Expertise citoyenne des finances de la ville de Grenoble – 3ème partie

Publié le 23 septembre 2016

tirelireDans les articles précédents, nous avons montré qu’en 2014, au moment de l’arrivée de nouvelle majorité, la situation financière de la ville était très dégradée. C’est le moment choisi par le gouvernement pour diminuer violemment les dotations aux communes (11 milliards en 3 ans, annoncé le 16 avril 2014 par le 1er ministre, juste après les élections municipales). Grenoble se trouve alors dans une situation tellement délicate que si rien n’est fait pour corriger la situation, la mise sous tutelle financière de la commune par l’Etat à échéance de un ou deux ans est une certitude. Rappelons que la mise sous tutelle de la commune par l’Etat signifie que le préfet gère les affaires municipales en imposant au conseil municipal les choix financiers proposés par la Chambre Régionale des Comptes. En d’autres termes, les élu-es perdent l’essentiel de leur pouvoir à savoir les décisions budgétaires.

Fort du constat de la situation dégradée des comptes de la commune, le budget 2015, le premier budget élaboré par la nouvelle majorité municipale, se traduit par un important freinage des dépenses de fonctionnement de la commune afin d’assurer le redressement de la situation compte tenu de la baisse des ressources. Il est suivi par le budget 2016 qui poursuit ce freinage. Mais la baisse des dotations de l’Etat est tellement violente qu’il est impossible de la compenser immédiatement par la mobilisation d’autres ressources (notamment les impôts compte tenu de l’engagement électoral de ne pas les augmenter) ce qui oblige à une baisse de l’épargne et par conséquent à une légère diminution des investissements, le recours à l’emprunt étant très limité vu le niveau actuel de la dette héritée de la gestion de l’ancien maire corrompu.

Passées les mesures d’économie réalisées au cours des deux premières années du mandat, cette politique obligée de freinage des dépenses n’est plus possible sans modifier de manière raisonnée et raisonnable le périmètre même de l’action municipale sinon c’est l’avenir de la commune qui sera obéré par le manque d’investissements et un fonctionnement très dégradé

1) Empêcher la mise sous tutelle par l’Etat grâce à un freinage important des dépenses de fonctionnement en 2015-2016

  • Les règles à respecter pour rester dans la légalité : l’équilibre réel et sincère du budget.

Première règle : inscrire dans le budget les dépenses obligatoires. Ces dépenses sont listées par la loi (L 2321-2 du CGCT). Pour une commune, il y a 33 dépenses obligatoires et notamment l’obligation de financer les amortissements par un versement de la section de fonctionnement du budget à celle d’investissement. Ces amortissements représentent au moins un montant de 17 à 18 M€. L’épargne brute, soit la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement, doit absolument dépasser ce montant.

Deuxième règle : le remboursement du capital des emprunts doit se faire par les recettes propres (épargne brute plus remboursement de TVA et taxe d’aménagement, cessions d’actifs). Les recettes hors épargne brute représentent environ 11 M€. Donc, comme l’épargne brute avoisine les 18 M€, il ne faudrait pas que le remboursement en capital dépasse les 29 M€ environ, or il atteint presque 26 M€. Donc il ne faut pas augmenter trop la dette, sinon l’annuité de remboursement en capital augmenterait et frôlerait la ligne rouge.

  • La mise sous tutelle menaçait

La mise sous tutelle signifie que devant un budget irrégulier, le préfet est obligé d’intervenir sans délai pour solliciter la Chambre Régionale des Comptes qui doit lui faire, sous un mois, des propositions pour rendre le budget respectueux des règles. A partir du moment où le Préfet agit, le Conseil municipal perd toute possibilité d’agir financièrement sur quoi que ce soit. C’est l’Etat qui prend la main, c’est une véritable mise sous tutelle.

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Alors qu’entre 2012 et 2013, la baisse des dotations de l’Etat n’était que de 0,8M€, les baisses des épargnes brute et nette ont été de 5 M€ !!! Entre 2013 et 2014 la baisse des dotations de l’Etat n’était que de 2,5 M€, mais l’ancienne équipe a diminué l’épargne brute et l’épargne nette de presque 5 M€. On voit que les dépenses de fonctionnement n’étaient plus contrôlées.

Pour le budget 2015 la nouvelle majorité municipale a dû freiner très fort les dépenses pour que la baisse de l’épargne brute et de l’épargne nette ne soit pas supérieure à la baisse des dotations, sinon la ligne de la limite légale (voir graphique) aurait été franchie.

Fin 2015 la limite légale (financement des amortissements) a été atteinte et il était absolument nécessaire qu’en 2016 les économies dans les dépenses soient à la hauteur du montant de la baisse des dotations de l’Etat. Heureusement quelques augmentations imprévues de recettes et une baisse très forte des dépenses vont permettre de respecter cette limite légale.

Sans ces freinages immédiats et importants, la mise sous tutelle par l’Etat apparaissait comme inéluctable.

2) La nécessité de changer de logique : un plan de sauvegarde pour 2017 et 2018

La diminution de l’épargne brute détériore la capacité de désendettement (rapport entre le stock de la dette et l’épargne brute mesurée en années). La capacité de désendettement dépasse aujourd’hui les 13 ans, ce qui est une zone considérée comme dangereuse. Cette situation peut rendre plus difficile l’accès aux crédits dans de bonnes conditions dans les années à venir et renchérir les emprunts bancaires. Il faut rapidement revenir à moins de 10 ans de capacité de désendettement, soit augmenter au moins à 25 M€ l’épargne brute.

L’épargne nette négative signifie qu’on est obligé de mobiliser les recettes propres d’investissement au-delà de l’épargne brute pour rembourser la dette. Cela peut se faire par exemple en vendant du patrimoine. Une diminution importante du niveau d’investissement est donc nécessaire si on n’augmente pas la dette, augmentation dangereuse compte tenu de la deuxième règle de légalité du budget. Il faut donc rapidement revenir à une épargne nette nulle, puis positive

Quelle est l’ampleur de l’effort ? Dans le budget 2016, l’épargne nette est de – 7,7 M€. La baisse annoncée des dotations de l’Etat était de 6 M€ pour 2017. Il fallait donc absorber un choc de l’ordre de 14 M€ (7,7 + 6) à partir de 2017 pour espérer aller vers une épargne nette à peu près nulle. Depuis, le gouvernement a annoncé que la baisse pour 2017 ne serait plus que de la moitié pour Grenoble, soit 3 M€ ce qui pouvait laisser laissait espérer un effort un peu moindre. Dans le même temps, le gouvernement a imposé (ce qui était une bonne chose) une amélioration des salaires et des carrières des agents territoriaux, mais sans compensation de l’Etat (ce qui est encore un mauvais coup), soit 3,2 M€ de charge supplémentaire pour Grenoble en année pleine. Ainsi on se retrouve dans la même configuration à savoir trouver vite 14 M€ d’économies. Tout cela n’était bien évidemment pas connu au moment de l’élection municipale de mars 2014.

La majorité municipale a décidé de ne pas augmenter les taux des impôts, suivant l’engagement qu’elle avait pris devant les électeurs en 2014. Conséquence : il faut donc trouver ces 14 M€ par des économies du côté des dépenses de fonctionnement.

Quoi qu’il en soit, il est impossible, en une année, de réduire ces dépenses d’un montant de 14 M€, d’où le plan de sauvegarde annoncé sur 2 ans, et en supposant qu’à partir de 2018 les dotations de l’Etat cesseront de diminuer.

Une alternative à la baisse des dépenses ou une mesure intermédiaire à cette baisse serait possible : mettre au débat public des scénarios avec arbitrage entre baisse des dépenses et hausse des impôts locaux. On peut douter qu’une majorité de Grenobloises et de Grenoblois soit en faveur d’une hausse des impôts locaux (injustes et très élevés) mais face à la baisse obligée de certaines dépenses certains pourraient défendre un tel compromis ? A l’heure où tout le monde parle de démocratie et de budget participatif, voilà un objet de débat parfaitement opportun et à la hauteur des enjeux.

Pour développer les actions de solidarité de proximité, peut-être faut-il solliciter les habitants de la commune comme l’ont fait certaines collectivités locales à s’impliquer plus et bénévolement dans la fourniture de biens et services publics retrouvant ainsi ce qui a été le fondement de la commune originelle. Pourquoi pas une telle implication citoyenne comme elle existe dans le milieu associatif ?

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