Internautes de tous les pays...

Lire aussi l'analyse du groupe de travail "voiries électroniques" de l'ADES
et l'interview de Jean-Edouard Mazille dans ce numéro

L'Association des utilisateurs d'Internet (AUI) regroupe au plan national non seulement des spécialistes, mais aussi des utilisateurs de tous horizons de ce nouveau média. Créée en 1996, elle est présidée par Meryem Marzouki qui utilise Internet depuis 1987. Interview.

Le Rouge et le Vert : Quels sont les objectifs de l'AUI ?

Meryem Marzouki : Notre objectif principal est la démocratisation de l'accès à Internet, faire de ce média un moyen d'expression de la citoyenneté. Cela se traduit par des actions sur l'infrastructure pour faire baisser les coûts, sur la liberté d'expression et sur l'absence de régulation administrative qui serait plus restrictive que la loi. Nous participons à la réflexion sur un processus d'autorégulation par les acteurs eux-mêmes, pour éviter qu'elle ne soit exercée que par les fournisseurs et les grosses sociétés commerciales.

Le R et le V : L'accès à Internet suppose des moyens financiers mais aussi des moyens culturels. Ne dit-on pas qu'Internet est réservé à une élite ?

M.M. : Oui, la démocratisation passe par l'infrastructure mais également par les contenus. Pour l'instant, la majorité des gens accède à Internet via le réseau téléphonique dont les coûts sont vraiment prohibitifs. C'est pourquoi nous essayons de promouvoir des moyens de connexion permanente, type câble ou satellite pour des régions à moins forte densité de population. Il en va de même du matériel pour lequel nous proposons une baisse de la TVA sur les logiciels informatiques.

Concernant les contenus, il faut savoir que peu de gens en France sont connectés et par effet d'entraînement, il y a peu d'expression en langue française, ce qui reste à développer... L'autre aspect important pour l'expression de la citoyenneté, c'est le développement de l'accès gratuit à l'information publique. C'est déjà le cas, même si cela n'est pas extraordinaire, pour le Journal Officiel. Mais il y a toute l'information administrative, locale ou nationale, qui devrait être sur Internet et accessible à tous. De la même manière toutes les administrations devraient pouvoir être contactées par les citoyens via le réseau.

Le R et le V : Cette volonté de démocratisation par qui doit-elle passer ? Les politiques, les industriels ?

M.M. : Evidemment les politiques sont la première cible. Jusqu'à présent, nous avons fait beaucoup de communication institutionnelle. Nous sommes reconnus pour nos actions et avons été sollicités chaque fois qu'un parlementaire devait réaliser un rapport 1 . Le dernier en date est celui du sénateur Serusclat qui portait sur les apprentissages essentiels dans le domaine de l'éducation et sur la citoyenneté. Dans ce rapport figure l'intégralité d'un questionnaire que nous avions adressé aux états-majors politiques et aux candidats pendant les élections législatives. Il est intégré au chapitre "Internet et Citoyenneté" où le sénateur Serusclat regrette que les politiques soient aussi peu sensibilisés à Internet. Le parlementaire émet un certain nombre de propositions et recommandations qui vont tout à fait dans le sens de nos demandes, qu'il s'agisse de la démocratisation de l'accès ou des contenus.

Le R et le V : Vous évoquez l'absence de régulation, mais la démocratie ne suppose-t-elle pas une instance de contrôle ?

M.M. : De quel contrôle parle-t-on ? Il n'y a pas de démocratie sans contrôle des élus. On a beaucoup parlé en France de régulation pour éviter des contenus illégaux sur Internet, mais je pense qu'une régulation par le haut est contraire à la philosophie du réseau, et puis ça ne marcherait pas. A mon sens le meilleur contrôle est celui de chacun sur tous, spécialement pour la communication publique, les politiques.

Le R et le V : Ma question portait sur les appels à la haine, au racisme.

M.M. : Il ne faut pas dramatiser. Il est vrai que l'on peut en voir plus que sur d'autres médias, parce qu'ils sont sur-représentés. Via Internet on peut communiquer sans restriction et à un moindre coût. Le Front National a été le premier parti politique à avoir un serveur WEB. Ce qui est valable pour lui l'est pour n'importe quel groupuscule et particulièrement les groupuscules racistes, néo-nazis, intégristes... L'objectif est donc de vraiment diversifier l'accès à des associations antiracistes. Deuxième argument, les lois sont toujours applicables à l'égard des Français s'exprimant à partir du territoire national ; même chose pour l'Europe. Ceux qui dispensent des discours négationnistes pourront toujours trouver refuge aux USA où ils ne seront pas poursuivis en raison du 1er amendement de la constitution américaine. Donc, la seule solution c'est la contre propagande.

Le R et le V : Quels sont dans les mois à venir, les enjeux, les décisions qui pourraient être prises en Europe ou en France ?

M.M. : Les décisions les plus importantes concernent les développements juridiques et parlementaires. Ainsi par une résolution du Parlement Européen, ou plus récemment avec une loi adoptée en Allemagne, il semble que l'on assiste à un transfert de la souveraineté des tribunaux vers les commerçants. Ceci est extrêmement grave. Le gouvernement Allemand et la Commission Européenne qui ont une politique ultra-libérale veulent se débarrasser de ces problèmes. Leur argument est simple "Internet est propre, venez, connectez-vous et consommez", voilà une orientation de type télé-achat. La loi allemande stipule que le fournisseur peut être tenu pour responsable du contenu illégal que pourrait énoncer un de ses clients. L'illégalité en question est toute relative, dés lors on fait du fournisseur un censeur en puissance décidant de la suppression ou non de telle ou telle information. Il s'agit là d'un nivellement par le bas que nous nous devons de combattre.

Propos recueillis par J.-M. C.

Pour plus d'information, consultez le site de l'AUI : http://www.aui.fr


1 L'intervention de l'AUI auprès de parlementaires a ainsi permis l'annulation en Conseil constitutionnel de certains aspects de la loi Fillon sur les télécommunications, qui portaient atteinte à la liberté d'expression. (NDLR)