La gestion des déchets, enjeu méconnu du développement durable

Peu de dossiers représentent un enjeu de taille tel que celui de la gestion des déchets, et suscitent en même temps encore tellement peu d'intérêt et de perception dans la discussion publique.

Qui dans le grand public sait que plus de 770 M.F. ont été investis au niveau de la Métro ces dix dernières années, avec des frais d'exploitation de 107 M.F. par an (hors annuités) ? L'effet de serre, les impôts locaux, la création d'emplois, sont des sujets qui sont bien plus discutés en public que celui de la gestion des déchets. Pourtant elle y est intimement liée par le caractère transversal des ses répercussions. Les impacts environnementaux (émissions de CO2, de polluants, économie d'énergie), sociaux (création d'emplois accessibles, implication accrue des usagers) et économiques (prix du traitement, évolution dans l'avenir) varient fortement entre les différentes filières de gestion des déchets. Des réorientations nationales majeures sont actuellement en cours dans la politique des déchets, ce qui rend nécessaire de choisir entre des filières à privilégier pour l'avenir. Il est donc impératif de réussir ces choix à opérer ; pour optimiser les impacts environnementaux, sociaux et économiques, et pour faire de la politique des déchets un outil efficace du développement durable, s'inscrivant dans un cadre bien plus large que le simple traitement des déchets.

Quelques chiffres

Quand on dit "déchets", de quoi parle-t-on précisément ? Il s'agit des seules ordures ménagères (OM) et assimilés, dont 170 000 tonnes par an sont traitées par la chaîne Athanor. Ce dispositif consiste principalement en le centre du tri (CdT) et l'usine d'incinération des ordures ménagères (UIOM) à La Tronche, et le centre de compostage (CdC) à Muriannette ; leur exploitation est sous-traitée.

En quoi consiste ce "gisement de déchets" ? Une analyse a montré que 31% sont des papiers et des cartons, 25% des putrescibles (rejets de cuisine, etc.) et 10% des plastiques. Les deux flux existants (poubelle grise ou brute, et poubelle verte "je trie") entrent au CdT (respectivement 103 000 T/an et 30 000 T/an, le reste étant directement incinéré). La poubelle verte est manuellement triée (aboutissant à 12 200 T/an) ; tandis que les OM brutes sont traitées avec un outil industriel important, pour en extraire de la matière destinée au CdC (36 000 T /an), et des plastiques dits "en mélange" (2 700 T/an), les 81 800 T/an restant étant incinérées. Les putrescibles sont acheminés au CdC, où sont séparés un bon tiers de refus (14 100 T/an, retour à l'incinération), un cinquième en compost (7 400 T/an), et les reste en refus lourds (8 200 T/an + autres pertes). Ceci aboutit à un taux global de recyclage de 13% (7,2% pour le tri vert, 1,6% des plastiques en mélange, 4,4% du compostage).

L'incinération des 132 000 T/an au total génère de la chaleur (194 GWH) pour le réseau urbain, et de l'électricité (5 GWH). Comme rejets, 32 000 T/an de mâchefers et des résidus de fumées (REFIOM) sont produites ; en plus des fumées contenant, mis à part du CO2 principal, des NOx, des poussières, ainsi que certaines quantités de dioxines, entre autres.

Quelles évolutions ?

Mais comment peut-on juger les performances économiques, environnementales et sociales de ce système de gestion des déchets ? Aussi improbable que cela puisse paraître, il n'y a que très peu d'éléments de comparaison disponibles sur le plan français (et encore moins sur le plan européen). Un observatoire européen de déchets -qui reste à créer- pourrait apporter une aide importante ici.

Le tri sur du brut (spécificité du système grenoblois) vaut cependant d'être revu. D'abord le compost qui est produit a rencontré des problèmes de qualité (contenant des refus lourds, etc.). Ce procédé devrait être donc remplacé 1 par un compostage de la seule fraction fermentescible issue d'une collecte séparative, aboutissant à un compost de très bonne qualité.

Deuxièmement l'éco-efficacité (rapport entre énergie investie et énergie économisée par la valorisation) du processus "plastique en mélange" est à vérifier en détail (il n'extrait que 2% de la masse des plastiques entrante au CdT). Il pourrait réorienter vers des plastiques du tri vert, qui lui sera encore renforcé dans l'avenir (actuellement 41% des recyclables de la poubelle verte sont extraits).

Un autre chantier à aborder, moins technique, mais tout aussi important, est l'implication accrue des usagers dans la gestion des déchets. Des démarches innovatrices en sensibilisation et en communication sont indispensables, facilitées par une bonne transparence du système. A titre d'exemple, il faut savoir qu'actuellement 35% du contenu de la poubelle verte récupéré sur le territoire de la Métro sont des indésirables (et ce chiffre ne cesse d'augmenter depuis des années), alors qu'à Strasbourg ce chiffre avoisine les 3%... Des retours d'information incitatifs (journaux, affichage électronique, site Internet valorisant) pourraient informer les usagers sur des performances mensuelles de la gestion des déchets (taux de recyclage, énergie produite, compost obtenu, etc.) et les motiver. Un futur rapport environnemental de la gestion des déchets pourrait être un grand atout : l'ensemble des impacts environnementaux du système de traitement des déchets serait détaillé (le besoin en énergie, les émissions de CO2 et autres polluants, etc.), et serait un indicateur fiable du progrès réalisé.

Aller plus loin

Mais regardons plus loin et réfléchissons aux grandes réorientations dans la politique des déchets. Quelles sont les options qui s'offrent à nous ?

Faisons des bons choix pour inscrire la gestion des déchets comme un actif dans le développement durable des sphères économiques, écologiques et sociales. Commençons d'abord par l'optimisation technique concrète, suivie d'une prise en compte de l'importance des usagers et de la transparence.

Et n'oublions pas dans tout cela la responsabilité du consommateur : le meilleur déchet restera toujours celui qui n'est pas produit.

Dossier réalisé d'après une étude de l'ADES


1 L'ADEME, agence compétente en la matière, ne préconise plus ce compostage sur du brut
2 Voir le récent Programme national de lutte contre l'effet de serre