Attention ! l’Etat veut à la fois recentraliser et transférer des charges aux collectivités

Publié le 14 septembre 2018

Plusieurs annonces récentes du gouvernement sont très inquiétantes pour les collectivités locales : il va y avoir une diminution des services déconcentrés de l’Etat et une possible « réquisition » des polices municipales par le ministère de l’intérieur.

Le gouvernement veut faire d’importantes économies en supprimant massivement des postes de fonctionnaires d’Etat et transférer aux collectivités ce qu’il ne fera plus localement. Deux circulaires du Premier ministre publiées le 24 juillet dernier doivent permettre de « clarifier les compétences» et de soulager des services préfectoraux frappés par les réductions d’effectifs.

Le Premier ministre reprend les mots du rapport rendu en juin par le « Comité action publique 2022 » (CAP22), il s’agit de mettre fin à la confusion qui entoure le partage de compétences entre État et collectivités, et de rationaliser l’exercice d’un certain nombre de missions conduites au plan déconcentré. Le rapport du CAP22 indique qu’en achevant de décentraliser les compétences « doublons »via des « partenariats sur mesure» et des « délégations de compétences de l’État aux collectivités territoriales », le solde public pourrait être amélioré « d’environ un milliard d’euros ».

La première circulaire s’adresse uniquement aux ministres et leur demande d’engager « un mouvement très important », au sein de leurs administrations centrales, « pour déconcentrer le maximum de décisions et d’actions au niveau territorial », tandis que les ministères n’assureraient au niveau national qu’un « rôle de conception, d’animation, d’appui des services déconcentrés, d’orientation, d’évaluation et de contrôle ».

La deuxième, beaucoup plus détaillée, concerne également les préfets de régions. Elle vise à orchestrer un « repyramidage des compétences », d’une part en « allégeant le périmètre d’action de l’État » pour certaines, d’autre part en réaffirmant son rôle. Par exemple, en termes de développement économique, les Direccte se verraient déchargées de leur mission, sauf en ce qui concerne « les dossiers de restructurations les plus sensibles ». L’État se désengagerait aussi dans le domaine du tourisme ou du logement.
D’autres pistes de « clarification » sont ajoutées : le pilotage des contrats aidés pourrait ainsi être transféré des Direccte à Pôle Emploi ; les compétences au niveau départemental de politique de la famille et de l’enfance pourraient être confiées aux CAF.
Enfin, il s’agit de « réinventer le service public de proximité ». La circulaire critique les maisons de service au public comme étant une solution « défensive, par défaut, en regard du repli des différents réseaux ; il s’agira de mettre en place pour le public, sans plus de précisions, de « nouveaux points de contact mutualisés et polyvalents ». Ministres et préfets de région doivent faire un retour à Matignon pour « la deuxième quinzaine d’octobre », après quoi la réforme devrait être précisée dans les détails au cours d’une « conférence nationale de l’administration territoriale de l’État.

En ce qui concerne l’avenir des polices municipales, le ministre de l’intérieur a avancé des partenariats appuyés avec la police nationale dans le cadre de la police de sécurité du quotidien avec une nouvelle répartition des tâches, mais sans entrer dans le détail. Il répondait à une question orale d’un sénateur le 27 juillet 2018, avant de recevoir le 11 septembre le rapport des parlementaires sur le continuum de sécurité qui va dans le même sens. Le développement de partenariats renforcés va dans le bon sens, mais que veut dire le ministre lorsqu’il en appelle au rôle accru des communes dans les politiques locales de sécurité ? Des charges en plus mais sans transfert des moyens équivalent, ceci est inacceptable alors que l’Etat impose par ailleurs un carcan budgétaire aux collectivités. On en saura plus à la fin de l’année, le Premier ministre ayant demandé pour cette échéance, au ministre de l’intérieur de conduire une concertation avec, notamment, les représentants des élus, des polices municipales et des entreprises de sécurité, afin de préciser les suites opérationnelles qui seront données au rapport des deux parlementaires.

Voici un large extrait de la réponse du ministre au sénateur :

« Ancrée dans la réalité et les besoins locaux, la PSQ est nécessairement partenariale. Ce partenariat est un des éléments centraux de sa doctrine. Des instructions très claires ont été données en la matière pour que les polices municipales – qui constituent la troisième force de sécurité de France et dont la montée en puissance se poursuit – soient étroitement associées tant à l’élaboration des stratégies locales de sécurité qu’à leur mise en œuvre. Les stratégies locales de sécurité visent en effet, notamment, à densifier les partenariats locaux. Pour être efficace et adaptée, la sécurité doit de plus en plus être assurée en coproduction entre l’État et les acteurs locaux. Toutes les forces doivent être mobilisées de manière optimale. Le partenariat et la complémentarité avec les acteurs locaux de la sécurité sont donc au cœur de la PSQ et l’association étroite des polices municipales est une priorité. Cet engagement partenarial, avec notamment les polices municipales, passe par le développement d’échanges d’informations et des dispositifs opérationnels communs, tournés vers la résolution de problèmes concrets de sécurité du quotidien, clairement identifiés. Il prend la forme de « contrats opérationnels » déterminant le rôle de chacun des partenaires dans la réalisation d’objectifs précis, dont les modalités sont définies localement. Des « groupes de partenariat opérationnel » peuvent par exemple être créés pour constituer une structure légère et temporaire de coordination et de coopération regroupant un policier référent et les acteurs locaux autour d’une problématique locale dans tout ou partie d’un quartier. Cet engagement partenarial se développe également dans les divers comités et commissions de partenariat et de coordination. Il doit aussi être l’occasion de clarifier et de définir les périmètres missionnels respectifs des différents acteurs locaux de la sécurité et d’organiser les complémentarités entre eux en termes de coordination et de coopération opérationnelles. Une meilleure répartition des tâches entre les différents acteurs est indispensable. Chaque fois que nécessaire, les conventions entre police nationale et police municipale seront adaptées ou entièrement renouvelées. Au-delà des nouveaux liens qui se créent d’ores et déjà entre police nationale et polices municipales dans le cadre de la PSQ, les enjeux de sécurité appellent un travail de fond et de long terme sur l’articulation des différentes forces qui interviennent en matière de sécurité. 

Ces nécessaires évolutions s’inscrivent plus largement dans le rôle accru que les communes doivent avoir dans les politiques locales de sécurité

L’Association nationale des cadres territoriaux de la sécurité (ANCTS) s’inquiète que la police municipale ne devienne qu’un supplétif des forces nationales dans un communiqué du 24 août 2018 intitulé : « L’État cherche-t-il à mettre la main sur les policiers municipaux ? » 

Les deux circulaires à lire ici et .

Le rapport parlementaire : « D’UN CONTINUUM DE SÉCURITÉ VERS UNE SÉCURITÉ GLOBALE »

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