Le peu d’intérêt de la vidéosurveillance

Publié le 31 août 2018

Avant de croire aux miracles de la vidéosurveillance pour faire baisser l’insécurité, il vaut mieux se renseigner auprès des spécialistes de ce sujet, car un équipement important de caméras coute très cher. A Grenoble et son agglomération le nombre de caméras est déjà important (transports en commun, surveillance de la circulation, bâtiments publics, commerces…). Laurent Mucchielli est directeur de recherches au CNRS et enseigne la sociologie de la délinquance à l’université. Il est l’un des meilleurs spécialistes des questions de sécurité et de prévention en France. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur ces sujets. Il a publié chez Armand Colin, un livre qui enquête sur le bluff de la vidéosurveillance : « Vous êtes filmés ; enquête sur le bluff de la vidéosurveillance ». Il démontre que « la vidéosurveillance n’a pas d’impact global sur le niveau de délinquance d’une commune ». Et dresse un constat sans appel : « la vidéosurveillance n’est pas et ne sera jamais un outil important de lutte contre la délinquance et encore moins contre le terrorisme. »

Donc ne gaspillons pas inutilement de l’argent public, qui ne servira que les lobbies des commerçants de systèmes de vidéosurveillance et dotons les services publics des moyens humains nécessaires. Par exemple que l’Etat remette en place la police de proximité prévue par la loi mais oubliée depuis N. Sarkozy ce qui a permis le contrôle de plus en plus de territoires par les maffias de la drogue.

Laurent Mucchielli a récemment donné une interview où il déclare à propos de son dernier livre : « En matière de délinquance de voie publique « ordinaire » (vols, rixes, dégradations, infractions routières, etc.), je montre d’abord que la contribution des images de vidéosurveillance aux enquêtes des policiers ou des gendarmes n’est évidemment pas nulle, mais qu’elle est marginale. Sur une commune et sur une année entière, les images jouant un rôle important – je ne dis même pas décisif – ne sont présentes que dans 1 à 3% du total des enquêtes. Et bien que cela fournisse des faits divers pour la communication politique et la presse, la vidéosurveillance n’a pas d’impact global sur le niveau des problèmes.

Pour ce qui concerne la surveillance « en direct », lorsque des agents sont payés à longueur de journée pour scruter les écrans, les cas de flagrants délits sont rares. D’abord parce qu’il ne se passe pas des choses tous les quarts d’heure à tous les coins de rue, ensuite parce que les caméras déplacent la délinquance vers des zones non surveillées, et enfin parce qu’elles mettent à l’épreuve les limites mêmes du cerveau humain. Au final, la réalité, c’est que la plupart du temps, les opérateurs de vidéosurveillance ne voient rien qui concerne la délinquance, et que le système est donc le plus souvent détourné pour faire autre chose. Depuis quelques années, le principal détournement – car c’est aussi le plus rentable – s’appelle la vidéoverbalisation. Les caméras ne servent donc pas principalement à confondre les voleurs ou les agresseurs, mais à augmenter le niveau de verbalisation des petites infractions routières de la vie quotidienne. »

Pour lie un entretien avec Laurent Mucchielli, cliquez ici.

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