Réduction du temps de travail 2

Changer le scénario, ou gare au "navet" !

Le projet rédigé par M. Aubry est littéralement calamiteux et donne raison -a posteriori- aux slogans de campagne européenne de LO : la réduction du temps de travail (RTT) de cet avant projet de loi, c'est la flexibilité rêvée par les patrons, cofinancée par l'Etat et avec des contreparties en emplois aléatoires !

Les militants qui ont passé des heures à étudier, négocier des accords RTT qui ne flexibilisent pas trop, qui créent le maximum d'emplois, qui réintroduisent de la transparence dans les temps de travail réellement effectués, sont écoeurés devant ce projet qui ouvre la voie à des régressions sociales majeures en attaquant des dispositions d'ordre public : le droit à une coupure franche entre temps de travail et vie privée, le respect des temps sociaux, le droit à une formation prise sur le temps de travail...

Occasion ratée

L'occasion politique exceptionnelle de remettre à plat la question des temps sociaux, de réinjecter de la solidarité à travers la problématique RTT est gâchée par ce texte. Qu'on en juge !

1. Création d'une nouvelle période transitoire d'un an, avec un taux de majoration ridiculement bas de 10% entre 36 et 39 heures. C'est une concession inutile et une nouvelle erreur de méthode, que nous avions pointée dans la 1ère loi 1 : l'incertitude sur la détermination du cadre légal (et celle des pouvoirs publics) encourage l'immobilisme patronal.

2. Le temps de travail effectif et les heures supplémentaires :

Il n'y a rien dans le projet sur ces points essentiels.

3. Le temps de travail des cadres : alors que les cadres travaillent beaucoup trop, que cela n'est plus supporté par nombre d'entre eux, M. Aubry fait une concession majeure au patronat en sortant la grande majorité des cadres de la RTT : pas de définition précise des types de cadres, exclusion des "autonomes" (sans critères !) de toute comptabilisation de leur durée du travail en heures (avec un décompte en jours). D'où une RTT au rabais : 10 jours de RTT sans qu'aucune limite à la durée en heures ne soit posée, soit 4,3% de RTT (sur la base très réaliste de journées de 10 heures et de semaines de 50 heures), alors que les autres salariés auront 23 jours et 10% : cette inégalité de traitement n'est pas justifiable et risque de créer de fortes tensions sociales.

De plus ce système, faute de décompte en heures, rend impossible le contrôle des 11 heures de repos entre deux périodes de travail.

Dessin flexibilitŽ

Pour des raisons sociales, culturelles, économiques (relance de la consommation de biens culturels, de loisirs... par la RTT des cadres plutôt qu'une épargne supplémentaire d'un argent que l'on a pas le temps de dépenser), de parité, de réussite de la RTT rendue impossible pour tous les salariés si les cadres en sont exclus ; les cadres doivent avoir 23 jours de RTT comme les autres salariés, et leur temps de travail doit être décompté en heures ! Au moment où l'inspection du travail, avec les syndicats non corporatifs de cadres, réussit enfin à trouver un moyen de maîtriser la dérive du temps de travail des cadres 2 (cf. procès Thomson RCM), le PS organise la régression sociale.

4. Le temps de formation doit rester du temps de travail effectif, sinon, vu les besoins croissants de formation, nous aurons une fausse RTT.

5. La solidarité a minima :

6. Le temps partiel : choisi ou subi ?

Pas d'avancée décisive, car on ne supprime pas l'exonération des cotisations sociales, qui cumule tous les inconvénients : cette forme de RTT individuelle bénéficiant uniquement aux employeurs fait une concurrence déloyale à la RTT collective et négociée. C'est une "trappe à bas salaires", dont les femmes sont les premières victimes.

Et toujours pas de majoration des heures complémentaires, moyen efficace de lutter contre les modifications abusives et fréquentes des périodes travaillées.

7. La négociation, notamment dans les PME et TPE : l'avant projet de loi avance timidement sur le terrain de la représentativité des signataires, alors qu'il ne fournit pas de garanties supplémentaires sur le mandatement, dont le bilan est très mitigé.

Il est urgent de renforcer les capacités des négociateurs par une formation obligatoire des mandatés, dont la protection devrait être étendue, avec capacité de se faire assister directement par un expert syndical externe à l'entreprise, et possibilité de dénoncer l'accord par le syndicat mandataire.

Dessin

8. Le contrôle de l'effectivité de la règle : voter des lois c'est bien, voter des lois applicables c'est mieux ! Or la deuxième loi -tout comme la première- ne comporte rien à ce propos !

Pas de renversement de la charge de la preuve des heures faites (qui pèse actuellement surtout sur le salarié). Pas de renforcement des moyens, humains et matériels, de l'inspection du travail, toujours ridiculement faibles : en Isère il n'y a que 24 agents de contrôle pour 250 000 salariés répartis dans 26 500 entreprises. Il est impossible de garantir l'application des règles protectrices des salariés avec cet effectif (constant depuis plus de 12 ans).

Bref il nous semble que la majorité plurielle actuelle doit considérablement améliorer cet avant projet de loi. N'hésitez pas à interpeller vos députés avant le débat parlementaire du 5 octobre et soutenez l'action des députés Verts, qui rédigent déjà leurs amendements !

P. M.


1 cf. Le Rouge & le Vert n° 65, p11 ; et pour un premier bilan en Isère, n° 68, pp. 6-7
2 Les cadres constituent déjà en Isère la majorité du salariat