Succès du vote sur les budgets participatifs et mitigé sur la votation citoyenne

Publié le 21 octobre 2016

budget-participatifAlors que l’an passé un peu moins de 1 000 Grenobloises et Grenoblois avaient voté pour choisir les projets des citoyens qui seraient financés par la ville, cette année c’est plus de 7 000 personnes qui se sont déplacés pour donner leur avis. Cette participation accrue est due sans doute à une meilleure information et à une meilleure connaissance des procédures. Cette participation accrue est peut-être aussi la conséquence de la 1ère votation citoyenne qui a eu lieu concomitamment, suite au refus du maire d’accéder à la demande d’abrogation de la délibération sur les tarifs de stationnement du 20 juin 2016.

Pour connaitre les projets adoptés pour le budget participatif voir ici.

Le CLUQ a initié une pétition demandant à la ville d’abroger les nouveaux tarifs de stationnement et d’ouvrir une concertation à ce sujet. Ayant dépassé les 2 000 signatures, le CLUQ a pu saisir le Conseil municipal le 26 septembre. Le maire ayant refusé d’abroger la délibération votée le 20 juin 2016, la votation citoyenne pouvait être organisée entre le 10 et 15 octobre. Il y a eu 6 594 votants ce qui démontre, nonobstant le thème proposé à la votation, l’intérêt que portent les Grenobloises et les Grenoblois à ce nouvel outil de démocratie locale. Ce résultat est cependant très insuffisant pour obtenir l’abrogation de la délibération attaquée, puisque le oui a obtenu seulement 4 515 voix alors que pour remettre en cause une décision municipale il aurait fallu atteindre les 20 000 oui.

Cette votation n’a donc pas atteint son objectif, soit 20 000 oui, un objectif très difficile à atteindre. Ce chiffre de 20 000 voix était celui obtenu par la liste majoritaire à l’élection municipal de mars 2014. L’atteindre suppose que la question posée sensibilise l’ensemble des habitants de Grenoble en âge de voter étendu à la population des 16 -18 ans et les étrangers résidents et qu’éventuellement elle suscite l’intérêt, voire une forte polémique. Dépasser ce chiffre signifierait que la légitimité de la majorité est contestée, sur ce point précis, par un nombre plus important de Grenobloises et de Grenoblois que celui de l’élection et que s’imposerait, toujours sur ce point précis, une nouvelle légitimité. La nouvelle tarification sur le stationnement payant sur voirie n’était pas une question qui intéressait l’ensemble des Grenobloise et des Grenoblois. Elle ne faisait pas l’objet d’une polémique très aigue. Certes, une augmentation de tarif est toujours désagréable et les personnes concernées sont fondées à protester et à se mobiliser.

Dès lors, il n’est pas anormal qu’une majorité se soit dégagée dans ce vote en faveur de l’abrogation plutôt que pour la promotion de nouveaux tarifs. Les 4 515 voix pour le oui représentent un peu plus que la moitié du nombre de ménages payant un ticket résident et comme un peu plus de la moitié de ces résidents a vu son ticket augmenter, il n’est pas anormal de trouver ce nombre de oui à l’abrogation de la mesure au fond des urnes. La pétition avait obtenu plus de 2 500 signatures, le score de 4 500 représente une progression de 2000 voix par rapport à ce socle de départ, ce qui est la même progression obtenue par le non au cours de cette votation. Il est donc difficile d’y voir un succès probant du CLUQ qui pourtant a fait une campagne dynamique durant plusieurs mois. La durée de la campagne « officielle» a été très courte entre le Conseil municipal du 26 septembre qui a pris la décision de ne pas abroger sa délibération et le 10 octobre, date de début de la votation qui s’est déroulée sur 6 jours dans 10 bureaux de vote. Un effort important a été fait par la mairie pour pouvoir accueillir les votants et assurer un maximum de sérieux dans les opérations de vote. En revanche, les volontaires ont manqué pour les opérations de dépouillement (un constat qui peut être fait pour les votations ordinaires). Il faudra sans doute aussi voir comment organiser les votes sur les projets participatifs afin d’accélérer un dépouillement extrêmement laborieux.

Plusieurs leçons sont à tirer de ce premier exercice de votation citoyenne :

  • Le nombre de 2 000 signatures pour une pétition permettant la saisine du Conseil municipal est d’un niveau très correct.
  • Pour atteindre un nombre 20 000 votants en faveur de la saisine, il faut choisir un thème très ciblé et très porteur permettant de mobiliser les Grenobloises et les Grenoblois de plus de 16 ans sachant que le corps électoral pour la votation est beaucoup plus important (environ 130 000 votants) que les inscrits sur les listes électorales (85 000) ce qui rend le seuil de 20 000 votes favorables plus facilement atteignable que les 20 000 aux élections municipales.
  • Il faut pouvoir mener une campagne très incisive et sur une durée suffisante afin de mobiliser les électeurs en nombre suffisant.
  • Il faut aussi être très précis sur la formulation de la pétition et essayer de convaincre la majorité municipale d’accepter la demande afin d’éviter une votation qui s’avère toujours délicate à mettre en oeuvre. Par exemple, le choix du CLUQ de demander l’abrogation d’une délibération était une manière de forcer la main du maire pour le contraindre à se déjuger. Une demande de révision du tarif résident à la suite d’une concertation et un diagnostic partagé aurait eu beaucoup plus de mal à être refusée lors du débat au Conseil municipal et le CLUQ aurait pu alors négocier cette mise en place de la concertation. Croire que seule l’abrogation pouvait conduire à la concertation n’était pas de bonne méthode. Le CLUQ l’a admis à demi-mot puisque n’ayant pas obtenu l’abrogation il demande tout de même la concertation. La majorité municipale a indiqué que l’évaluation du dispositif voté le 20 juin 2016 pouvait toujours conduire à des ajustements.
  • Il faut aussi toujours se rappeler que ce qu’ont de dangereux ces votations qui ne concernent pas des individus ou des listes d’individus. Comme les referendums elles peuvent conduire à ce que l’électeur qui s’exprime ne le fasse pas sur la question posée. Et puis ces votations peuvent favoriser l’expression d’intérêts particuliers (pas dans mon jardin) plutôt que de renforcer un débat sur l’intérêt général. Il est important que la majorité municipale donne son point de vue sur la question posée puisque la votation est faite pour lui disputer sa légitimité sur la question posée.

Il faudra améliorer le dispositif de votation car à l’avenir il devra être capable de pouvoir accueillir nettement plus de 20 000 votants sur six jours. Il faudra donc prévoir un nombre suffisant de lieux de vote et de personnes pour tenir les urnes. C’est un vrai défi lorsqu’on voit que personne ne se précipite vraiment vers ce devoir citoyen pour des élections ordinaires. Le coût d’un tel dispositif n’est pas négligeable non plus et le bénévolat devra venir en aide à la collectivité. L’absence de listes d’émargement pose question, mais la résoudre n’est pas simple si un habitant peut voter dans n’importe quel bureau de vote et comment faire pour celles et ceux qui ne sont pas inscrits sur la liste électorale.

Quoi qu’il en soit, l’essentiel de l’objectif de cette votation est atteint et les deux parties peuvent trouver satisfaisant ce premier exercice de votation citoyenne qui montre tout à la fois les limites de l’exercice et les efforts qui restent à faire pour en être pleinement satisfait. La démocratie rénovée est un long chemin semé d’obstacles. A nous de les surmonter.

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