Que faire pour construire des logements moins chers à Grenoble?

Publié le 24 novembre 2012

Depuis des années l’ADES milite pour que des outils publics soient mis en place afin de lutter contre la dérive des prix des logements à Grenoble, renforcée par la politique pilotée par l’adjoint à l’immobilier, soutenu par toute la majorité municipale.

Au conseil municipal du 19 novembre, l’adjointe au logement a présenté une délibération portant sur une charte entre la Ville et la Fédération des Promoteurs Immobiliers des Alpes (FPIA) dont l’ objectif est de faire baisser les prix de certains logements neufs. La démarche est intéressante mais ne va malheureusement pas résoudre le problème posé, à savoir : l’impossibilité pour un nombre important de ménages grenoblois de pouvoir accéder à la propriété ou de trouver des logements en location à des prix abordables.

Cet accord ne concerne que 20% des logements des Z.A.C. (Zone d’Aménagement Concertée) : les promoteurs ont refusé de s’engager dans ce que on appelle le « diffus » (les opérations “privées” avec peu de logements)… sans doute parce qu’ils ne pouvaient espérer dans ce cadre-là aucune compensation sur la charge foncière, la Ville n’étant pas propriétaire des terrains (cf. plus bas) ! Ce qui donnerait le schéma de répartition type suivant sur toutes les ZAC :

  • 30% de logement locatif social
  • 10% d’accession sociale
  • 20% d’accession à prix abordable encadré par la Ville (réalisée par les promoteurs)
  • 40% d’accession libre (réalisée par les promoteurs)

La charte indique :

« Pour permettre aux classes moyennes d’accéder à la propriété, il est convenu de déterminer un prix plafond de vente des logements « abordables », et le prix plafond de vente du foncier correspondant :

  • Compte tenu des études réalisées sur la capacité d’achat des ménages par la Ville de Grenoble, le prix de vente moyen des logements abordables est fixé à 2800 €/m² de surface habitable (TTC 19,6%) hors garage. Ce prix moyen, qui peut varier à la baisse suivant les secteurs de la ville, est un maximum.
  • Compte-tenu de ce prix de vente plafonné, le montant de la charge foncière correspondant à ces logements abordables fera l’objet d’une décote…

Les logements « abordables » seront vendus à des propriétaires occupants, à titre de résidence principale, primo-accédants au sens du prêt à taux zéro (PTZ), et dont les ressources sont inférieures au plafond du PLS accession.

Les promoteurs introduiront dans les contrats de réservation de ces logements à prix « abordables » des clauses anti spéculatives d’une durée de 9 ans et veilleront à ce qu’elles soient reprises dans les actes notariés.

Outre le fait que la Charte ne fixe absolument pas son montant ou sa fourchette, la décote offerte par cette charte sur le foncier est absolument inacceptable. La commune n’a pas à vendre son patrimoine à prix cassé à des promoteurs privés. En fait, donner cette compensation aux promoteurs, c’est leur permettre de conserver une très confortable marge.

Il faut bien mesurer quels sont les revenus des grenoblois quand on veut savoir à qui s’adresse des logements à 2800 €/m2. Il faudra ajouter à cela le coût du garage en propriété ou loué et tous les frais inhérents sans parler des impôts locaux et des charges : 75 % environ des ménages grenoblois sont en dessous du plafond PLS ( prêt locatif social) accession (voir les chiffres INSEE sur les revenus des Grenoblois). Pour acheter un logement de taille moyenne sur la base de 2800 €/m2 TTC, avec un prêt sur 25 ans à 4,4%, et un apport de 30 000 €, un ménage au maximum du plafond devra consacrer le maximum possible (30%) de ses revenus au remboursement de l’emprunt.

Quels sont les prix réels de construction à Grenoble (hors charge foncière) ? Les bailleurs sociaux sont capables de construire des logements de qualité entre 1500 à 2000 €/m2 hors charge foncière. Quand les prix de vente du neuf par les promoteurs privés atteignent 3800 € voire 4500 €, ceci donne la mesure des marges.

Si on veut vraiment ralentir la spéculation immobilière, il faut agir à deux niveaux :

  • Avoir une politique de préemption des terrains dynamique, qui permettrait de mettre un frein à l’augmentation du prix des terrains. La dette engendrée par ces achats est une « bonne dette » puisqu’une fois le terrain revendu, celui-ci n’aura couté à la municipalité que le prix de son portage financier. Actuellement, alors que la Ville a la possibilité de préempter l’ensemble des ventes de la Commune, elle ne fait rien…
  • Créer un outil public de construction de logements de qualité dont le coût de sortie total serait soit inférieur (1500 € + charges foncières + taxes diverses = 1900-2000 €/m2) ou au pire égal au prix des logements anciens (en moyenne 2400 €/m2), ce qui obligera les propriétaires dans l’ancien à baisser leurs prix. Cela s’adressera à une grande partie des Grenoblois qui pourront faire le choix ou de la location ou de l’accession à la propriété et donc pèsera aussi sur les prix à la location.

La proposition de la majorité municipale, part d’un bon sentiment mais elle n’est pas à la hauteur des enjeux réels face à la crise du logement à Grenoble. Actuellement, la majorité des logements neufs ne sont accessibles qu’aux hauts revenus, ce qui ne permet pas de freiner la hausse excessive des prix de l’immobilier, ni la périurbanisation tant l’écart des prix des logements est important entre la ville centre et l’extérieur de l’agglomération. De ce point de vue les préconisations du SCOT sont en retard d’une guerre. Ce n’est pas le nombre de logements à construire qu’il faut fixer à Grenoble, mais le nombre de logements sociaux, le nombre de logements en accession sociale et le nombre de logements à des prix abordables (inférieurs ou égaux aux prix de l’ancien). Sinon, la ville pour les riches continuera de se développer…

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