Eau

  1. Une ressource mondiale, un bien commun de l'humanité, un combat citoyen
  2. Démonstration à Grenoble, où La lyonnaise continue à dicter sa loi

Les enjeux mondiaux de l'eau

Jeudi 10 Juin 1999, s'est déroulée à Grenoble une conférence organisée par les Amis du Monde Diplomatique, le Club Condorcet et Ingénieurs sans Frontières sur le thème : "enjeux de l'eau et développement durable".

Les organisateurs avaient invité Riccardo PETRELLA, venu nous parler des enjeux mondiaux de l'eau et présenter son ouvrage : "Le Manifeste de l'eau" 1.

Que nous dit Riccardo PETRELLA ?

Tout d'abord un constat : aujourd'hui 1,4 milliards de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, leur droit de vie n'est pas assuré. De plus, la pollution des eaux de surface et souterraines et la dégradation des sols par les nitrates, l'azote, les métaux lourds et d'autres substances toxiques ne cesse d'augmenter. Tout cela ne contribue pas à imaginer un avenir plus favorable.

Voilà pourquoi le problème de l'eau est un problème de citoyenneté, car il nous interroge sur notre conception de celle-ci. D'où la question : sommes-nous prêts à organiser la révolution du 21ème siècle afin que tout le monde aie accès à l'eau ? Le sens fondateur de "la révolution de l'eau" ce sont les droits de vivre pour tous.

Comment y parvenir ?

Créer une citoyenneté mondiale sur l'eau

Les problèmes sont considérables : en 2020, il y aura 600 villes de plus de 1 million d'habitants dans le tiers-monde, sans système d'assainissement et avec des problèmes de distribution de l'eau.

Il faut mettre en place des actions, des contrats, des pactes entre les 50 villes du nord de plus de 1 million d'habitants, et les 600 villes du sud.

Dessin sans parole : un homme dans le dˇsert

L'eau comme citoyenneté politique

L'eau a toujours été source de conflits entre groupes sociaux, entre l'agrobusiness, les industriels, les citadins. Il faut savoir que 70% des prélèvements d'eau (des ressources mondiales) sont utilisés par l'agriculture (systèmes d'irrigation liés à l'agriculture intensive), dont 40% sont perdus (évaporation). Partout dans le monde existent des conflits entre les pays pour l'accès à l'eau : Israël et pays arabes ; Inde, Pakistan, Bangladesh ; Turquie, Syrie, Irak. L'eau est utilisée comme un instrument de guerre, de conquête. Voilà pourquoi il faut créer des institutions politiques pour instaurer un droit mondial de l'eau. D'où l'idée d'un Parlement de l'eau (des milliers de traités règlent le commerce dans le monde, mais il n'existe rien d'identique concernant l'eau). Il faut inventer toutes formes de réglementations de l'eau. A cette fin, il convient de commencer par le commencement, à savoir la reconnaissance de l'eau en tant que bien commun, patrimonial mondial de l'humanité : c'est le contrat mondial de l'eau.

L'eau comme citoyenneté éco-sociale

L'eau ne doit pas être le pétrole bleu.

Vivendi, La Lyonnaise des Eaux et Saur-Bouygues se partagent le marché mondial de la distribution de l'eau. Nestlé et Danone se partagent 75% de la distribution de l'eau minérale en bouteilles.

Reconnues comme essentielles et prioritaires, les exigences imposées par le développement durable entrent souvent en conflit avec les priorités de la compétitivité des entreprises. On observe depuis quelques années une tendance en phase montante, qui voit le système de propriété, d'appropriation, de gestion et d'usage de l'eau dans les grandes villes des pays sous-développés passer sous le contrôle d'entreprises privées (Manille, Mexico, Hanoi, Moscou, Buenos Aires).

Ce n'est que sur la pression des citoyens que les choses pourront avancer. La citoyenneté éco-sociale, c'est une réappropriation des citoyens.

Pour Riccardo PETRELLA, il faut redonner la gouvernance de l'eau à ses vrais propriétaires, à savoir les habitants de la planète. L'eau appartient à l'humanité. Elle n'appartient pas aux "états-nations". A fortiori, elle n'appartient pas aux marchés, aux entreprises, aux actionnaires. Elle appartient aux communautés humaines, des plus petites (les communautés villageoises) à la plus grande (la communauté mondiale).

Il est temps que nous, les humains, nous (ré)apprenions à maîtriser le pompage, la collecte, la production, l'usage, la conservation et la protection de l'eau sur des bases démocratiques et solidaires, à tous les échelons de l'organisation sociale. La bonne gouvernance de l'eau ne peut être réalisée en dehors de la démocratie. Créer les conditions pour que tous puissent exercer leur droit fondamental d'accès à l'eau potable (qui est un droit à la vie) est une affaire de citoyenneté.

On ne peut laisser la gouvernance de l'eau aux logiques financières et marchandes qui ne garantissent le droit de vivre qu'aux consommateurs solvables et aux épargnants-propriétaires/actionnaires. Pour que l'humanité se (ré)approprie son droit à vivre par et avec l'eau saine, aujourd'hui et demain, il importe donc d'inverser les tendances actuelles à la marchandisation de toute activité humaine, et à la privatisation de tout bien et service.

Riccardo PETRELLA propose la constitution de l'association "pour un contrat mondial de l'eau" dont les deux finalités principales seront :

  1. l'accès de base à l'eau pour tous (tout être humain, toute communauté humaine) : droit politique, économique et social, individuel et collectif, inaliénable ;
  2. une gestion solidaire et durable intégrée de l'eau (triple devoir de responsabilité individuelle et collective vis-à-vis des autres communautés humaines et de la population mondiale, des générations futures et de l'écosystème Terre).

Elisabeth MARTINEZ

Association "Pour le contrat mondial de l'eau"
30, rue de Monrose
B 1030 BRUXELLES
 

1 Ed. Labor

 

Eau de Grenoble

Les illégalités demeurent

Le Conseil municipal du 14 juin 1999 a décidé de mettre fin aux contrats de l'eau de 1989. Il aura fallu 10 ans de combats incessants pour faire reconnaître que ces contrats ne devaient pas être poursuivis.

Malheureusement, pour arriver à ce but positif, la majorité de la majorité a accepté une transaction qui lèse gravement les intérêts des contribuables et des usagers, ce qu'ont refusé les élus de l'ADES.

Deux décisions ont en effet été prises :

Une analyse foireuse

La mairie continue de croire que tout a été limpide dans la gestion financière de la COGESE-SEG-SGEA 1, que tout a été fait dans les règles du droit, que la Ville est responsable des turpitudes de son ancien maire et des dirigeants de la Lyonnaise... Pourtant, les justices pénale et administrative ont jugé le contraire (le conseil municipal a été trompé en 1989). Pourtant, l'analyse de la chambre régionale des comptes (CRC) était très claire : en 1999, la COGESE-SEG devait s'être remboursée des versements des droits d'entrée à la Ville, et si il y a eu enrichissement de la Ville, c'est au détriment des usagers et non de la SEG.

Toute l'argumentation employée dans la délibération s'appuie sur des affirmations favorables à la Lyonnaise, tous les arguments favorables à la Ville ont été omis. Les conseillers municipaux qui ont voté la délibération l'ont fait avec des informations erronées.

La Ville accepte de payer 2 fois des sommes qu'elle ne doit pas débourser :

  1. elle paye le renflouement de la SEG alors que l'essentiel du déficit a été créé entre 89 et 95, sous l'unique responsabilité des actionnaires privés. Le jugement du Tribunal Administratif du 12 mai 1999 (obtenu à notre demande) indiquait que ce n'était pas aux usagers de payer les droits d'entrée litigieux. C'était aux actionnaires à les prendre en charge, comme l'indiquait la CRC. Ils ont accepté, en toute connaissance de cause et à leur risques et périls, de jouer un rôle de sponsor, qui n'a rien à voir avec un affermage : ils doivent en assumer les conséquences. C'est à eux de renflouer la SEG, pas au contribuable ni à l'usager. Libre à eux de se retourner contre les responsables de cette situation (les corrupteurs et le corrompu) s'ils estiment avoir été trompés à "l'insu de leur plein gré" ;
  2. la Ville va payer seule les surfacturations dans les tarifs de l'eau depuis 1989, alors qu'une partie des surfacturations provient de choix de gestion de la COGESE-SEG, inappropriés au cadre d'un affermage (charges exceptionnelles, pompage par le groupe Lyonnaise des Eaux...).

Encore une fois, la Lyonnaise des Eaux a gagné sur toute la ligne, elle s'est fait rembourser ses capitaux et n'a plus de responsabilité pour le passé. Il va encore falloir en appeler à la justice pour que les droits et les intérêts des contribuables et des usagers soient préservés.

Il y avait bien des impôts cachés dans les factures d'eau !

Avec 4 ans de retard, le maire de Grenoble décide de faire la clarté sur les impôts cachés dans les factures d'eau. Il demande au Tribunal de Grande Instance de désigner un expert pour définir le juste prix de l'eau de 1989 à 1998 (sous entendu : les tarifs n'étaient pas justes). Il admet pour la première fois l'existence de ces impôts cachés. Mais il s'agit essentiellement d'une gesticulation médiatique, puisque cette expertise ne sera pas contradictoire, et n'aura donc pas force de loi. Encore un gaspillage d'argent public, comme tous les honoraires versés en pure perte à des conseils juridiques inefficaces. Un jour, il faudra bien savoir ce que l'incompétence aura coûté à la Ville dans ce dossier.

Maintenant : le retour à la régie

Il n'y avait aucune raison de déléguer les services de l'eau et de l'assainissement en 1989, il n'y en a pas plus en 1999. Le bon sens dicte que l'on tourne la page... et que Grenoble retrouve son service centenaire et de haute qualité. Il n'y a aucune raison que des capitaux privés viennent se rémunérer dans l'eau de Grenoble : l'eau ne doit pas être une marchandise.

Une régie bien gérée est moins chère pour l'usager et pour le contribuable. Les usagers Grenoblois ont été maltraités depuis 10 ans. Ils avaient l'expérience d'une régie qui fonctionnait très bien, ils ont fait l'expérience d'un affermage calamiteux. Le retour à la régie s'impose de lui même : c'est ce que défendra l'ADES dans les mois qui viennent.

V. Comparat


1 COGESE : filiale de la Lyonnaise des Eaux, à qui à été concédé le service de l'eau en 1989, transformée en 1996 en la SEG, société d'économie mixte, avec sous-traitance de l'exploitation du service à la SGEA, privée.


Les usagers maltraités

De nombreux usagers demandent à la SEG de leur faire parvenir un état de leur compte depuis 1989 afin de pouvoir calculer les surfacturations. La SEG, au lieu de s'exécuter comme tout service public digne de ce nom, fait la sourde oreille. Faudra-t-il en appeler à la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) pour avoir ces informations ? Espérons que le maire, soucieux de la plus grande transparence dans ce dossier, va intervenir rapidement pour faire cesser cette rétention d'information.