Contrat de trois ans avec l’Etat sur l’évolution financière de la ville

Publié le 15 juin 2018

Le Conseil municipal va décider de signer le contrat avec le préfet de l’Isère, afin de se protéger durant les années 2019 à 2020 de lourdes sanctions liées à une non maitrise de l’évolution des dépenses de fonctionnement et surtout des retraitements comptables qui pourraient avoir lieu durant ces trois ans et qui alourdiront de manière artificielle les dépenses. La loi n’évoque pas les recettes et il y a souvent des recettes qui compensent des dépenses qu’il ne faudrait pas prendre en compte.

En effet le point de départ de l’évolution limitée à 1,2% des dépenses de fonctionnement est l’année 2017, or dès 2018, pour Grenoble, il va y avoir des changements artificiels dans les dépenses qui seront compensés par des recettes de même montant. Il faudra faire des retraitements sur les dépenses d’un montant important. Comme ces retraitements seront prévus dans le contrat, ce dernier protègera la ville d’une mauvaise lecture de l’évolution des dépenses de fonctionnement. Sans le contrat il pourrait y avoir une sanction lourde dès 2019 sur les recettes fiscales de la ville (du même ordre que les ponctions dans les dotations décidées par Hollande et Valls).

Mais il faut tout de même critiquer fortement la méthode employée car il s’agit d’une contractualisation imposée où l’Etat dicte ses conditions : il y a donc déséquilibre entre les parties signataires. C’est la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 qui instaure cette limitation de dépenses des collectivités. Il y a une forte volonté de l’Etat de recentraliser l’action publique au mépris de l’idée de décentralisation. Il cherche à règlementer de manière stricte les finances des collectivités en contournant par petites touches la libre administration et l’autonomie de gestion financière qui est inscrite dans la Constitution, mais qui peut être aménagée par la loi.

Article 72 : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »

 Art. 72-2. « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. »

Le Conseil constitutionnel a tout de même validé la loi de programmation, reconnaissant qu’il y avait une certaine atteinte à la libre administration des collectivités mais pas suffisamment grave : « le législateur n’a pas porté à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte d’une gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et 72-2 de la Constitution. » (Décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018).

Il est clair que la liberté de disposer des ressources, inscrite dans la Constitution, est attaquée puisque la collectivité ne pourra pas en disposer librement pour ses dépenses de fonctionnement.

Rappel historique :

Cette décision du gouvernement Macron s’inscrit à rebours des lois de décentralisation, processus d’aménagement de l’Etat unitaire consistant à transférer des compétences administratives de l’Etat vers des Collectivités distinctes de lui, qui est consacré par l’article 1er de la Constitution.

En effet, la loi du 2 mars 1982 a transformé le contrôle de tutelle exercé sur les collectivités territoriales en un contrôle de légalité pouvant être exercé notamment à l’initiative du préfet, et consistant désormais en la saisine du juge administratif.

L’article 1 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République stipule que « L’administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l’Etat et qu’elle est organisée, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, de manière à mettre en œuvre l’aménagement du territoire, à garantir la démocratie locale et à favoriser la modernisation du service public. »

Le coup de canif de Macron au principe de décentralisation s’inscrit dans une longue tradition de centralisme despotique héritée de Napoléon Bonaparte, qui mit fin (loi du 28 pluviôse An VIII) à l’autonomie municipale conquise pendant la Révolution, en faisant nommer les maires par le pouvoir central pour les communes les plus peuplées et par le préfet pour les autres.

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