Aide Sociale à l’Enfance (ASE), un rapport très critique de l’Assemblée nationale

Publié le 30 août 2019

Le rapport du 3 juillet 2019, de la mission d’information de l’Assemblée sur l’aide sociale à l’enfance est sévère quant aux politiques et pratiques des départements, dénonçant les « défaillances structurelles du système »

Dans l’introduction du rapport sont dénoncés, les dysfonctionnements du système d’accueil, l’absence quasi générale de tout soutien psychologique ou de suivi médical régulier, la méconnaissance des droits, l’inégalité de traitement… Le Président de la mission appelle à un grand retour de l’État en ce domaine, sans aller pour autant jusqu’à un retour à l’État, qui supposerait que ce dernier finance une politique à laquelle il a déjà quelque mal à contribuer sur le cas particulier des mineurs non accompagnés (MNA). Mais il rend hommage à l’engagement, le désintéressement des travailleurs sociaux et des assistantes familiales, qui auraient besoin d’un soutien et d’une reconnaissance de leur travail qui fait actuellement cruellement défaut.

Le rapport fait 19 propositions :

« Proposition n° 1 : Faire évoluer la gouvernance de la protection de l’enfance, en :

  • réunissant l’ensemble des organismes impliqués dans la protection de l’enfance (CNPE, ONPE, AFA, ODAS et HCFEA pour leurs sections consacrées à l’enfance) en une unique Agence nationale de protection de l’enfance, co-pilotée par l’État et les départements, afin d’assurer une application homogène de cette politique sur le territoire ;
  • nommant auprès de chaque préfet un référent « protection de l’enfance », sur le modèle des délégués des préfets pour la politique de la ville ;
  • déclinant au niveau départemental le modèle de l’Agence nationale, co-pilotée par le président du conseil départemental et le référent « protection de l’enfance » du préfet, qui réunirait toutes les parties prenantes associatives et institutionnelles (justice, éducation nationale, santé), et comprenant obligatoirement une association d’anciens enfants placés.

Proposition n° 2 : Établir un référentiel national d’évaluation des informations préoccupantes en se basant sur une consultation ethno-clinique (évaluation culturelle des relations entre les parents et les enfants), la santé et le handicap

Proposition n° 3 : Améliorer la visibilité du 119, en :

  • rendant obligatoire la mention du 119 dans le livret de famille, le carnet de santé, et les carnets de liaison des élèves du second degré ;
  • prévoyant une information spécifique à destination des enfants du premier degré et de leurs parents ;
  • assurant l’effectivité de l’affichage obligatoire dans les foyers et les familles d’accueil, assorti d’une information sur la possibilité de saisir le Défenseur des enfants

Proposition n° 4 : Prévoir pour les personnels éducatifs un module de formation spécifique, afin notamment que les enseignants soient plus à l’aise avec la déclaration des informations préoccupantes

Proposition n° 5 : Améliorer la prise en charge médicale au moment de l’IP, en :

  • généralisant au plus vite la mise en place dans les départements de médecins référents « protection de l’enfance », ou en permettant la désignation d’un autre professionnel médical de type infirmier de pratiques avancées, qui serait spécifiquement formé ;
  • créant, dans chaque centre hospitalier susceptible d’accueillir des enfants, une équipe pluridisciplinaire référente « protection de l’enfance » ;
  • créant au moins une UMJ par département ;
  • prévoyant un module dédié de formation effective des personnels de santé au repérage de l’enfance en danger

Proposition n° 6 : Améliorer la prise en compte de l’enfant dans la procédure judiciaire, en :

  • rendant obligatoire la présence d’un avocat auprès d’un enfant quand une mesure d’assistance éducative ou de placement est envisagée ;
  • auditionnant systématiquement les assistants familiaux en cas de placement en famille d’accueil ou les éducateurs qui suivent au quotidien l’enfant dans l’accueil collectif ;
  • réalisant obligatoirement l’audition des enfants hors la présence de leurs parents ;
  • mettant en place dans chaque tribunal pour enfant une salle d’attente dédiée équipée de sanitaires

Proposition n° 7 : Mieux évaluer les capacités parentales pour mettre en place les procédures adaptées, en :

  • modifiant l’article 381-1 du code civil pour supprimer ou préciser la notion d’empêchement des parents, afin de faciliter la déclaration de délaissement parental lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige ;
  • introduisant la notion d’incapacité parentale pour ouvrir un projet à long terme pour l’enfant (adoption simple en maintenant des rencontres avec les parents empêchés, par exemple) ;
  • mettant en place en parallèle de la mesure de protection de l’enfant un accompagnement pour les parents dont on estime qu’un étayage peut favoriser une évolution positive ;
  • attendant que l’enfant soit prêt et le dise pour revoir le parent qui l’a maltraité

Proposition n° 8 : Généraliser la mise en place des commissions d’évaluation de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC) et fixer dans la loi les acteurs pluridisciplinaires et pluri-institutionnels qui doivent y siéger (justice, éducation nationale, professionnel de santé, État, associations de protection de l’enfance…)

Proposition n° 9 : Permettre le recours aux tiers digne de confiance, en :

  • engageant une réflexion sur le statut des tiers digne de confiance (accompagnement par les services de l’ASE en éducatif et financier), afin d’encourager cette modalité de placement dans l’intérêt de l’enfant ;
  • rendant obligatoire l’exploration de la solution d’un tiers digne de confiance avant de renouveler l’ordonnance de placement provisoire

Proposition n° 10 : Améliorer la prise en charge médicale des enfants confiés, en :

  • généralisant à court terme la prise en charge au forfait des enfants placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance ;
  • inscrivant le droit à un bilan de santé dès le premier mois de placement au niveau législatif ou réglementaire ;
  • remboursant les consultations de psychologues et psychiatres de ville quand les délais de prises en charge en centre d’action médico-sociale précoce (CAMPS) ou en centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) dépassent les deux mois ;
  • ajoutant dans le cadre du service sanitaire la possibilité d’intervenir auprès des enfants en protection de l’enfance ;
  • évaluant avec les acteurs concernés l’opportunité de désigner un médecin référent au sein de l’assurance maladie et des Agences régionales de santé en matière de protection de l’enfance ;
  • développant des solutions permettant de prendre en charge les enfants dans leur lieu de vie

Proposition n° 11 : Lutter contre la discrimination scolaire, en :

  • nommant des professeurs des écoles dans les structures d’accueil d’urgence pour les jeunes déscolarisés pour éviter les ruptures dans les parcours ;
  • faisant participer l’éducation nationale au PPE pour que les choix d’orientation de l’enfant soit mieux pris en compte

Proposition n° 12 : Fusionner au sein du PPE les autres documents écrits remplis par les éducateurs référents, et normaliser davantage son contenu

Proposition n° 13 : « Repenser » la formation des assistants familiaux, en vue de davantage la tourner vers les enjeux concrets de l’accueil

Proposition n° 14 : Permettre aux professionnels de l’éducation nationale, de la justice, de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), de l’ASE et des personnels entourant au jour le jour l’enfant d’échanger sur les éléments importants pour la vie de celui-ci, en pratiquant le secret partagé

Proposition n° 15 : À terme, mettre en place un seul système d’information permettant aux acteurs d’interagir, le conseil départemental jouant un rôle de « chef d’orchestre » du dispositif

Proposition n° 16 : Clarifier les distinctions entre actes usuels et non usuels au niveau national en établissant une liste claire qui répond aux besoins fondamentaux dans la vie de tous les jours des enfants et dans le sens d’une plus grande confiance envers le service « gardien »

Proposition n° 17 : Mieux normer et mieux contrôler le secteur, en :

  • étudiant la reprise des contrôles des établissements accueillant des enfants par les services de la DDCS ;
  • mettant en place des taux d’encadrement par des éducateurs dans les MECS, en AED, AEMO et AEMO « renforcé » en fonction de l’âge de l’enfant et pour les éducateurs référents ;
  • réalisant un fichier des agréments des assistants familiaux au niveau national ;
  • permettant aux associations du secteur d’accéder au casier judiciaire de leurs employés dans son ensemble ainsi qu’au fichier des délinquants sexuels ;
  • créant un droit législatif de visite des structures de la protection de l’enfance pour les parlementaires, qui pourrait être mis en œuvre notamment par une délégation dédiée à l’Assemblée nationale

Proposition n° 18 : Revoir le statut des assistants familiaux, en :

  • autorisant les assistants familiaux à exercer une autre activité professionnelle, sous réserve d’adaptation des modalités d’agrément et de rémunération ;
  • revalorisant la rémunération minimale des assistants familiaux et la prise en compte des frais professionnels qu’ils engagent ; et harmoniser cette rémunération sur l’ensemble du territoire

Proposition n° 19 : Définir une vraie politique de prise en charge des MNA qui soit harmonisée sur le territoire et qui réponde aux réels besoins des jeunes reconnus mineurs et qui n’ont pas de famille sur le territoire »

Le rapport de la mission d’information de l’Assemblée est disponible ici.

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