La nappe phréatique sous Grenoble, un réservoir d’énergie très important

Publié le 29 juin 2018

Un article très documenté et pédagogique sur les économies d’énergie qui peuvent être dégagées par l’implantation de pompes à chaleur sur la nappe phréatique de Grenoble est paru dans le numéro de juin 2018 de l’Union des Habitants des Eaux-Claires (UDHEC), sous la signature de MM. J P Borel et P Jardin. L’article démarre par la constatation que la température de la nappe phréatique sous Grenoble a une température supérieure de 2 à 7 degrés à la température moyenne de l’air. Le potentiel d’énergie de la nappe atteindrait les 100 MW. En voici de larges extraits

« 1. Présentation : la richesse géothermique du sous-sol de Grenoble

À GRENOBLE la température moyenne du sous-sol (nappe phréatique et terrain) est comprise entre 13 et plus de 17 °C., alors que la température naturelle moyenne annuelle de l’air dans notre région n’est que de 11,2 °C.

Dans les agglomérations, comme à GRENOBLE, les échanges thermiques dans l’air sont modifiés par la couverture du sol et les pertes thermiques des bâtiments.

A partir de la surface du sol, la température se propage dans le sous-sol jusque dans les nappes phréatiques où elle est encore augmentée par d’autres sources de chaleur souterraines : pertes de chaleur du réseau d’égout, pertes du réseau de chauffe, etc…).

Il existe divers systèmes de récupération de l’énergie du sous-sol à faible (ou moyenne) profondeur :

  • la géothermie de surface (puits canadien ou puits provençal) qui nécessite un creusement du sol par galerie horizontale de faible profondeur,
  • des installations géothermiques fermées : sondes verticales ou horizontales ne captant pas l’eau de la nappe, mais établissant un contact thermique avec le sous-sol pour en récupérer les calories,
  • des installations géothermiques ouvertes : forages verticaux qui créent un accès direct et permanent à la nappe souterraine. Dans ce cas l’énergie du sous-sol est récupérée par l’intermédiaire de l’eau de la nappe dont la température est en équilibre avec l’eau du sous-sol. La règlementation française incite à rejeter dans la nappe l’eau prélevée pour les besoins géothermiques : Il n’y a pas de taxe de prélèvement de l’eau souterraine si l’eau est réinjectée dans la nappe après passage dans le système de pompe à chaleur. Le rejet doit se faire par réinjection dans un forage. On a alors besoin de 2 ouvrages : un forage pour le pompage de l’eau et un forage pour la réinjection. Les 2 ouvrages forment un doublet géothermique. La ressource en eau est ainsi préservée.

Dans cette note on ne parle que de cette dernière possibilité, en relation avec le potentiel géothermique de la nappe alluviale du site de GRENOBLE…

2. Potentiel géothermique du site de Grenoble

Nécessité d’organiser l’espace et les implantations de pompes à chaleur :

Pour qu’il n’y ait pas recyclage par le pompage d’une partie de l’eau froide réinjectée, la distance et la position des 2 ouvrages d’un même doublet doit être réalisées en relation avec la direction des écoulements souterrains : un rejet réalisé à l’amont d’un pompage suivant la direction de l’écoulement souterrain créerait un panache froid qui s’écoulerait vers le pompage et serait complètement repris par le pompage. Le potentiel thermique du système serait ainsi détruit. De même, les écoulements souterrains de deux installations voisines de doublets géothermiques ne doivent pas interférer.

On conçoit qu’il y a une nécessité d’organiser et contrôler les installations successives des doublets géothermiques, ou même d’optimiser les implantations pour une bonne utilisation du site géothermique.

Une analyse conduite en 1985-87 par SOGREAH/ARTELIA a montré que l’énergie géothermique disponible dans la nappe à faible profondeur était globalement de l’ordre de 100 mégawatts. L’analyse est fondée sur l’implantation judicieuse de doublets géothermiques dimensionnés pour pomper au total 8640 m3/h. Une organisation théorique optimale permettrait en effet l’installation d’une vingtaine de grosses installations de doublets, chacune ayant un débit de projet de 120 l/s (soit 432 m3/h) pour le chauffage d’environ 800 *20 = 16 000 logements. Le choix judicieux des localisations des ouvrages permettait la non interférence entre les installations. Pour cette étude, SOGREAH/ ARTELIA a utilisé ses archives et des données transmises par la ville de Grenoble : en particuliers les cartes et données piézométriques qui permettent de déterminer les directions des écoulements souterrains. Cette étude a été actualisée en 2006.

3. Présentation sommaire de la nappe de l’agglomération de Grenoble :

La nappe s’étend dans la plaine alluviale du DRAC et de l’ISERE, depuis le Pont de PONT DE CLAIX à l’amont, jusqu’à la confluence des deux rivières à l’aval. Elle est bordée à l’Ouest par le massif du Vercors, au Nord par l’Isère, à l’Est par les collines qui bordent le massif de Belledonne et au Sud par la colline de CHAMPAGNIER. Seule la partie supérieure des sédiments déposés principalement par le Drac et l’Isère est bien connue. Son épaisseur est comprise entre 10 et 40 mètres. Elle contient l’eau de la nappe alluviale…

Le Drac alimente la nappe à travers ces berges perméables sur une longueur de plus de 12 km. Au Nord l’Isère draine la nappe. Cependant au nord des boulevards Joseph VALLIER et FOCH, la nappe est fortement drainée par le réseau des collecteurs. Certains collecteurs ont en effet été réalisés pour limiter et contrôler les remontés de la nappe et permettre l’urbanisation de la ville, en particulier dans les secteurs BERRIAT et EAUX-CLAIRES.

Des collecteurs étaient, à l’origine, de simples fossés. Ils ont été transformés en collecteurs fermés. Dans la vieille ville, le drainage impose de faibles battements à la surface de la nappe : variations inter saisonnières de quelques décimètres seulement, alors qu’au sud de Grenoble, elles peuvent être de l’ordre de 2 mètres.

  • Les secteurs de meilleures perméabilités, les plus favorables à l’exploitation des eaux de nappe par forage.
  • Les directions des écoulements souterrains : ils sont perpendiculaires aux courbes de niveau de la carte piézométrique.

La partie Nord et Nord- est, de plus faible perméabilité, est marquée par des sables très fins ou même argileux, liés à des dépôts sédimentaires apportés par l’Isère (les sablons de l’Isère). Dans la partie Ouest on retrouve des graviers du cône de déjection du Drac. Dans ce secteur, l’épaisseur des alluvions saturées en eaux et de bonne perméabilité est de l’ordre de 20 mètres.

L’eau s’écoule lentement à travers les sédiments, à une vitesse comprise en moyenne entre 5 et 50 mètres par jour. (Il faut environ 2 ans à une particule d’eau partant du Drac à COMBOIRE pour arriver dans l’Isère)… »

Et en conclusion :

« Il faut espérer que la nouvelle compétence GEMAPI (gestion des eaux, des milieux aquatiques et prévention des inondations), attribuée dans notre agglomération à la METRO, conduira à une prise en compte responsable et intelligente de la nappe alluviale. Une bonne organisation des prélèvements et rejets par doublets géothermiques pourrait intégrer d’autres objectifs que la récupération d’énergie. Trois autres objectifs pourraient être facilement intégrés :

  1. La récupération des eaux de nappe qui actuellement passent dans le réseau d’égouts et perturbent le fonctionnement de la station d’épuration du FONTANIL. La METRO pourrait ainsi élégamment respecter la règlementation qui impose l’arrêt des intrusions des eaux de nappe dans les réseaux d’égouts.
  2. Le contrôle des niveaux de la nappe et la compensation de l’effet du colmatage des drains VALLIER et IRVOY.
  3. Une amélioration de la protection contre les crues de nappe. Un dispositif judicieusement implanté, comprenant au minimum entre 5 et 10 doublets géothermiques pourrait jouer ce quadruple rôle, pour un débit total de projet de l’ordre de 2000 à 3000 m3/h. Un couplage éventuel avec le réseau de chaleur existant est à examiner. Le réseau piézométrique de Grenoble est d’une grande importance. Il a été progressivement mis en place par le service des eaux depuis plus de

60 ans dans le but de connaître la nappe, son fonctionnement, la qualité physico-chimique des eaux, les contraintes pour la réalisation des fondations, la création de parkings souterrains, l’analyse de l’effet des travaux sur les rivières (abaissement du seuil de l’ILL par exemple)…

Des mesures périodiques et en continu sont normalement réalisées et permettent de dresser « l’ébauche d’un état de santé » de notre sous-sol.

Il comprend actuellement près d’une centaine de points de mesures (piézomètres). La valeur de ce patrimoine est de l’ordre de quelques millions d’Euros (coût de reconstruction). Dans le cadre de la loi GEMAPI, la gestion de ce réseau a été transférée à la METRO. Il faut espérer que ce transfert n’a pas entrainé des pertes d’archives ou de compétences.

Il serait décourageant de voir détruire la somme gigantesque d’efforts des techniciens qui ont fait vivre ce réseau, par des indécisions, la dilution des compétences et l’ignorance des besoins associés aux mesures de nappe. La gestion de cet important réseau de piézomètres pourrait être modernisée par la mise en place de télémesures, télétransmission et télégestion associée à un contrôle et validation des données saisies pour des logiciels experts, et bancarisation des informations pour une large diffusion des données. Ce réseau pourrait également être utilisé pour une meilleure connaissance géochimique des eaux souterraines : identification de la présence éventuelle de produits toxiques. La Ville de GRENOBLE semble intéressée par la poursuite des mesures relatives à la nappe, notamment pour ses gros projets de doublets géothermiques. »

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