Edito

Contre la collaboration : résistance !

Mai 1997, par un calcul purement politicien, Chirac dissout l'Assemblée Nationale, pensant qu'il avait plus de chance de l'emporter qu'en mars 1998. La gauche n'ayant qu'une faible majorité relative dans le pays, le FN a estimé que sa stratégie de pourrissement serait servie par une victoire de la gauche à l'Assemblée, le maintien de tous ses candidats au deuxième tour fait le nécessaire.

Mars 1998, la droite fragilisée par sa défaite de mai 1997 présentait une victime de choix pour les stratèges de l'extrême-droite. Une habile proposition de programme commun minimum, rabotant les aspects les plus visibles du programme du FN, présentée au bon moment a suffit pour refermer le piège.

De très nombreux élus de la droite ont du choisir entre leurs avantages et leurs convictions, le choix a été vite fait. Certains théorisent cette situation en estimant qu'en introduisant le FN dans le jeu normal des institutions, ils vont le faire évoluer et à terme réduire son influence. Ce calcul est faux de A à Z. Contrairement à ce que laissent croire les médias, il n'y a pas deux lignes au FN, une respectable (Mégret) et une inacceptable (Le Pen). La pratique réelle qui s'implante dans les mairies FN, mise au point par Mégret, est bien une pratique de pure extrême-droite. Là où il est aux affaires, le FN ne cherche pas la grande alliance avec la droite. Sa stratégie est celle de la désagrégation et de l'affaiblissement durable de la droite en lui interdisant toute victoire sans lui et en la punissant si elle ne marche pas avec lui.

Millon et la quasi-totalité de la droite Rhône-Alpes ont franchi la ligne noire. La séance du 20 mars était présidée par Gascon (bras droit de Carignon et second sur la liste Dezempte), cela était prémonitoire. Que le FN ait des vice-présidences ou pas n'est pas la question : il n'a aucun intérêt, pour l'instant, à être officiellement dans l'exécutif, c'est le soutien sans participation qui lui rapportera plus que la participation directe.

Vendredi noir pour la démocratie et la République, dont nous n'avons pas fini de mesurer les conséquences. La gauche gouvernementale n'est pas absente de responsabilités dans cette situation. Elle a fait une erreur stratégique à vouloir se présenter de manière monolithique, elle y a perdu environ 5% des suffrages, ce qui est énorme. Il ne faut pas vouloir faire entrer l'électorat dans des cases préfabriquées par les appareils. Le pluralisme est une richesse et une réalité. A croire qu'une simple majorité relative lui assurerait une victoire facile, elle a oublié que la question de fond qu'attendent les électeurs n'est pas de savoir qui va engranger les postes de président et de vice-présidents des régions, mais quelle politique vont faire ces institutions. Les collectivités territoriales peuvent-elles développer des politiques améliorant la vie au quotidien, combattant les exclusions, limitant les inégalités : là est la vraie question politique.

Durant toute cette campagne, qui a parlé programmes et projets ? La seule question relayée dans les médias était : est-ce que la droite va se laisser aller aux sirènes du FN ? Placé au centre du débat, ce parti a tout gagné.

La politique ne doit plus se résoudre à ces combats purement politiciens, on sait bien que c'est encore une fois offrir un boulevard à l'extrême-droite.

Les responsabilités de notre courant écologiste et alternatif sont très importantes, le changement dans les pratiques et les priorités politiques sont incontournables pour redresser notre démocratie. Notre rôle est d'obliger au débat politique ouvert, a faire circuler l'information avant toutes décisions et à ne pas sacrifier le long terme à l'immédiateté.

L'actualité locale est riche de grands dossiers qu'il faut mettre sur la table et nous arrivons à mi-mandat municipal, heure du bilan. L'ADES va s'y atteler. L'appréciation de nombreux Grenoblois rencontrés durant la campagne électorale, c'est qu'une réorganisation générale s'impose à la mairie si on veut réussir la deuxième moitié du mandat. Avec ce qui vient de se passer à la Région, la réussite de l'action municipale n'est plus un voeu, c'est une nécessité. La résistance doit s'organiser à tous les niveaux et dans tous les domaines, notamment dans les institutions.

V. Comparat

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