La fausse fin de l’état d’urgence

Publié le 3 novembre 2017

Le 1er novembre il a été mis fin officiellement à l’état d’urgence mais le 30 octobre, le Président de la République signait la loi antiterroriste qui a transposé partiellement dans le droit commun des mesures d’exception issues de l’état d’urgence. Les pouvoirs de l’autorité administrative (préfets et ministre de l’Intérieur) sont renforcés, ils n’auront pas à passer par l’autorité judiciaire, sauf pour les perquisitions devenues « visites domiciliaires et saisies » ! Le ministre de l’intérieur pourra prendre des « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » sans en passer par l’autorité judiciaire.

Il y a négation de la séparation des pouvoirs, un des fondements de notre constitution comme le rappelle l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

L’article 66 de la Constitution rappelle que c’est l’autorité judiciaire qui est la garante des libertés individuelles : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

Le défenseur des droits avait décrit cette nouvelle loi comme une menace pour les libertés (Le Monde 23 juin 2017).

Le journal « Le Monde » a édité, dans son numéro du 1er et 2 novembre un cahier spécial : « Sortir de l’état d’urgence ». Voici des extraits d’une tribune de Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des Droits de l’Homme, qui condamne ces évolutions législatives continues :

« Il faudra bien un jour que les politiques acceptent de tenir au Français un discours de vérité : on n’arrête pas les attentats avec des lois. On les arrête avec des hommes, à qui on donne des moyens d’action efficaces et qui viennent en soutien de services de renseignements organisés au niveau national et européen… La démocratie est fondée sur le principe de séparation des pouvoirs. Si le gouvernement est le bras de la répression, c’est qu’il est encadré par le Parlement qui vote la loi, et par les juges qui en l’appliquant, contrôlent les atteintes aux libertés des citoyens. Quand on rompt cet équilibre subtil, c’est toute la société qui en pâtit. Demain, avec l’entrée en vigueur de la loi antiterroriste, celle qui ne concerne que les autres, les contrôles d’identité vont mathématiquement augmenter pour tout le monde… Nous sommes en train de nous ancrer dans une société du contrôle et de la surveillance. Le dénoncer n’est pas faire montre d’angélisme. Il suffit seulement de garder à l’esprit que les lois que nous votons en ce moment resteront. Même quand la menace terroriste déclinera, même quand les gouvernements qui les auront votées auront changé.

En restant spectateur de cette spirale répressive, nous prenons collectivement le risque de laisser se construire sans réagir les outils de notre assujettissement futur… »

Mots-clefs : , ,

Le commentaires sont fermés.