapables de recevoir les manifestants pour qu’ils puissent exprimer leurs revendication, ce n’est pas la déléguée nouvellement nommée à la gestion déléguée qui pouvait décemment assumer cette tâche.

Le premier adjoint s’est offusqué au cours du conseil municipal estimant que tout avait été fait dans le dialogue avec le collectif, que les règles avaient été fixées et que ce type de manifestation n’avait pas lieu d’être. Il a opportunément oublié que depuis des années, les réponses précises attendues par le collectif, ont toujours été évacuées, notamment sur le trop perçu. Le premier adjoint se réfugie derrière son calendrier : il y aura un avenant en mars 2013, point final.

D’ici là les usagers devront attendre. Cette méthode de faire trainer les choses aura certainement des conséquences politiques, la démonstration va être faite que la majorité grenobloise est incapable de traiter à temps et au fond les questions cruciales pour la vie quotidienne des Grenoblois. La politique c’est faire des choix : sur ce dossier, ils ont toujours été faits dans le sens des intérêts d’un grand groupe et non de celui des usagers.

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