Agir pour éviter les expulsions locatives

Publié le 7 novembre 2014

expulsionsComme invariablement chaque année le 2 novembre, c’est non seulement la célébration des « disparus » dans notre pays, mais aussi l’annonce avec des trémolos dans la voix : « la période des expulsions locatives va s’arrêter jusqu’au 31 mars prochain » ! Ce n’est pas le moment de relâcher la pression sur ce dossier et voir ce qui doit être fait pour éviter les expulsions locatives qui sont toujours le signe d’un échec.

Au cours du mois d’octobre, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) a vivement protesté, contre des décisions d’expulsion ou des procédures mises en œuvre avec le concours de la force publique et exige la publication rapide des décrets prévus par la loi Alur sur la prévention des expulsions. Mais il est à craindre que le détricotage de la loi entraine l’abandon de ces décrets. De son coté, la Fondation Abbé-Pierre note que « l’augmentation du nombre de procédures d’expulsion se poursuit, alors que les dispositifs mis en place depuis le début des années 1990, et plus encore depuis la loi de lutte contre les exclusions de 1998, auraient dû enrayer cette croissance« . Elle observe que ce sont les familles monoparentales, et spécifiquement les mères avec enfants, qui sont les plus touchées par le risque d’expulsion, et cette tendance va en s’accroissant.
En dehors des bailleurs sociaux, les raisons des expulsions dans le parc privé de petits ou grands propriétaires bailleurs sont moins connues, il y a les mêmes raisons que pour le logement locatif social, auxquelles s’ajoutent notamment la volonté de récupérer le logement,  pour soit installer un enfant du propriétaire ou cause moins noble : faire un peu de travaux et le louer plus cher, même si les règles de la relocation sont maintenant mieux encadrées.
Celles et ceux qui participent à des commissions d’analyses des dossiers pour expulsions locatives chez les bailleurs sociaux, savent que les expulsions sont au final peu nombreuses dans le parc locatif social, car les bailleurs sociaux en lien avec les services sociaux, font le maximum pour éviter cette solution extrême. Pour un bailleur social l’expulsion est un échec.

Les expulsions avec les locataires encore présents dans le logement sont très rares, car très souvent les locataires qui ont une forte dette, sont partis d’eux-mêmes. Pour qu’il y ait expulsion il faut que le bail soit résilié et c’est le juge qui résilie un bail.
Quelles sont les causes des expulsions : troubles de voisinages, squats ou forme de sous locations, et majoritairement des impayés de loyers.

Concernant les impayés de loyers dans le parc social :
Lorsque des locataires du parc social cessent de payer leur loyer, un dispositif se met en marche : l’arrêt du versement de l’APL (aide personnalisé au logement) au bailleur après quelques mois de non paiement de loyers. D’autres solutions peuvent intervenir pour le traitement de cette dette, comme un plan d’apurement, mais ce n’est pas systématique. Inutile de préciser que l’arrêt des paiements de loyers met en place, une machine infernale de dettes extravagantes : car en effet un loyer d’un T5 qui bénéficie d’un montant conséquent d’APL, entraîne très vite des dettes de loyer de 5, 10, 15, même 20 000 euros !
Il est très facile d’imaginer les conséquences rapides de cette situation : un surendettement massif qui entraîne des situations de stress permanent,  pour ces ménages fréquemment dans les strates des minimas sociaux ou encore des « travailleurs pauvres ».

Quoique l’on dise, les bailleurs sociaux font de gros efforts pour endiguer cette dérive afin de redresser la situation. Tous les bailleurs sociaux, ont recruté des travailleurs sociaux capables de mobiliser des dispositifs, des conseillèr(e)s en économie sociale et familiale, qui accompagnent les personnes dans leurs démarches auprès des services sociaux du département, etc. Alors le locataire reprend un paiement d’un mois  ou 2, ce qui ralentit les procédures d’expulsion, mais pas l’effacement de la dette. Et il n’est pas si facile d’obtenir des procédures de surendettement, c’est là aussi un long parcours administratif, souvent humiliant pour les ménages.

Rôle de la Caisse d’Allocations Familiales ?
En fait, la CAF Isère comme on l’appelle, intervient pour faire cesser le versement de l’APL. Or, en son temps, la Ministre du Logement Cécile Duflot avait demandé et obtenu auprès de la CNAF, l’organisme national, que les APL puissent être versées même en cas de non paiement de loyers, lorsqu’une procédure d’accompagnement est mise en place très rapidement, c’est à dire dès l’arrêt des versements de loyers de locataires, pour que la dette ne soit pas trop importante. Pour ces ménages de condition modeste, le loyer résiduel avec les charges est minime, ce qui éviterait d’en arriver à des dettes impossibles à rembourser pour ces niveaux de revenus si faibles.
L’idée était d’expérimenter en Isère le maintien de l’APL. Il faut noter l’effet psychologique désastreux de la suspension de l’APL. Si la dette est traitée et le paiement du loyer  courant à nouveau payé, l’APL est de nouveau versée.
Le problème, c’est que les caisses départementales ont une autonomie de décision, selon leur conseil d’administration, qui est composé de représentants divers, dont les organisations syndicales de salarié-es, etc.

Pas de chance pour l’Isère : la CAF n’accepte pas de mettre ce dispositif en fonctionnement. En conséquence, la CAF de l’Isère est une CAF très bien gérée,  puisqu’elle ne dépense pas tous ses « sous ».
Par contre la CAF du Rhône a adopté ce dispositif. Donc, il n’y a pas réellement égalité de traitement pour un service public qui se dit égalitaire.

L’association des Bailleurs sociaux de l’Isère a entamé un dialogue avec la CAF de l’Isère depuis de longs mois, mais sans succès. Cette posture entraîne entre autres, des procédures administratives avec coûts de fonctionnement non négligeables, chez tous les bailleurs.

L’autre conséquence de cette histoire : c’est qu’au final, lorsque le locataire est expulsé, les bailleurs perdent tout le montant des APL qu’ils auraient dû percevoir durant la période où le locataire est maintenu dans son logement, soit durant environ 2 ou 3 ans. Ce sont des sommes significatives chez chaque bailleur, même s’il n’y a pas beaucoup d’expulsions. La CAF, présente ainsi un résultat annuel plutôt satisfaisant à sa « maison mère » la CNAF.
Tout APL non versée, ne revient jamais au locataire ou au bailleur en cas d’expulsion ou de départ. Cela plombe les comptes des bailleurs et la dette reste due par le locataire.

En conclusion,
– ces expulsions sont toujours des drames humains, même si parfois, il serait nécessaire que certains ménages bénéficient de passages, soit en centre d’hébergement et de réinsertion sociale ou en hôtel social, avec un accompagnement socail très soutenu, qui permet d’améliorer la situation financière, mais aussi avec une aide à l’accompagnement éducatif auprès des enfants, car malheureusement, il peut y avoir d’autres problèmes sociaux que des difficultés économiques.
– les bailleurs sociaux dont 80 % des ressources proviennent des loyers versés par les locataires, se voient spolier de montants non négligeables qui pourraient servir à l’amélioration du parc locatif par une gestion de proximité améliorée.
– Il y a une formidable inégalité de traitement en France, alors que le versement des allocations logement est censé être un égal droit d’accès pour tous les citoyens de ce pays. Tout en précisant, que les bailleurs sociaux doivent toujours améliorer leur dispositif contre les expulsions.

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