Exclusif : interview de Vincent Fristot adjoint à l’Urbanisme

Publié le 20 mai 2016

microVincent Fristot a été conseiller municipal de 1995 à 2008, il a été président de la Compagnie de Chauffage et il a beaucoup œuvré pour en finir avec les affaires d’abus de biens sociaux des dirigeants passés de cette société (abus effectués au détriment des usagers). Suite au retour en Régie municipale du service de l’eau, il en a été le Président jusqu’en 2008. Il a de nouveau été élu en mars 2014 et a été chargé de dossiers très importants : adjoint à l’urbanisme, au logement et habitat, à la transition énergétique, Président de GEG et conseiller communautaire à la Métro.

Pour ce qui concerne l’urbanisme, on y apprend que la nouvelle majorité a rompu clairement avec les excès de l’équipe précédente, réalité parfois mal perçue par manque d’informations et de communication.

Quel a été le premier acte de l’adjoint à l’urbanisme ?

« Comme il y avait transfert de compétence du Plan Local de l’Urbanisme à la Métropole au 1er janvier 2015, et qu’on ne savait pas comment les PLU des communes allaient évoluer ensuite, il était important qu’avant fin 2014, la ville puisse corriger rapidement le PLU qui autorisait de construire des immeubles très hauts et qui était trop compliqué dans certaines règles. D’où la modification n°3 qui a été adoptée au Conseil Municipal en décembre 2014 et qui a interdit de construire sur la grande Esplanade en arrêtant le projet de l’ancienne majorité qui avait été très critiqué.

Cette modification bien reçue par les habitants a permis de corriger de nombreux excès, mais il reste encore des points à revoir pour éviter des excès inutiles dans certaines zones de la ville. »

Quelle vision de la ville porte l’adjoint à l’urbanisme ?

« Le premier point, c’est la volonté de la majorité municipale de faire une ville pour tous et d’éviter la dérive qui se faisait jour, afin d’empêcher les habitants aux ressources modestes de fuir une ville trop chère. D’où la priorité à la construction de logements sociaux de qualité, répartis dans toute la ville. Nous mettons en œuvre la loi de Solidarité et de Renouvellement Urbain (SRU) qui impose que les communes atteignent 25 % de logements sociaux en 2025, c’est notre engagement.

Les pouvoirs publics ont la responsabilité historique d’affronter les changements climatiques qui sont à l’œuvre, d’adapter nos territoires aux évolutions qui risquent d’être très difficiles si on n’arrête pas les émissions de gaz à effets de serre et si on ne dé-carbone pas l’ensemble de nos activités rapidement. D’où l’obligation de maîtriser l’énergie notamment dans nos bâtiments et diminuer le trafic automobile ce qui permettra aussi de diminuer les pollutions atmosphériques et des bruits. La loi de transition énergétique fixe un cadre intéressant pour cela, avec une réduction de l’ensemble des consommations d’énergie. Pour les constructions neuves, nous avons imposé une amélioration de 20 % des performances énergétiques par rapport à la réglementation nationale dans le PLU, qui concerne déjà plus de 600 logements.

Un des enjeux de l’urbanisme d’aujourd’hui est de ralentir puis d’éviter le développement de la périurbanisation, dévoreuse d’espaces naturels ou de terres agricoles. Pour Grenoble et son agglomération ceci se décline en trouvant les bonnes solutions pour que les habitants restent dans le tissu urbain, c’est-à-dire que la vie y soit agréable et que les prix des logements soient accessibles. A ce titre, les nouveaux quartiers doivent être exemplaires (Presqu’Ile, Esplanade, Flaubert) avec un urbanisme de qualité où il fait bon vivre, avec des rez-de-chaussée vivants (commerces, activités…), des écoles et équipements, des espaces publics conçus pour les enfants ou les plus âgés, qui favorisent et développent la vie sociale de quartier.

Parallèlement, nous devons réduire les nuisances de l’automobile et des camions en organisant mieux les livraisons et en incitant aux alternatives aux mobilités motorisés. Deux grands leviers sont efficaces à ce sujet : augmenter la surface d’espace public pour les modes doux ou actifs (marche à pied, vélo, transports en commun) et rendre le stationnement moins facile pour les non-résidents, diminuer les capacités des voiries pour l’automobile.

Pour Grenoble intra-muros qui figure parmi les villes les plus denses, notre politique vise à mieux répartir le logement social au nord de la Ville, avec une mixité (accession-social) pour équilibrer financièrement les opérations, ce qui équivaut à un niveau de production de logements familiaux qui maintient la population actuelle.

Il n’est pas question de poursuivre la politique précédente qui ne se donnait aucune limite à ce sujet. Notre position consiste à ne pas densifier en nombre d’habitants au kilomètre carré à Grenoble. L’augmentation de la population peut se réaliser à la périphérie de la ville centre, où la densité est beaucoup moins grande, autour des transports en commun, où les boulevards à vélo peuvent se développer.

Par ailleurs, nous voulons développer des activités ou installer des artisans au sein des opérations et assurer une diversité des fonctions, notamment sur la ZAC Flaubert. »

Mais alors pourquoi construire, si on ne veut que maintenir le niveau de population ?

« Un phénomène important se poursuit. Alors qu’en 1968, il y avait environ 3 personnes par logement, actuellement il y en a moins de 2. Et chaque année il y a une très légère diminution de cet indicateur. Aussi, pour maintenir la population, il faut construire des logements.

Une autre caractéristique importante est en progression, c’est la vacance dans les logements privés. Dans les logements sociaux, il y a très peu de vacance ce qui montre qu’il y a une forte demande de ce type de logements, car ce sont les rares loyers accessibles pour le plus grand nombre. Par contre depuis quelques années, il y a une forte progression des logements vacants dans le privé ; la moitié environ de ces logements vacants ne sont pas pris par le marché soit par la volonté des propriétaires, soit parce qu’ils ne répondent pas à la demande, trop chers, vétustes, mal isolés…

Malheureusement la puissance publique a peu de moyens pour agir sur cette vacance. Pour compenser cette perte de logements accessibles à la vente ou à la location, il faut prévoir des logements neufs supplémentaires chaque année.

D’où un nombre total de logements à prévoir entre 650 à 750 logements neufs par an. Ce qui est en forte diminution par rapport à ce que faisait l’équipe municipale précédente. »

On entend parfois que la nouvelle majorité poursuit la politique de densification de l’ancienne, qu’en est-il ?

« Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pendant le mandat précédent il y avait en moyenne la construction de plus de 1000 logements familiaux par an.

Sur les douze derniers mois, nous n’avons autorisé que 600 logements à travers les demandes de permis de construire (PC) déposés par les promoteurs et les bailleurs sociaux. Nous observons une baisse des demandes de PC, l’objectif est en dessous des 750 logements/an du PLU de 2005.

Nous avons étudié quelle serait l’économie générale de la construction de logements pour permettre la stabilisation de la population aux environ de 160 000 habitants à Grenoble et en respectant les 25 % de logements sociaux en 2025.

Il n’est pas possible d’atteindre ces 25 % si on ne réussit pas à transformer du logement privé ou des bureaux en logements sociaux, ce qui n’est pas simple mais cela est une obligation. De même, il faudra environ 40 % de logements sociaux dans les opérations neuves pour y arriver.

Contrairement à ce qui ce dit ici où là, les chiffres parlent d’eux-mêmes, il y a une rupture franche avec l’ancienne politique qui a été sanctionnée par les Grenoblois en 2014.

Avec ces objectifs, la Ville participe à la modification du PLH de la métropole, qui comportera un important volet consacré à la réhabilitation (thermique) des logements existants publics et privés. »

Pourquoi ne pas avoir stoppé tous les projets déjà en cours à votre arrivée ?

« Un certain nombre de projets ont été revus quand on pouvait le faire. Mais la violente politique d’austérité des finances publiques, imposée dès 2014 et accélérée ensuite par le gouvernement, a supprimé toute possibilité financière à la ville pour intervenir de manière efficace et rapide pour corriger certains projets. Il faut savoir que reprendre des projets ou les annuler peut coûter cher au maître d’ouvrage. Les baisses des subventions de l’Etat à la construction de logement social, l’incapacité de la Métro et de la ville à augmenter leurs aides, font que les bailleurs sociaux sont obligés de mettre de plus en plus de fonds propres pour construire dans les enveloppes imposées. En conséquence plusieurs projets contestés qui auraient pu être corrigés ou revus, ne l’ont pas été, faute de moyens.

Par contre pour les nouveaux projets publics, notamment sur l’Esplanade et dans la ZAC Flaubert, le débat public préalable aux décisions est et sera largement ouvert.

Sur l’Esplanade, le projet de l’îlot Peugeot (projet essentiellement privé) n’était pas soumis à la co-construction : il va voir le jour prochainement et va permettre de commencer à changer ce quartier. Pour tout ce qui concerne le reste de l’Esplanade, le débat est ouvert et le cabinet HZD va faire divers scénarios pour l’avenir de ce quartier. Il y a des invariants qui sont édictés par la ville et qui correspondent aux engagements clairs de la nouvelle majorité : pas de construction le long des berges de l’Isère ni sur la grande Esplanade, forte diminution de la fonction de parking, nombre de nouveaux logements d’environ 650, soit en forte diminution par rapport au projet de l’ancienne équipe.

Sur Flaubert : à part l’Ilot Nord (en face de la MC2) qui était déjà travaillé, l’avenir du reste de la ZAC est largement ouvert au débat et il y aura moins de logements construits que prévu. Par exemple, le projet Galtier qui est un projet porté par Grenoble Habitat, reste très en dessous de ce que le PLU autorise comme densification. Plusieurs réunions publiques ont déjà eu lieu avec des évolutions en amélioration de ce projet. »

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