Le modèle français du logement social en danger !

Publié le 8 juin 2018

C’est le titre d’un article très documenté du journal le Monde du 4 juin 2018 qui analyse les dangers de la politique gouvernementale en direction des bailleurs sociaux. « Les ponctions financières imposées au monde HLM, qui le fragilisent, ne seront qu’à moitié compensées. L’avalanche de ponctions financières du gouvernement dans les finances du monde HLM est à son comble. A l’horizon 2020, 2 milliards d’euros seront prélevés chaque année : 1,5 milliard d’euros proviendront de la baisse imposée des loyers pour réduire d’autant le budget des aides personnalisées au logement (APL), 305 millions iront obligatoirement alimenter différents fonds d’aide à la pierre. A quoi s’ajouteront 180 millions de manque à gagner dû au gel des loyers. Tout cela n’est qu’à moitié compensé par les facilités bancaires que la Caisse des dépôts consentira, à la demande de l’Etat, sous forme d’allongement de crédits et de prêts exceptionnels.

Le compte n’y est pas : c’est ce qu’ont découvert, avec stupeur, les dirigeants des Entreprises sociales de l’habitat (ESH) réunis, le 18 mai, lors d’une journée professionnelle de leur fédération, dans une étude d’EY (ex-Ernst & Young), dont Le Monde s’est procuré des éléments. EY établit que, si rien n’est entrepris, 43 ESH seront en déficit dès 2020 et qu’aucune d’entre elles ne conservera la moindre capacité d’investissement d’ici à 2024. »

Tout cela était inscrit dans la loi de finances 2018 qui imposait la baisse des loyers et en même temps des APL, ce qui supprimait dès février 2018 des recettes importantes pour les bailleurs qui sont incapables de compenser sauf à faire immédiatement des économies de gestion qui impacte dès maintenant la gestion de proximité et la rénovation des logements, entrainant la dégradation des quartiers notamment en QPV.

Ce qui est intéressant et très inquiétant dans l’article du Monde c’est la comparaison avec ce qui s’est passé en Hollande :

« Le contre-exemple des Pays-Bas

Cette évolution, les bailleurs sociaux des Pays-Bas l’ont vécue avec quelques années d’avance, pour les mêmes raisons, sous la pression de l’Europe. Et le bilan ne fait pas envie ! Dès 2009, à la demande de la très libérale commissaire à la concurrence Neelie Kroes, le gouvernement néerlandais accédait aux demandes de Bruxelles qui jugeait déloyale la concurrence du parc social (entre 32 % et 35 % des logements) vis-à-vis du parc privé, exigeait d’en réserver l’accès aux ménages percevant moins de 30 000 euros par an (38 000 euros aujourd’hui) et de vendre des appartements. Une taxe était, comme aujourd’hui en France, imposée, à partir de 2014, au secteur HLM néerlandais pour le contraindre à augmenter ses loyers, jusqu’à 5 % l’an, et à vendre. Elle est, en 2018, de 1,6 milliard d’euros.

Résultat : la production de logements sociaux a plongé, de 40 400 unités en 2013 à 17 100 en 2015, et « la mixité sociale est, aux Pays-Bas, en recul : les locataires outrepassant les plafonds de ressources ne sont plus que 15 % au lieu de 30 %, et on a concentré les familles vulnérables dans les mêmes endroits, engendrant des quartiers désormais difficiles à gérer », note Sébastien Garnier, du bureau d’études spécialisé AxHA. Les locataires se sont considérablement paupérisés, sous l’effet conjugué de la crise et de leur recrutement désormais ciblé vers les ménages les plus modestes.

Les bailleurs sociaux ont également dû réduire leur personnel et faire des économies de gestion, mais au détriment des services de proximité aux locataires, comme le gardiennage : ces dépenses sont désormais plafonnées à 100 euros par logement et par an. Quant à attirer les investisseurs privés, « ça n’a pas marché, résume M. Garnier. On a surtout vendu aux occupants, entre 13 000 et 20 000 logements par an, soit moins de 1 % du parc. Cela pose parfois des problèmes pour rénover l’immeuble, le bailleur social n’y ayant plus la majorité pour en décider ». « A l’exception de l’Autriche et de la France, partout en Europe, le secteur du logement social a régressé, observe Laurent Ghekière. On a perdu 30 milliards d’euros d’investissements en dix ans et, partout, le nombre de sans-abri progresse. »

Pour lire l’article du Monde, cliquez ici.

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