Conseil de la Métro du 21 janvier 2000

Liaison Grenoble-Sisteron : une concertation alibi pour un mauvais projet

Intervention de Michel Gilbert pour le groupe des élus ADES

Monsieur le Président, chers collègues,

Notre pays est schizophrène !

D'un côté, un Gouvernement qui s'engage, lors de la conférence de KYOTO, à réduire de 10% les émissions de gaz à effet de serre... et de l'autre, le même qui présente un programme d'action bien timide préservant les intérêts du lobby automobile.

D'un côté une loi sur l'air qui impose aux agglomérations l'élaboration de PDU afin de diminuer le trafic automobile... et de l'autre, ces mêmes PDU qui, le plus souvent, font encore la part belle, dans des politiques dites "d'équilibre", aux usagers de la route (ex. : Rocade Nord de Grenoble).

D'un côté, des outils de planification -Schéma Directeur et Projet urbain- qui affichent des objectifs vertueux... et de l'autre, une assemblée communautaire, la nôtre, qui décide de participer au rachat du Péage de Vif, favorisant ainsi le développement de la péri-urbanisation.

Je vous demande, chers collègues, où est la cohérence dans tout ça ?

Quand aurons-nous le courage de dire non ! aux différents lobbies automobiles dont les moyens de pression sont tellement supérieurs à ceux des associations qui, sur le terrain, luttent avec des moyens dérisoires ?

En saucissonnant le tracé, en ne mettant à l'étude et à l'enquête publique que des tronçons distincts, le gouvernement ne respecte pas une directive européenne qui impose que des projets de cette envergure soient abordés dans leur globalité.

Ce faisant, il néglige volontairement une question essentielle posée par cette nouvelle liaison Nord-Sud : celle de la traversée de l'agglomération grenobloise.

Le projet de tunnel sous le Vercors, dont le coût serait équivalent à celui de l'infrastructure dont nous débattons ce soir, est-il toujours d'actualité ?

Ou bien l'Etat considère-t-il que la création d'une 3ème voie sur l'A 480, inscrite au PDU, suffira à absorber le surplus de trafic engendré par la mise en service de la liaison Ambérieu-Grenoble-Sisteron ?

Ce silence gêné cache une contradiction majeure :

Que deviendra la vallée du Buëch, dont les ressources dépendent essentiellement d'un tourisme vert qui choisira, demain, d'autres destinations, mieux préservées ?

Quels dégâts irréversibles seront commis, dans cette belle mais étroite vallée, pour faire passer une voirie supplémentaire, entre la rivière, la nationale et la voie ferrée ?

D'autant que, loin d'assurer le développement économique des régions traversées, les autoroutes les appauvrissent, en drainant vers les grandes villes l'essentiel des ressources et en détruisant une partie des zones agricoles les plus prospères.

Pourquoi, l'Etat, qui prétend, sur ce dossier, jouer la carte de la concertation, fixe-t-il des délais aussi courts (2 mois) et limite-t-il le débat à un choix entre 4 traçés ?

Pourquoi n'a-t-il pas étudié le scénario -soutenu par les écologistes et étayé par un dossier conséquent- d'un aménagement progressif des 2 nationales N85 et N75, avec création de zones de dépassement et déviation des villes et villages traversés ?

Pourquoi faudrait-il 2 fois 2 voies pour traverser les zones peu denses des Alpes Centrales, alors qu'on vient de se contenter -à juste titre- de 2 fois 1 voie pour le secteur urbain Grenoble-Vizille ?

Autant de questions sans réponses... Il semble que cette concertation ne soit qu'un alibi et que la décision soit déjà prise en faveur de la "solution mixte" dont le rapport vante les mérites et qui est présentée comme la moins couteuse.

Destruction des paysages, effets de coupures, nuisances sonores (particulièrement sensibles en zone de montagne), pollution de l'air et accroissement de l'effet de serre, fragilisation d'une économie rurale largement dépendante du tourisme, coût exhorbitant (8 à 10 MdF) supporté principalement par les contribuables, en contradiction avec le principe pollueur-payeur... autant d'arguments pour dire non à un projet qui ne respecte ni les engagements de la Convention alpine d'opérer "un transfert sur la voie ferrée d'une partie croissante du trafic", ni ceux pris à Kyoto de lutter efficacement contre l'effet de serre.

Il s'agit là d'un projet exemplaire... d'une conception dépassée et "non durable" du développement.

En conclusion, nous réaffirmons notre engagement en faveur d'un aménagement coordonné des routes nationales RN75 et RN85 et d'une réhabilitation de la liaison ferroviaire Grenoble-Gap.