Expulsions locatives sans relogement ?

Publié le 9 février 2018

Lors du Conseil municipal du 5 février, le groupe d’opposition de deux élus Ensemble à Gauche a proposé un vœu, mal rédigé, qui se terminait par cette rédaction qui ne précisait pas à qui le vœu s’adressait (à la justice qui décide, à l’huissier de justice qui signifie ou au préfet qui exécute l’expulsion ?) : « Lors de toute expulsion locative sur le territoire de la commune, il devra être fourni au Maire ou à son représentant qualifié la justification que le relogement dans un logement décent de la personne expulsée et de sa famille aura été assuré. » Oralement, les porteurs du vœu ont expliqué qu’ils demandaient au maire de prendre un arrêté interdisant l’expulsion sans relogement, car ils estimaient que le droit n’avait pas été dit sur une telle possibilité et que tant que ce n’était pas le cas un tel arrêté pouvait être pris et montrer que la ville n’était pas d’accord avec des expulsions sans relogement.

Mais ces élus n’ont pas pris le temps de s’informer sur l’état du droit sur cette question : ils se seraient aperçus que la justice administrative avait tranché à de nombreuses reprises, au moins depuis 2008 et annulé les arrêtés des maires qui intervenaient contre les expulsions.

Par exemple, la Cour Administrative de Versailles rappelle  « qu’eu égard à l’objet des dispositions précitées de l’article 61 de la loi du 19 juillet 1991, une décision de suspension des expulsions locatives sur le territoire de la commune ne peut s’interpréter que comme ayant pour objet de faire obstacle à l’exécution de décisions de justice ; que le maire ne tient ni de la Constitution, ni des dispositions des articles L. 2211-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ni d’aucune autre disposition législative le pouvoir de faire obstacle à l’exécution d’une décision de justice ; » CAA de Versailles, 16 décembre 2011.

Et encore tout récemment le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil (septembre 2017) suspend un arrêté d’un maire qui imposait que lors de toute expulsion locative sur le territoire de sa commune, il devra être fourni la justification que le relogement de la personne expulsée et de sa famille dans un logement décent a été assuré.

« Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que si le maire de la commune se voit confier, en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, des pouvoirs de police générale, en vue du maintien de l’ordre, de la sécurité et de la salubrité publics, il ne peut en user pour faire échec à l’exécution des décisions du représentant de l’Etat dans le département lorsque celui-ci a, en application d’une décision de justice, accordé le concours de la force publique pour qu’il soit procédé à l’expulsion des occupants d’un logement ; qu’il appartient au seul préfet d’apprécier, sous le contrôle du juge, les risques de troubles à l’ordre public consécutifs à la mise en œuvre d’une procédure d’expulsion ; que le maire n’est pas compétent pour apprécier l’existence de ces risques et ne peut exiger que la justification du relogement des personnes expulsées lui soit fournie. »

Il faut rappeler qu’une proposition de loi avait été déposée en mars 2017 par le groupe communiste au Sénat, pour interdire les expulsions locatives sans relogement.  Sans succès, mais cela montrait que l’état du droit ne prévoyait pas une telle disposition et qu’il était nécessaire de changer la loi pour l’autoriser.

La majorité municipale est venue au secours du vœu en proposant de l’orienter vers les parlementaires afin que la loi évolue. Ainsi amendé, le vœu a été adopté.

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