La fiscalité locale en question

Publié le 18 mai 2018

Après la décision annoncée par le Président de la République, de supprimer dès 2020 la totalité de la taxe d’habitation (TH), le Premier ministre avait missionné le 12 octobre 2017, deux personnalités (MM. Richard et Bur) pour étudier les différents scénarios de refonte de la fiscalité locale et de « garantir la visibilité des ressources des différentes catégories de collectivités ». Ils estiment que la disparition totale de la TH coûtera 26,3 milliards d’euros en 2020. En fait, devant les difficultés de la suppression totale de la TH, elle pourrait être étalée entre 2020 et 2021.

MM. Bur et Richard ont déposé leur rapport le 9 mai 2018 au Premier ministre, ils avancent deux solutions, la première de concentrer toute la taxe foncière sur le bloc communal (en la supprimant pour les départements) et compenser les départements par une part de TVA, la deuxième d’allouer une partie de la TVA directement aux communes et à leurs groupements. Ils prônent également le transfert des droits de mutation départementaux vers l’Etat (contre de la CSG). Ils consacrent un chapitre à la taxe GEMAPI qui présente certaines difficultés. L’ensemble des associations d’élus des communes et des EPCI n’acceptent que la première solution qui sauvegarde un peu l’autonomie fiscale des collectivités.

En annexe ils évoquent ce qu’aurait pu être un nouvel impôt local, mais sans entrer dans beaucoup de détails puisque le pouvoir exécutif a décidé qu’il n’y aurait pas de nouvel impôt. Et pourtant ce serait la seule solution pour ne pas mettre en cause l’autonomie fiscale des collectivités, qui sera une régression importante dans la décentralisation de l’action publique.

Tout de même, ils évoquent deux modalités de mise en œuvre d’un nouvel impôt communal :

→la création d’une imposition forfaitaire d’un montant uniforme, qui serait acquittée par chaque contribuable domicilié dans le ressort géographique de la commune. Mais la rejettent à juste titre : « Cependant, du fait de son caractère uniforme, cette modalité présente un caractère anti-redistributif en pesant davantage sur les bas et moyens revenus. En outre, elle engendre un risque juridique au vu du concept de « capacité contributive » figurant à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui précise que « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

→la création d’un forfait « progressif » dont le montant varierait selon l’impôts sur le revenu en abandonnant la valeur locative. « Cette imposition forfaitaire serait différenciée selon le taux marginal d’IR acquitté par le foyer fiscal considéré : en fonction du taux marginal acquitté à l’IR, chaque contribuable (part de quotient familial) se verrait appliquer un forfait pouvant aller, par exemple, de 50 € (pour les contribuables situés dans la tranche à 0 %) à 1 000 € (pour les contribuables les plus aisés, situés dans la tranche marginale à 45 %). La contribution serait calculée selon le nombre de parts au sein du foyer fiscal (puisque, plus le foyer est nombreux, plus il bénéficie des services publics locaux), mais les demi-parts conventionnelles (invalides, personnes seules) ne seraient pas prises en compte. »

Mais les rapporteurs rejettent cette dernière solution qu’ils n’ont pas beaucoup étudié et qui serait pourtant la plus « sociale » en relevant que « le défaut majeur de ces hypothèses est de creuser l’inégalité entre les communes dont les résidents ont des revenus élevés et d’autres comprenant une majorité de ménages à faibles ressources. En outre, il apparaît peu réaliste d’envisager une cotisation locale, même de faible montant, pesant sur une grande partie des contribuables non imposables à l’IR. Ces deux raisons majeures ont déterminé la mission à considérer de tels projets comme ne constituant pas des pistes crédibles de solutions. »

L’absence de pouvoir sur les taux pour les collectivités serait une régression importante sur leur autonomie fiscale. La recentralisation est en marche forcée.

Dans leur rapport MM. Bur et Richard traitent aussi de la révision des valeurs locatives qui est un casse-tête qui dure depuis des dizaines d’années.

A propos de la taxe GEMAPI, voilà ce que note l’Association des Maires de France à propos du rapport Bur-Richard :

« C’est essentiellement le problème du périmètre qui est mis en cause – problème qui ne se pose pas seulement pour la taxe mais pour la compétence Gemapi tout entière, d’ailleurs.
Pour les rapporteurs
, « le périmètre pertinent d’intervention de la compétence Gemapi est celui du bassin versant ». Or, chaque EPCI est libre de lever ou non la taxe Gemapi et de fixer son montant. « Il peut en résulter une hétérogénéité entre EPCI situés sur un même bassin versant et des disparités de cotisation entre contribuables exposés aux mêmes risques en termes de cycle de l’eau », soulignent non sans bon sens Alain Richard et Dominique Bur, qui déplorent qu’il n’existe « aucun outil d’harmonisation des pratiques fiscales des EPCI situés sur le périmètre d’un seul bassin versant ».
Par ailleurs, un grand nombre d’EPCI sont partagés sur plusieurs bassins versants, ce qui pose le problème inverse : des habitants de certaines communes de l’EPCI se trouvent obligés de payer la taxe Gemapi pour financer des travaux concernant d’autres bassins versants.
Les auteurs du rapport notent enfin que les EPCI ne sont actuellement pas en mesure d’estimer précisément
« le coût réel de l’exercice de la compétence Gemapi en régime de croisière ».
Conclusion : la taxe Gemapi « pose problème », compte tenu du « désajustement géographique entre les EPCI et les bassins versants ». Les rapporteurs préconisent donc une réflexion permettant de trouver « un financement moins morcelé et mieux intégré au niveau du bassin ». »

Lire le rapport complet ici.

Mots-clefs : , ,

Le commentaires sont fermés.