L’ADES : un OPNI (objet politique non identifié) ?

Publié le 10 avril 2015

Logo Ades webL’ADES, en tant que mouvement, a toujours voulu maintenir une liaison étroite entre élu-es et citoyen-nes motivé-es et rassemblé-es avec pour perspective de changer les politiques publiques dans un sens social, économique, patrimonial et écologique. La difficulté est la suivante : s’il n’y a pas de liaison étroite des élu-es avec un collectif militant et avec la société civile organisée, la machine politico-institutionnelle transforme les élu-es, soit en politiciens professionnels, soit en godillots. Il faut souligner que les partis traditionnels, réduits à des instruments électoralistes de la conquête du pouvoir national (et local), ne sont plus des lieux de réflexion ou d’élaboration de propositions politiques locales, mais des corporations d’élu-es cherchant à pérenniser leurs mandats, leurs intérêts clientélistes et personnels. Trop souvent ce sont les élu-es qui prennent le pouvoir dans les partis politiques, profitant de cette position pour se construire, localement, des clientèles, des fiefs personnels, servis qu’ils sont par le personnel des collectivités territoriales et leurs satellites, dont des contractuels, qu’ils ont fait embaucher. La plupart des partis politiques traditionnels n’ont que peu d’adhérents autres que les élu-es et les serviteurs de l’appareil, d’où leur crise profonde après les défaites électorales.

L’ADES a intégré le fait que ses membres puissent être aussi adhérents à des mouvements ou partis nationaux, ce qui est naturel et raisonnable quand on souhaite rassembler, même si certains partis ne le comprennent pas (1).

L’expérience de l’ADES fondée sur les trois piliers de la démocratie, de l’écologie et de la solidarité montre, depuis de longues années et de nombreuses élections, qu’il ne faut pas jouer à ce petit jeu des places, des postes et de la gloriole. Etre élu-e est une mission pas une sinécure, pas une carrière. L’ADES a toujours su garder à l’extérieur de l’arène électorale, des compétences de poids. L’ADES a toujours exigé de ses élu-es de se maintenir dans une activité professionnelle rémunérée. C’est la condition nécessaire pour défendre une autonomie locale experte et pour construire une action publique de qualité sur le long terme qui soit vraiment innovante, politiquement et socialement. Cela ne se décrète pas d’en haut.

Au fil des ans, grâce à ces principes, l’ADES est devenue une instance de réflexion et de formation citoyenne très compétente en matière de fonctionnement des collectivités et des services publics. C’est un outil de renouvellement de futur-es élu-es suffisamment formés pour rester autonomes, critiques et efficaces. Deux exigences importantes doivent être respectées : l’indépendance économique vis-à-vis de l’exécutif, de l’appareil des collectivités territoriales, de leurs satellites, et une vigilance de tous les instants par rapport au système du « tout pouvoir au maire » (au président) qui régit le fonctionnement des collectivités territoriales et assimilées (commune, métropole, département, région) en contradiction avec l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme qui exige le respect de la séparation des pouvoirs exécutifs et délibératifs (2).

Pendant ces années d’expériences dans la majorité ou dans l’opposition, l’ADES s’est forgée une sage doctrine concernant les règles à suivre en matière de décision publique : accès aux informations, analyses pluralistes, organisation de débats publics contradictoires, un exposé clair des choix politiques au moment de la décision, de façon de pouvoir, après la décision, contrôler et adapter en fonction de ses résultats.

Seules la patience et la continuité de cet engagement de long terme, permettent de gagner la confiance des citoyen-nes et de changer les politiques publiques dans le sens du bien commun. Il en est ainsi de la lutte contre les systèmes corruptifs et les privatisations des services publics, en utilisant tous les leviers de l’action, y compris en faisant valoir les droits, ceux des citoyens et de la collectivité, par des recours au droit, en justice, si cela s’avère nécessaire, comme le recommande l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Quelques règles pour éviter les dérives et construire le chemin de la réussite durable pour tous

Lors d’une réunion publique à Grenoble pour débattre sur les raisons qui ont mené à la victoire aux élections municipales de mars 2014, l’ADES a indiqué quelques règles qu’il convient de suivre pour changer la vie politique localement et pour améliorer la vie en commun.

1 –   La nécessité absolue de disposer d’un collectif de militant-es et de citoyen-nes engagé-es. Il ne faut pas laisser les élu-es seul-es dans la machine politico-institutionnelle. Il faut la présence à l’extérieur d’un collectif militant de citoyen-nes actifs travaillant en permanence les dossiers importants avec les élu-es et avec les citoyen-nes. Ces citoyennes et ces citoyens sont les animateurs et acteurs des réformes, on peut même les qualifier de « conspiratrices et conspirateurs des réformes » terme actuellement utilisé pour exprimer la lutte et la résistance contre les machines financières,  les forteresses bureaucratiques et tous les corporatismes. Ce collectif doit avoir une présence politique autonome sur le terrain avec ses actions, ses dossiers, ses expertises, ses propres médias, ses allié-es et ses complices partout dans toutes les forces vives de la société. Ces acteurs et ces actions sont alors un point d’appui important pour les élu-es, et leur permettent d’éviter d’être contraints à suivre comme des godillots les choix majoritaires, idéologiques.

2 –   Une culture alternative aux conceptions et pratiques politiques des partis traditionnels est impérative. Devenir élu-e n’est pas une récompense, ni une sinécure par défaut d’activité professionnelle, c’est un engagement et une mission de tous les jours. Les postes d’élu-es se méritent sur le terrain et non à la suite de tractations d’appareils. L’autonomie et l’indépendance politique des élu-es doit être constante, et sans cesse réaffirmée. C’est une exigence indispensable.

3 –   Une unité d’action solide sur le long terme. La recherche de solutions concrètes à partir des questions qui se posent aux citoyen-nes au quotidien sur le terrain permet aux militant-es de sensibilités diverses de mettre au point les convergences pratiques sur des projets et de construire des alternatives sur des dossiers concrets. C’est pourquoi toutes les tentatives de divisions et de débauchage par nos concurrents ou adversaires ont échouées dans le passé (même si certains les ont tenté, y compris en essayant d’infiltrer le mouvement). C’est la condition nécessaire pour que de telles manœuvres échouent à l’avenir.

4 –   Le contrôle citoyen des machines institutionnelles est une obligation. Les citoyen-nes membres de l’ADES ont appris au quotidien comment fonctionnait ces machines institutionnelles. Ils ont appris, par souci de l’intérêt général local, à contrôler ou à combattre si nécessaire, leurs dérives bureaucratiques, clientélistes, et les pratiques corruptives. Tous les leviers d’actions permettant de sauvegarder l’intérêt général doivent être utilisés : mobilisation citoyenne, mobilisation médiatique, recours gracieux, recours à la justice (administrative, financière, civile),… Les membres de l’ADES se sont formés pour cela (3). C’est peut-être un peu pour ces raisons que les citoyen-nes font confiance à l’ADES, et que le FN ne trouve pas à Grenoble un terreau pour prospérer de trop sur une dénonciation du tous pourris.

5 –   Une expérience à toute épreuve. Au fil du temps, tous les cas de figure possibles ont dû être affrontés : 12 ans dans l’opposition à l’épreuve d’une droite totalement corrompue et d’une « gauche » passive (1983-1995), 13 ans minoritaires dans une majorité de gauche et écologiste (1995-2008) à l’épreuve des dérives du pouvoir socialiste, 6 ans dans l’opposition à l’épreuve d’une majorité « gauche »-droite où les élus de « gauche » ont renié valeurs et principes. C’est ce qui a permis de participer à cette nouvelle campagne municipale et communautaire de 2014 en présentant une véritable alternative crédible par rapport aux sortants et par rapport aux autres partis politiques. Pas d’incantations, des actes !

6 –   Des valeurs à l’épreuve du temps : Démocratie, Ecologie, Solidarité. Dès sa création, l’ADES a défini un triptyque pertinent de valeurs Démocratie Ecologie et Solidarité, qui fonde une démarche citoyenne, soutenable et solidaire. Depuis plus de trente ans ! Ainsi, il existe dans cette « métropole » un fond politique vraiment de gauche et écologiste qui résiste à l’épreuve des faits et du temps. Normal, il a été forgé et peaufiné dans la pratique au quotidien comme cela devrait se faire partout dans une République digne de ce nom.

7 –   Une pratique quotidienne de rassemblement sur ces valeurs. Durant des années, des membres de l’ADES, des Verts, d’EELV, des Alternatifs, des syndicats, des associations citoyennes de quartier ou travaillant sur des thématiques particulières (logement, urbanisme, eau, déplacements, pollutions, risques, santé, éducation, immigrés,…) ont forgé des habitudes de travail concret en commun, mobilisant des savoirs tirés de savoirs-faire et de savoirs-être qui résistent aux épreuves du temps et que le temps fortifie. L’ADES a rempli son rôle de cheville ouvrière et de ferment du rapprochement avec le Parti de Gauche. De même, l’ADES a soutenu la construction du Réseau Citoyen qui a réussi à réunir de nombreuses habitantes et de nombreux habitants mobilisé-es sur des dossiers locaux parfois très techniques et ponctuels (eau, déplacements, chauffage urbain, urbanisme, logement, équipements, lycée Mounier,…). Tout cela passe aussi, et peut-être surtout, par des personnes formées et expérimentées, capables d’apporter leur expertise concrète. A toute cette mobilisation convergente, il y a forcément un jour un débouché politique permettant de construire un bien commun et une vie ensemble capable de résister aux intégrismes, quels qu’ils soient, et au racisme. Cette « métropole » et cette région rurbaine au cœur des Alpes a toujours été une terre d’accueil et de partage pour toutes et tous, rassemblé-es, quelles que soient leurs origines et leurs cultures. C’est une valeur essentielle qui a résisté à l’épreuve du temps en ce pays de vallées et de montagnes : en partageant la confiance, celle-ci ne peut que s’accroître. Belle leçon pour les années à venir, pour nous, nos enfants et petits-enfants.

Conclusion

La réunion de toutes ces compétences et de toutes ces énergies pour bâtir un projet commun sur des valeurs démocratiques, écologiques et solidaires, a été un facteur décisif à Grenoble pour l’émergence d’une alternative crédible aux partis traditionnels, telle qu’elle s’est concrétisée par exemple en mars 2014. L’ADES y a joué un rôle essentiel et déterminant, souvent en ayant su agir avec d’autres, notamment EELV, le Parti de Gauche et le Réseau Citoyen, de manière tenace et pluraliste, sans autosatisfaction. Cela a beaucoup contribué à la réussite de ce changement politique. Il y en aura d’autres si l’on cultive cette confiance réciproque.


Notes

1 – L’ADES a toujours prôné la multi-appartenance politique de ses membres, ce qui est naturel et raisonnable quand on souhaite rassembler, mais cela n’a jamais vraiment été du goût des partis nationaux, certains prononçant des interdits, voire des mesures d’exclusion, soucieux qu’ils sont de la pureté de leur étendard et surtout de la pérennité de leurs financements (versement par l’Etat et contribution des élu-es, plus que de la multiplication des adhérents). Nombre de membres de l’ADES n’ont jamais été encartés dans des partis nationaux de leur vie manifestant une méfiance par rapport aux logiques d’appareils centraux. L’ADES est né au moment de la création du parti Les Verts en 1982. Uniquement une coïncidence de date car sur le fond, son orientation n’est pas d’être une cellule d’un parti centralisé mais bien d’être une composante autonome d’une fédération d’associations locales (vieux fond anarcho-syndicaliste ?) s’engageant sur des projets très concrets dans la sphère communale, métropolitaine ou de la région rurbaine, qui soient susceptibles d’entraîner l’engagement des gens et leur rassemblement pour les débats et délibérations politiques locales sans dépendre des stratégies d’alliance de partis nationaux. Fort de ce principe, l’ADES n’a jamais cherché à se démultiplier dans les communes environnant Grenoble, laissant les militants locaux décider des formes de rassemblement possible, tout en leur apportant un soutien technique sans compter. Penser globalement, agir localement est une devise qui convient à l’ADES, et que les partis nationaux devenus « hors-sol » et sur le point d’éclater devraient méditer à l’heure où les citoyen-nes, branché-es sur la planète, sont de plus en plus des « nomades-sédentaires multi-appartenant-es ».

2 – Art. 16 : Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

3 – Périodiquement, l’ADES organise des actions publiques très concrètes avec pour objectif de former « des citoyens actifs pour changer l’action publique ». Les thèmes sont divers : les déplacements (PDU), l’urbanisme (PLU), les finances (comment ça marche), l’eau, les risques, les droits, les grands projets inutiles et dispendieux, etc. La grande différence entre l’ADES et les partis traditionnels réside dans la volonté d’armer (pacifiquement) les citoyens pour qu’ils comprennent bien le fonctionnement de machines politico-administratives bureaucratisées que sont devenus les services publics souvent détournés de leur mission qui est d’être au service du public et non au service des élu-es et du personnel. Par exemple lors de la bataille contre la Rocade Nord, dans les 4 communes impactées, l’ADES a organisé des séances de formation pour bien répondre à l’enquête publique. Ces actions ont contribué à faire en sorte que les commissaires enquêteurs émettent un avis défavorable. L’ADES est sollicitée par de nombreuses demandes venant de toute la France, pour des conseils et même des formations militantes.

 

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