15 jours pour dire non toute l'année

Grâce à Bernard Macret et à "Tous différents, tous égaux", un collectif de 30 associations, les mois de mars sont à Grenoble, depuis 1995, consacrés à la lutte contre le racisme. Une campagne qui, en raison des événements récents, prend cette année une dimension toute particulière.

Le Rouge & le Vert : Quels sont les objectifs de ces manifestations ?

Bernard Macret : La Ville de Grenoble doit prendre clairement position sur les problèmes de racisme. Nous devons aller au-devant des gens par un travail de pédagogie et d'éducation. C'est pourquoi cette année, au-delà de la mobilisation des services de la Ville, nous souhaitons sortir des milieux spécialistes de la question en mettant le "paquet" sur les quartiers. Pilotée par les centres sociaux, les MJC, les bibliothèques et certaines unions de quartiers, l'opération va toucher tous les secteurs. Les expositions, débats, rencontres, films, sans oublier les repas et soirées festives traiteront de tous les problèmes de racisme, mais cette année nous avons mis l'accent sur la discrimination à l'emploi qui prend comme on sait des formes parfois insidieuses et inattendues. Je veux souligner également que pour la première fois, les artistes se mobilisent collectivement à Grenoble en donnant une soirée le 1er avril au Théâtre municipal : c'est très important quand on sait que dans un certain contexte c'est d'abord la culture qui est touchée. Voilà, tout cela exige un travail de fond à base de volontarisme forcené. Nous disposons cette année d'un budget en légère augmentation mais cela reste tout de même marginal. J'aimerais une véritable reconnaissance digne d'une grande ville. Et pourquoi ne pas engager une dynamique intercommunale puisque Fontaine, Echirolles et Pont de Claix organisent depuis très longtemps une campagne sur ce thème. On pourrait, tout en respectant l'originalité de chaque ville, mettre nos moyens en commun pour donner à ces manifestations un plus grand retentissement encore.

Le R & le V : A-t-on pu mesurer l'effet de ces journées depuis le début ?

B. M : Nous manquons d'outils d'évaluation. Pourtant, je constate, même si l'on peut qualifier cette évaluation d'empirique, que plus de 60 associations ont participé aux réunions préparatoires, ce qui à mes yeux est un signe et marque un intérêt croissant pour ces journées. Cependant le plus important reste le travail de fond que la Ville se doit de poursuivre et d'intensifier sur les problèmes de discrimination, cela suppose une position politique très claire.

Le R & le V : L'actualité internationale et locale donne plus de pertinence à cette action.

B. M. : Il est clair que, même si l'enquête n'est pas terminée, on voit bien à travers l'agression barbare subie par Madame Daoud et les événements du Musée Dauphinois note 1 que pour certains, la mémoire de la revanche fonctionne toujours et que pour ceux-là, la guerre d'Algérie n'est pas finie. Et puis, en Europe, depuis la victoire de Haïder, l'extrême droite se sent pousser des ailes. Nous avons plus que jamais besoin d'expliquer l'Histoire et de faire un travail de fond pédagogique sur la mémoire. On peut supposer que si un tel travail avait été fait, l'Autriche n'en serait pas où elle en est aujourd'hui . Il y a là une vraie responsabilité des politiques.

Le R & le V : Ce travail de fond devrait concerner tous les élus et pas seulement l'élu compétent ?

B. M : C'est évident ! Et je compte bien que ce travail soit repris par l'ensemble des élus. Les questions de discrimination à l'emploi et du droit de vote des étrangers par exemple concernent tout le monde, tous les élus. Il ne s'agit pas de morale, mais de réalité, de droits concrets. Mais cela n'est pas gagné, il reste encore beaucoup à faire.

Propos recueillis par J.-M. C.


1 Mme Daoud, épouse du directeur d'ALIF (Amitié et liens France-Maghreb), a subi début février une sauvage agression raciste à son domicile ; et quelques semaines plus tôt, lors d'une conférence sur l'Algérie au Musée Dauphinois, un commando raciste cagoulé avait violemment interrompu le débat.


Journées contre le racisme, du 15 au 31 mars à Grenoble

Parmi les nombreuses manifestations prévues, citons :

Le programme complet est disponible dans tous les lieux publics à Grenoble