Taxe carbone et « gilets jaunes », la faute aussi aux économistes

Publié le 15 décembre 2018

La contribution climat énergie (taxe carbone) est instaurée depuis 2014. Suite aux manifestations des gilets jaunes qui ont réagi à l’augmentation de cette taxe, le premier ministre l’a suspendu pour l’année 2019.

L’économiste grenoblois Michel Damian a édité le 7 décembre un article sur le site « The Conversation » qui tombe à point pour montrer que cette taxe a été pensée sans que la réflexion ait portée prioritairement sur son impact social car conduite par une vue théorique et intellectuelle décalée de la réalité sociale :

« La fiscalité écologique et sa composante « taxe carbone » constituent des produits intellectuels explicites de la théorie économique et des économistes-experts qui répètent depuis des décennies un argumentaire basique : une taxe (vraiment) incitative permet de modifier le comportement des entreprises (d’où résulterait des technologies et produits à teneur moindre en carbone) ainsi que des consommateurs (se portant alors vers des biens plus vertueux).

La proposition est apparemment pertinente, car on sait bien qu’une hausse du prix des carburants et des combustibles fossiles entraîne le plus souvent une modération de leur consommation.

Mais la préconisation d’une mesure de fiscalité écologique-carbone peut être coupée du monde réel, endossée par la technocratie sans concertation et sans accompagnement des populations. La pensée des économistes, évidemment sans le vouloir, peut alors faire des dégâts. Les dernières semaines l’ont brutalement rappelé. »

Il termine son article en insistant sur l’acceptation sociale nécessaire pour une taxation carbone qui ait un sens :

« Les premières propositions pour une fiscalité carbone remontent en France au tout début de la décennie 1990.

Depuis près de vingt ans, l’argumentation est cependant demeurée cadrée par le b-a-ba de l’analyse économique et une vision d’experts-conseillers des instances décisionnelles, sans qu’on s’intéresse trop à l’acceptabilité sociale d’une telle fiscalité, ni à la perception de son efficacité et de son caractère équitable.

Tous redécouvrent aujourd’hui bien tardivement ce qu’ils avaient laissé caché sous le tapis.

« Politiques environnementales et sociales sont encore trop pensées séparément, constate ainsi Jean‑Charles Hourcade, ce 19 novembre 2018 dans Libération. […] rien n’a été prévu pour rendre la trajectoire d’augmentation de la taxe socialement juste et économiquement efficace ». Il était temps en effet de s’en apercevoir.

Quelques jours plus tôt, Christian de Perthuis se désolait lui aussi dans Le Point : « Au lieu de faire de la pédagogie, on s’est tu. Le retour de bâton, c’est une fracture croissante entre la France aisée et urbaine et celle de la périphérie ». Il y a eu, reconnait-il aussi dans The Conversation, « un accompagnement pas très social. […] la montée en régime de la tarification carbone ne peut se faire “contre” les citoyens ». Mais la faute à qui ? Que n’a donc dit d’incisif sur ce terrain-là Christian de Perthuis, le fondateur de la chaire « Économie du climat » à l’université de Paris-Dauphine ?

D’autres économistes – Patrick Criqui, Alain Grangjean, Benoît Leguet et Xavier Timbeau, – ont publié récemment dans The Conversation un article où ils militent pour « un Grenelle de la fiscalité écologique ». Pour « refonder le consensus social », préconisent-ils, des mesures redistributives doivent être mises en place : « extension du chèque énergie, chèques pour les changements de chaudières, chèques pour l’amélioration de la performance thermique du logement, chèques-train pour assurer quelques déplacements longue distance des ménages vivant en zones peu denses ».

On ne discutera pas ici la pertinence de l’empilement de « chèques » proposé. Mais, là encore, ils auraient pu y penser et l’écrire fermement, avant.

Pour l’avenir proche et lointain, beaucoup plus d’économie politique, de sciences sociales et de considération pour la protection « sociale écologique », ne ferait pas de mal. Car les batailles autour de la fiscalité carbone – dont on dit qu’il conviendrait qu’elle soit fortement « croissante » pour lutter contre les dérèglements climatiques – ne cesseront pas de sitôt.

Pour lire tout l’article cliquez ici.

Mots-clefs : ,

Le commentaires sont fermés.