A480, l’Etat s’est couché devant AREA !

Publié le 22 février 2019

© Alternatives_A480

Le 15 février une conférence de presse par les promoteurs de l’élargissement de l’A480 (AREA, Etat, Département, Métropole) a été l’occasion d’entrevoir un peu la vérité qui se cache derrière ce projet d’un autre temps. En effet le préfet a déclaré qu’il prendrait un arrêté limitant à 70 km/h la vitesse sur 3,5 km de l’autoroute après son élargissement (entre le pont du Vercors et Louise Michel) en 2022. Suite à l’interpellation sur l’incohérence d’avoir dimensionné une autoroute à 90 km/h alors qu’elle serait limitée à 70 km/h, le préfet a répondu « je ne sais pas ce que sera le contexte dans dix ou quinze ans… » (DL du 16-02). Donc la limitation à 70 km/h n’aura qu’un temps.

Conclusion, au lieu de réaliser un boulevard urbain, ce sera une autoroute standard qui évoluera au gré de la volonté d’AREA qui en a obtenu la concession en 2015 et qui est arrivée à ses fins c’est-à-dire d’avoir la continuité d’une vraie autoroute entre l’A48 et l’A51. Et un jour de pouvoir poursuivre l’A51 jusque dans la vallée de la Durance, réalisant ainsi le doublement de la vallée du Rhône !

Pour bien saisir comment on en est arrivé là, il faut revenir sept ans en arrière quand en 2011, l’Etat a organisé la concertation sur un projet d’aménagement de l’A480 très différent du projet actuel. Et comment l’Etat (représenté par E. Macron à l’époque ministre de l’économie) a abandonné ses principes pour céder aux exigences d’AREA. Quand le préfet parle de la continuité de la position de l’Etat lors de sa conférence de presse on ne peut que s’interroger lorsqu’on voit comment il a abandonné les positions qu’il défendait avec force en 2011 au sujet de l’A480.

Lors de l’enquête publique concernant la déclaration d’utilité publique, le maître d’ouvrage a présenté de façon fallacieuse le bilan de la concertation sur le projet de 2011 qui limitait la vitesse à 70 km/h et ne créait pas de voie supplémentaire, mais utilisait la bande d’arrêt d’urgence comme 3ème voie dans la partie centrale de l’A480 et fluidifiait le trafic à l’identique du projet actuel mais en coûtant 150 M€ de moins.

En effet dans le dossier d’enquête publique il est indiqué que le bilan de la concertation de 2011 se concluait par la nécessité pour l’Etat de revoir sa copie, ce qui est faux puisque l’Etat s’apprêtait (début 2013) au contraire à lancer une enquête publique sur l’ancien projet.

Mais en 2015 le plan de relance autoroutier signé entre l’Etat et les sociétés d’autoroutes, pour relancer l’emploi dans les travaux publics fixait des travaux pour 3,2 milliards d’euros et pour l’AREA c’était 300 M€ pour l’élargissement de l’A480.

Le projet actuel n’a donc pas été mis en place pour résoudre des questions de circulation mais pour relancer l’emploi dans les travaux autoroutiers !

Il est intéressant de revenir au projet de 2011 afin de mesurer l’évolution de la position de l’Etat sur ce dossier.

En 2011-2012 la position de l’Etat local était complètement différente de celle défendue maintenant. Il considérait qu’une solution à 2 fois 3 voies avec bande d’arrêt d’urgence était peu compatible avec le SCOT et impactait beaucoup trop l’environnement (voir le bilan de la concertation de l’époque qui vient d’être retiré du site de la DREAL, comme si on ne voulait plus qu’il soit connu !).

A la question : « Pourquoi le scénario n°2 correspondant à un passage à 2 x 3 voies avec bandes d’arrêts d’urgence a été abandonné ? » L’Etat répond : « Cela tient au fait que le scénario n°2 est peu compatible avec les orientations définies pour l’heure dans le SCOT. »

Et parce que ce scénario impactait trop fortement l’environnement : « Pourquoi le deuxième scénario a été écarté ? … Le dossier de concertation présente effectivement plusieurs scénarios que l’État a envisagé après avoir repris l’ensemble des éléments issus des études et des échanges avec les collectivités. Le deuxième scénario consistait en un passage à 2×3 voies avec des bandes d’arrêts d’urgence. Il a été écarté car il aurait nécessité la destruction d’une grande partie des ouvrages ainsi que la détérioration des berges du Drac, entraînant des coûts financiers et un impact environnemental importants. »

A cette époque l’Etat défendait de manière convaincante la limitation de la vitesse à 70 km/h dans la conception même de la géométrie de l’autoroute pour la transformer en quasi boulevard urbain et en finir avec l’autoroute classique : 

« Une vitesse maximum autorisée limitée à 70 km/h au Centre et 90 km/h sur les sections Nord et Sud.

La vitesse maximum autorisée, initialement fixée à 110 km/h, a été ramenée à 90 km/h en 2002 (depuis l’échangeur RN481 jusqu’à l’échangeur du Rondeau) afin de réduire les nuisances aux abords de la voie d’une part et d’améliorer les conditions de sécurité et d’exploitation d’autre part. Lors des études antérieures, il a été envisagé de réduire la vitesse à 70 km/h aux heures de pointe, tout en laissant la possibilité de rouler à 90 km/h aux heures creuses. Les réflexions récentes sur le chrono-aménagement et leur déclinaison dans le cadre du schéma de cohérence territoriale (SCoT) en cours d’élaboration permettent aujourd’hui d’évoquer, au moins sur le secteur Centre, des scénarii avec une vitesse de référence de 70 km/h constante. Ainsi, l’État envisage des solutions d’aménagement pouvant conduire à adopter la vitesse de 70 km/h comme vitesse de référence pour la conception même de l’infrastructure. En revanche, ce choix doit être justifié pour l’usager et il doit s’accompagner d’une réelle remise en cause de l’image actuelle de la voie et donc de ses caractéristiques (largeur des voies, dispositifs de signalisation ou de sécurité etc …). Il est ainsi proposé de limiter la vitesse maximum autorisée à 70 km/h :

– De façon constante sur la section Centre (entre Vercors et Rondeau), ce qui implique et permet de revoir les caractéristiques de la voie ;

– Uniquement aux heures de pointe sur les sections Nord et Sud (au nord de Vercors et au sud de Rondeau).

Et l’Etat concluait le bilan de la concertation (fin 2012) avant la mise à enquête publique de ce projet, en précisant les raisons de l’utilisation de la bande d’arrêt d’urgence comme troisième voie dans la portion centrale :

« L’Etat a proposé une troisième voie de circulation sur l’A480 à certaines heures de la journée, dans les emprises de l’axe existant, afin de réduire la congestion sur l’axe tout en apaisant les voiries secondaires. Ce projet est donc en cohérence avec un des objectifs du SCOT qui est de « favoriser le report des trafics des voiries locales vers les autoroutes et voies rapides (dans la poursuite des actions engagées : concept « rejoignez l’autoroute » du schéma directeur de 2000) ». A ce titre, le SCOT mentionne que « les voiries nouvelles et l’augmentation de la capacité des axes existants doit s’inscrire dans une stratégie globale permettant de compenser l’augmentation de l’offre routière par sa réduction dans les espaces que le projet permet de délester ». L’augmentation de capacité de l’A480 aux heures de pointe pourra donc s’accompagner d’une réduction de l’offre routière sur les voiries locales de l’agglomération que le projet permet de délester.

L’Etat a proposé d’utiliser la bande d’arrêt d’urgence comme 3ème voie de circulation. En cas d’accident ou de panne, le problème serait traité par la neutralisation en amont de la voie concernée. Sur le secteur Nord, l’exploitant pourra ainsi faciliter l’arrivée des secours et des véhicules de sécurité. Sur le secteur Centre, même avec des voies réduites, le profil en travers à 3 voies présentera une largeur roulable de l’ordre de 9,75 mètres, avec en plus des trottoirs franchissables à droite de largeur variable. Ce profil permettra la remontée de file par les secours en plus des trois véhicules de front.

L’Etat a présenté un projet où la voie de circulation supplémentaire resterait ouverte à tous les types de véhicules. Concernant son affectation à un type d’usagers (covoiturage, entreprises, deux roues…) ou à une action spécifique (entrées/sorties), cela entrainerait une réduction de sa capacité globale alors que l’un des objectifs du projet porté par l’Etat est bien de résorber la congestion aux heures de pointe. »

Et l’Etat rajoutait : « Le SCOT qui a été arrêté le 19 décembre 2011 est un SCOT Grenelle accompagné financièrement par l’État et sur lequel celui-ci a été associé. Dans tous les cas, l’État veillera à ce que son projet s’articule au mieux avec le SCOT. Sur l’aspect étalement urbain, l’État précise qu’optimiser l’infrastructure c’est fiabiliser les temps de parcours et ne veut pas pour autant dire les raccourcir, d’où une baisse des vitesses y compris pendant les heures creuses sur la section centre. »

Cette proposition longuement étudiée par les services de l’Etat avait une logique totalement différente de la logique d’AREA qui vend un projet qui doit faire gagner du temps à l’automobiliste (les temps de parcours pourraient être divisés par deux aux heures de pointe). Le gain de temps est l’argument principal pour prouver l’utilité publique du projet.

Conclusion de cette histoire : l’Etat s’est couché devant les concessionnaires d’autoroutes en 2015 en signant l’accord secret (signé par E.Macron et S. Royal), qui a abouti au décret d’août 2015 concédant l’A480 avec un projet autoroutier classique qui n’a plus rien à voir avec l’ancien projet.

Si l’Etat n’avait pas le financement pour rénover l’A480, il aurait pu concéder l’aménagement de l’A480 suivant l’ancien projet, ce qui aurait économisé au moins 150 M€ et évité les agressions à l’environnement et la restructuration de l’échangeur de Catane. Mais un boulevard urbain n’intéressait pas AREA et l’Etat à travers les signatures de Macron et Royal s’est couché devant ses exigences.

Il faut espérer que la DUP soit suspendue puis annulée afin que ce projet redevienne un projet acceptable et conforme à l’intérêt général.

Il faut signer la pétition demandant un moratoire sur l’élargissement de l’A480 et une concertation pour des scénarios alternatifs :

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