Un dernier gros dossier de la période Destot-Safar jugé illégal

Publié le 3 mars 2017

Le 22 octobre 2012, M. Destot faisait adopter une nouvelle concession à GEG pour la gestion des services publics de distribution de gaz et d’électricité pour 30 ans, sans examiner l’ensemble des scénarios possibles et sans débat public préalable, alors que la concession se terminait en avril 2016. Il n’y avait donc aucune urgence. Les 6 élu-es du groupe « Écologie et Solidarité » qui avaient voté contre ont déposé le 18 décembre 2012 un recours ainsi que deux anciens élus dont le président de l’ADES à l’époque.

Le tribunal administratif vient de juger le 28 février 2017 que de nombreuses irrégularités entachent cette concession, et annule la délibération du 22 octobre 2012 ainsi que la décision du maire de la commune de Grenoble de signer avec la société GEG le contrat pour 30 ans ; le maire et le directeur général de GEG de l’époque (détaché d’ENGIE Lyonnaise des Eaux) n’étant pas habilités à signer ce contrat, en conséquence le contrat devrait être résilié.

Ce jugement n’implique pas de conséquence sur l’organisation ou l’existence de la société GEG, donc aucune conséquence pour le personnel.

Ce jugement fait jurisprudence en ce qui concerne les sociétés d’économie mixte. Au conseil d’administration d’une SEM, les élus majoritaires représentant la collectivité qui a la compétence pour l’organisation du service public n’ont pas le droit de voter sur le contrat de concession, ce qui donne tout le pouvoir aux actionnaires privés. S’il n’y a pas de précautions prises, la délégation d’un service public à une SEM peut donc être une vraie privatisation.

En ce qui concerne, à court terme, pour la distribution du gaz et de l’électricité, et pour le chauffage urbain, respectivement la société GEG Gaz et Electricité de Grenoble et la SEM CCIAG Compagnie de chauffage, ont des représentants de la ville de Grenoble qui sont majoritaires au conseil d’administration et à l’assemblée générale de ces sociétés privées, ils peuvent maintenant voter puisque la ville n’a plus la compétence pour ces services publics de distribution du gaz et de l’électricité et de distribution du chauffage urbain, car c’est la Métropole qui a maintenant la compétence de ces services publics. Mais lorsque la Métro rachètera des actions de la ville de Grenoble, il faudrait que l’actionnariat public des collectivités publiques reste supérieur à celui des actionnaires privés. Ceci implique une diminution importante du poids des actionnaires privés dans ces deux sociétés GEG et CCIAG.

Il convient de continuer à agir, comme nous l’avons fait, pour que les biens communs ne soient pas considérés comme des marchandises et privatisé au profit des actionnaires privés des grands groupes.

Voici des extraits sur le jugement rendu le 28 février 2017 :

Le tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 28 février 2017, après 4 ans d’instruction contradictoire a jugé, 3 mois après l’audience du 1er décembre 2016, que les décisions d’octobre 2012 du conseil municipal et du maire de Grenoble de déléguer le service public du gaz et de l’électricité à la société GEG pour 30 ans sont illégales.

La délégation de service public pour la distribution du gaz et de l’électricité à la société GEG a débuté en 1986 dans des conditions que nous considérons, en fait et en droit, comme totalement irrégulières notamment quant à la création de la société elle-même.

Nous avons obtenu le 11 juillet 2006 un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon qui annulait les décisions illégales de privatisation de ce service public en 1986 et ses avenants dont celui passé en 1994 par MM. Carignon et Gascon (CAA Lyon, 11 juillet 2006, M. Avrillier). Le Conseil d’Etat a, par décision du 31 juillet 2009, donné six mois à la commune pour trouver une solution à ces illégalités (CE, 31 juillet 2009, Ville de Grenoble et société GEG c/ M. Avrillier).

Nous avons obtenu le 11 juillet 2016, l’annulation par le tribunal administratif de Grenoble de la décision du maire (M. Carignon) de signer en avril 1986 la convention de délégation de service public à GEG pour 30 ans, ainsi que tous les avenants qui se sont succédés jusqu’au dernier signé irrégulièrement par M. Destot en 2010.

Le 28 février 2017, le tribunal administratif vient d’annuler la délibération du 22 octobre 2012 accordant une convention de délégation de service public à la société privée GEG pour 30 ans et la décision du maire de signer avec la société GEG cette convention annexée à la délibération. Par voie de conséquence, le tribunal annule le refus du maire de résilier ce contrat.

Le tribunal administratif de Grenoble a motivé de manière étayée son jugement, en retenant 4 illégalités majeures de ces décisions, qui mettent en cause le maire de Grenoble de l’époque, M. Destot, son premier adjoint président du conseil d’administration de la société GEG, M. Safar, le directeur général de la société GEG mis à disposition par son actionnaire privé GDF SUEZ (ENGIE) ex Lyonnaise des eaux, les élus administrateurs de cette société GEG lors de cette décision (M. Siebert, M. Falcon de Longevialle, M. Betto, M. Laeron, M. Grasset, Mme Blanc-Tailleur).

Deux recours avaient été déposés, le premier (18 décembre 2012) par les 6 élu-es du groupe « Ecologie et Solidarité » (Mmes Maryvonne Boileau, Gwendoline Delbos-Corfield, Marina Girod de l’Ain, MM. Hakim Sabri, Olivier Betrand et Gilles Kuntz), le deuxième (15 avril 2013) par MM. Jean-Marc Cantèle et Vincent Fristot. MM. Vincent Comparat et Raymond Avrillier sont intervenus en soutien de ce second recours. Après les élections municipales, MM. Fristot et Sabri étant nommés administrateurs de GEG se sont normalement désistés des recours.

Ce jugement annule la délibération et l’autorisation de signer le contrat pour les raisons suivantes :

Le maire a porté une atteinte majeure à la démocratie locale : le maire M. Destot a refusé illégalement de communiquer aux conseillers municipaux (qui avaient demandé des documents) des informations importantes qui auraient permis de décider en connaissance de cause lors du vote de la délibération le 22 octobre 2012. En effet une étude juridique avait été sollicitée par le maire qui portait sur les montages possibles pour la gestion de ce service public (en régie ou en DSP) et sur les incertitudes juridiques qui pouvaient se faire jour. Cette étude a été volontairement cachée par M. Destot, maire, et M. Safar, adjoint et président du CA de la société GEG, aux conseillers municipaux.

Le tribunal juge : « que l’absence de communication de cette étude a été, en l’espèce, susceptible d’exercer une influence sur le sens de la délibération adoptée qui est par là-même entachée d’un vice de procédure ».

Le signataire du contrat pour la société GEG était incompétent : le Président du CA de GEG (M. Safar) a organisé un vote tout à fait irrégulier du Conseil d’administration de GEG le 10 octobre 2012 et donc le directeur général de l’époque n’a pas été autorisé légalement à signer le contrat de délégation.

Le tribunal juge : « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’au sein du conseil d’administration de la société GEG, la commune de Grenoble disposait, à la date du 10 octobre 2012, d’un droit de vote supérieur à 10% ; que la convention litigieuse ne porte pas sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ; qu’elle relève par suite des dispositions de l’article L. 225-38 du code de commerce ; que les représentants de la commune de Grenoble siégeant au sein dudit conseil ne pouvaient par suite pas valablement prendre part au vote comme ils l’ont fait ; que le directeur général de la société GEG n’ayant pas été régulièrement autorisé à signer la convention du 9 novembre 2012, il ne pouvait valablement le faire »

Donc le maire et le directeur général de GEG n’étaient pas autorisés légalement à signer le contrat de DSP.

Les compteurs ont été illégalement considérés comme appartenant à GEG alors qu’ils sont des biens communs de la commune : « Considérant, toutefois, que pour ce qui est de la mission de service public relative à la fourniture d’électricité et de gaz, les dispositifs de mesure des quantités d’énergies consommées que sont les compteurs litigieux constituent des biens indispensables à la réalisation de cette mission et par là même au fonctionnement du service ; qu’en cas de non renouvellement ou de cessation anticipée de la convention litigieuse, la propriété de ces équipements doit ainsi nécessairement revenir à l’autorité concédante ; qu’ainsi ces compteurs ne sauraient constituer des biens de reprise mais des biens de retour ; que par suite les stipulations de l’article 2 du cahier des charges sont entachées d’illégalité »

Le contrat comporte une redevance illégale : le tribunal juge que la redevance R2 est illégale : « Considérant que l’instauration de la redevance R2 qui a trait aux frais de contrôle engendrés par la convention et supportés par le commune méconnaît les dispositions citées aux points 23 et 24 dès lors que cette redevance R2 constitue un élément de la rémunération de la commune au sens de ces dispositions et que celles-ci ne permettent, dans le cadre d’un acte de concession tel que celui en litige, que l’instauration de redevances d’occupation domaniale ; que les stipulations de l’article 4 de la convention litigieuse sont par suite entachées d’illégalité en tant qu’elles instituent une redevance dite R2 ».

Par contre le tribunal de suit pas les requérants sur d’autres moyens d’illégalité ; il estime notamment qu’il ne peut pas y avoir mise en concurrence entre EDF et GEG pour la gestion de ce service public, en considérant que l’entreprise locale de distribution a une exclusivité sur le territoire de la ville de Grenoble, donc ne peut être mise en concurrence avec EDF.

Le jugement reste incertain sur les conséquences de ces illégalités sur les clauses réglementaires dont les tarifs.

Conclusions : c’est maintenant à Grenoble Alpes Métropole de gérer les conséquences de ces multiples illégalités et les suites de ce dossier.

Car comme l’indique le tribunal « la métropole de Grenoble exerçait de plein droit et depuis le 1er janvier 2016 les compétences auparavant dévolues à la commune de Grenoble en ce qui concerne la concession de la distribution publique d’électricité et de gaz »

Le Président de la Métropole exerçant dorénavant les prérogatives du maire, le jugement lui impose, ainsi qu’au conseil de Métropole, de résilier le contrat de délégation.

L’essentiel dans ce dossier, c’est que la puissance publique reprenne en main le service public dans tous ses détails. Le fait d’avoir enfin pu imposer une direction générale à GEG, indépendante des intérêts privés, est un premier pas en ce sens.

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