Les dispositifs d’interpellation et de votation citoyenne contestés par le préfet

Publié le 4 mai 2018

La nouvelle majorité municipale de Grenoble a institué des dispositifs originaux de démocratie participative permettant aux citoyens-résidents de plus de 16 ans d’intervenir directement sur certaines décisions municipales.

Le préfet a déféré ces dispositions au tribunal administratif de Grenoble. L’audience a eu lieu le 3 mai et le rapporteur public dans ses conclusions propose au tribunal d’annuler les deux dispositifs prévus : l’interpellation citoyenne et la votation citoyenne.

Le dispositif d’interpellation citoyenne permet de demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil municipal d’un débat sur le sujet porté par une pétition si il y a plus de 2000 signatures d’habitants grenoblois de plus de 16 ans. Et après le débat en Conseil municipal, le Maire pourra, soit retenir la proposition pour sa mise en œuvre, soit la soumettre à l’avis des Grenoblois dans le cadre d’une votation citoyenne organisée par la Ville au moins une fois par an (en octobre).

Comme indiqué sur le site internet de la ville, le Maire de Grenoble s’engage à mettre en œuvre les propositions qui comptabilisent 20 000 votes en faveur de la proposition et pour lesquels les votes favorables sont majoritaires sur les votes défavorables.

Ces nouveaux dispositifs ne sont pas prévus par la loi et la règlementation, ils faisaient partie des engagements de la nouvelle majorité et avaient une fonction expérimentale pour améliorer la démocratie locale. Pour éviter un contrôle de légalité immédiat, le Conseil municipal n’avait pas pris de délibération à ce sujet en espérant que le Préfet laissera faire cette expérimentation. Il est dommage que le représentant de l’Etat ait décidé de sanctionner ces dispositifs qui ne mettaient pas en péril le fonctionnement de l’institution locale bien au contraire.

En absence d’acte effectué par le Conseil municipal pour instaurer ces dispositifs originaux le préfet s’appuie sur la théorie de l’acte administratif révélé. En effet il y a bien eu un acte puisque l’interpellation a existée et la votation aussi. Fin 2016 le préfet, par un recours gracieux, a demandé à la mairie de retirer ces dispositifs qui ne sont ni conformes à la loi ni à la constitution. La mairie a refusé en revendiquant une expérimentation positive pour la vie démocratique locale, le préfet a donc déposé un recours au tribunal administratif pour faire annuler les deux dispositifs : interpellation du conseil municipal et votation citoyenne.

Les motifs d’annulation soulevés par le rapporteur public sont :

  • L’incompétence du maire pour organiser de tels dispositifs alors que le Conseil municipal ne l’a pas autorisé. En effet, le maire a des pouvoirs propres (police, permis de construire…) mais en ce qui concerne « les affaires de la commune », c’est le conseil qui est compétent (L 2121-29 du Code général des collectivités territoriales – CGCT)
  • L’ordre du jour d’un Conseil municipal est de la compétence exclusive du maire, une interpellation de citoyens ne peut pas imposer un point à l’ordre du jour (article L2121-10 du CGCT).
  • La violation de l’article 72-1 de la constitution qui précise que ce sont uniquement les électeurs inscrits sur les listes électorales qui peuvent exercer le droit de pétition et ce droit doit être défini par la loi : « La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence. Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité. ». Or il n’y a toujours pas de loi qui règle ce droit de pétition, ce ne peut pas être une collectivité territoriale qui se substitue à la loi.
  • Les articles de la loi organique qui fixent les règles concernant la consultation et le référendum local, ne sont pas respectés (articles LO 1112-1 et suivants du CGCT) par le dispositif grenoblois ; la loi impose que la consultation ou le referendum soient organisés suivant les modalités du code électoral, c’est à dire comme des élections municipales ou autres, ce qui exclut pratiquement leurs tenues vu la lourdeur du dispositif. C’est bien pour cela que la ville a simplifié les opérations de votation.

Le tribunal rendra son jugement prochainement, mais il est très probable qu’il suive le rapporteur public avec pour conséquence l’annulation des dispositifs mis en place depuis 2014. La Ville pourrait faire appel, mais ce n’est pas suspensif. Il faudrait que la loi évolue notamment qu’elle autorise des expérimentations locales et que la prochaine réforme de la constitution reconnaisse une citoyenneté locale au-delà de la citoyenneté nationale limitée aux électeurs inscrits sur les listes électorales en ce qui concerne le droit de pétition et les consultations d’intérêt communal, comme le vote des résidents étrangers aux élections municipales. Rappelons que nulle part dans le CGCT il est question de différences entre résidents français et étrangers pour les politiques locales, il n’y a aucune raison de créer des différences dans les droits démocratiques

Le dispositif voté le 6 novembre 2015 par le Conseil de Métropole pourrait connaitre le même sort, en effet la Métro décidait de « s’engager dans un principe d’interpellation citoyenne : la métropole s’engage à mettre en place un dispositif d’interpellation citoyenne. Toute interpellation portant sur les compétences métropolitaines et recueillant au moins 6000 signatures d’habitants de la Métropole de plus de 16 ans (toute personne inscrite sur les listes électorales, aux rôles des impôts ou rattachée au foyer fiscal d’un habitant) pourra être mis à l’ordre du jour du Conseil métropolitain. Le débat en Conseil métropolitain pourra mener à un vote ou à une demande d’approfondissements techniques. »

Ce dispositif est actuellement arrêté suite à une pétition citoyenne sur le projet Neyrpic, on verra si la Métro le met effectivement en place suite au jugement du tribunal administratif.

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