Avenir du chauffage urbain : prendre les bonnes décisions

Publié le 30 septembre 2016

Usine de la CCIAG à la PoterneLa métropole qui a la compétence chauffage urbain depuis 2015 doit décider d’ici à la fin de l’année 2016 comment elle envisage la gestion de ce service puisque le contrat de concession à la Compagnie de chauffage (CCIAG) se termine fin juin 2018. Pour préparer correctement l’avenir il est important de bien tirer les leçons du passé. La première caractéristique de ce service public c’est la compétence reconnue des salariés pour faire fonctionner correctement 7 jours sur 7 ce service public essentiel ; il faudra conserver cette compétence et même l’améliorer, ce qui suppose le maintien du collectif de travail par le prochain gestionnaire du service.

La deuxième caractéristique est liée à l’histoire : lorsqu’un service public n’est plus contrôlé (ou mal contrôlé) par ceux qui doivent le faire (l’assemblée délibérante, les élus, le préfet, la Chambre Régionale des Comptes, la justice, les usagers, les citoyens), sa gestion peut dériver dangereusement. Dans le passé sous le maire corrompu, certains se sont bien servis sur ce service public (dont un élu LR actuel) au détriment des usagers. La justice est passée mais de manière limitée. Entre 1995 et 2014, le refus du maire (M. Destot) de faire nommer à la CCIAG un directeur qui ne soit pas un salarié de l’actionnaire privé (Dalkia ex Générale de Chauffe) a empêché une gestion correcte du service d’où les dérives excessives et illégales sur les tarifs. L’ADES a fait annuler tous les tarifs de ce service depuis 1983 jusqu’à novembre 2011, car fixés illégalement.

La gestion du service public du chauffage urbain a été reprise en main depuis 2014, un dernier avenant (janvier 2015) a mis à plat la nouvelle tarification jusqu’à la fin de la concession et maintenant le directeur général est indépendant de l’actionnaire privé.

Quelles sont les bonnes solutions pour gérer ce service de la manière la plus efficace et la mieux contrôlée, avec le souci du patrimoine public, de la durée, de coûts maîtrisés, de tarifs socialement acceptables, de préservation de l’environnement ?

Il y a principalement deux modes de gestion possibles respectant ces principes :

La première possibilité est la création par la Métro d’un établissement public industriel et commercial (EPIC) local, dont l’objet serait de gérer le chauffage urbain, l’incinération des déchets à Athanor, et les contrats de maintenance des réseaux secondaires de chauffage que l’EPIC pourrait obtenir après une mise en concurrence. L’EPIC reprendrait donc l’ensemble du personnel de la CCIAG avec son statut. Les membres du conseil d’administration de l’EPIC seraient nommés par le conseil de la Métro, il y aurait donc un contrôle direct et total par la collectivité publique.

La seconde possibilité est une délégation de service public (DSP) avec une société d’économie mixte (SEM) dont l’actionnariat serait totalement revu : grande majorité de l’actionnariat public (exemple de 80 à 85% public) et 15 à 20% par un acteur « privé » qui pourrait être la Caisse des Dépôts et Consignation ou pourquoi pas GEG si son actionnariat est aussi revu. L’actionnariat public doit être séparé entre la Métro et la ville de Grenoble (et d’autres communes comme Echirolles), la ville doit garder une part supérieure à celle du « privé » afin que le pouvoir des actionnaires publics soit total. La Métro prenant environ les 2/3 des actions de la part publique. Rappel important : dans une SEM, les élus qui représentent la collectivité qui détient la compétence ne peuvent pas voter sur le contrat de délégation et ses avenants, laissant aux autres actionnaires le vrai pouvoir de décision. La Métro a la compétence mais plus la ville, donc les actionnaires ville pourront voter le contrat de délégation, ce que ne pourront pas faire ceux de la Métro. Avec un tel actionnariat le contrôle public est assuré, contrairement à ce qui se passait dans le passé avec la CCIAG, avec en plus l’actionnaire privé qui avait une minorité de blocage. Et si la jurisprudence évolue, ce type de SEM pourrait être considérée comme agissant en quasi-régie (in house), ce qui augmenterait le contrôle de la collectivité.

Ces deux solutions ont l’avantage de conserver intact le collectif de travail actuel de la CCIAG. L’avantage de l’EPIC est que les tarifs payés par les usagers ne servent qu’à payer les dépenses du service public, et qu’il permet que des représentants des usagers participent au conseil d’administration ce qui n’est pas possible dans une SEM. L’avantage de la SEM est une plus grande souplesse dans la gestion comptable. L’EPIC peut décider, en accord avec la direction des finances publiques, de disposer d’un comptable spécial.

Mais surtout, la gestion par une SEM impose un contrat de « délégation de service public » (DSP), qui est en droit sous le contrôle et la responsabilité du déléguant (la collectivité), ce qui suppose un réel service de contrôle pour la collectivité, donc des charges supplémentaires. Et nous avons, hélas, une longue expérience de l’absence de réel contrôle. De plus, le tarif est défini dans le contrat et tout changement impose de passer un avenant, alors que l’EPIC peut changer le tarif à tout moment pour l’adapter de manière continue au service rendu.

D’autre part, comme un contrat de DSP ne peut avoir qu’une durée limitée, une SEM délégataire n’est pas engagée sur la longue durée qu’impose une bonne gestion durable d’installations dont la durée de vie est bien supérieure à celle de la durée du contrat de DSP qui guide l’économie de la SEM.

Nous pensons que même si certains espèrent que le droit permette un jour à une SEM d’être reconnue comme pouvant gérer en quasi-régie (comme une société publique locale, SPL, 100% publique), le meilleur choix au niveau du contrôle politique est celui de l’EPIC.

Il est important d’avoir des informations détaillées sur les montages financiers qu’impliquent ces deux solutions pour la Métro. Pour les usagers comme le service rendu devra être le même, les tarifs pourraient dans un premier temps ne pas être très différents entre ces deux solutions. Avec l’EPIC il y aurait moins d’impôts à payer et l’ensemble des emprunts pour investir seraient garantis par la Métro, ce ne peut être que la moitié pour une DSP, donc une petite différence sur les taux des emprunts. La gestion comptable d’une SEM est plus souple que celle d’un EPIC.

Pour la ville et la Métro il peut y avoir des différences liées au rachat d’actions de la CCIAG et la solution DSP sera plus chère pour la Métro car elle devra acheter des actions. Pour Grenoble la solution EPIC peut être plus intéressante car il y aura disparition de la CCIAG et la récupération du boni de liquidation, mais c’est peut-être équivalent au montant des actions que devra acheter la Métro à la Ville.

E qui est très important, au-delà du mode de gestion c’est de bien conserver dans la même entité industrielle l’exploitation, la maintenance et les investissements et donc il faut refuser des structures à deux étages où il y aurait séparation de la gestion des investissements du reste des activités. Seuls les exploitants connaissent parfaitement leurs outils et sont les mieux à même de faire les meilleurs choix d’investissements. Ne pas conserver l’ensemble du collectif de travail actuel dans la même structure entrainera obligatoirement des surcoûts liés à des doublons dans deux structures différentes. Par contre il est très simple que les décisions stratégiques soient prises à la fois par le gestionnaire et la Métro, il suffit de la prévoir dans les statuts de l’EPIC et de la SEM ou dans un accord stratégique entre les deux parties.

L’essentiel est de décider la meilleure solution pour les usagers, la collectivité et le gestionnaire du service public.

Le Collectif pour un chauffage urbain juste et solidaire a transmis sa position aux responsables de la Métro et de la CCIAG sur le mode de gestion :

« Il semble qu’il serait préférable de mettre en place :

– soit un EPIC (Etablissement Public Industriel et Commercial) qui s’occupe de tout, exploitation et investissements ;

– soit une concession globale avec une SEM – Société d’Economie Mixte – dont l’actuel actionnariat serait revu et dont toutes les activités actuelles seraient conservées. Cela aurait l’avantage de ne pas détruire le collectif de travail qui assure la compétence technique sur l’ensemble du service public.

Il conviendra en tout état de cause que le mode de gestion retenu pour la gestion de la future structure :

  1. garantisse la transparence des tarifs, des marchés et des comptes ;
  2. permette la possibilité d’adapter les tarifs en fonction de l’évolution de la situation ;
  3. assure que le futur prestataire possède l’ensemble des compétences requises pour l’exploitation des réseaux, tant au plan technique qu’au plan environnemental ;
  4. préserve le collectif de travail et les aspects sociaux de l’entreprise CCIAG ;
  5. permette la prise en compte des compétences des usagers, en les associant aux travaux du Conseil d’Administration de la future structure ;
  6. prévoit la connaissance par l’opérateur des usagers du chauffage urbain, au-delà des abonnés.

Le Collectif réaffirme son attachement au pilotage de la future structure par les élu(e)s métropolitains, et ce quel que soit le mode de gestion retenu. »

 

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