Paroles d'élu

La fibre intercommunale

Le contour flou de certaines délégations oblige parfois l'élu municipal à délimiter lui-même son champ de compétence. Jean-Edouard Mazille 1, chargé des nouvelles technologies et de la valorisation de la recherche dans le domaine industriel, a retenu deux axes de travail prioritaires : les véhicules moins polluants 2 et les nouvelles technologies, objet de notre entretien. Derrière la technique, les enjeux politiques.

Lire aussi l'analyse du groupe de travail "voiries électroniques" de l'ADES
et l'interview de Meryem Marzouki dans ce numéro

Le Rouge et le Vert : Dans votre délégation, que recouvre le terme "nouvelles technologies" ?

Jean-Edouard Mazille : La majorité municipale compte 46 élus, cela veut dire qu'il existe une palette très large de compétences qui, dans bien des cas, se recoupent. C'est le cas pour les nouvelles technologies que l'on pourrait comparer à une auberge espagnole. On y trouve ce que l'on veut bien y mettre. Je n'ai pas échappé à la règle, puisque dans ma délégation figurent mes principales motivations que sont les véhicules moins polluants et surtout les voiries électroniques, le multimédia et l'accès de tous à ces technologies.

Le R et le V : Qu'a-t-on fait en la matière depuis 1995 ?

J.-E. M. : Depuis 1995 ? Le lancement d'activités et le montage de financement avec des acteurs prêts à promouvoir ces technologies. Le plus important c'est que la Ville soit prête à jouer un rôle moteur avec du personnel et du matériel. Depuis le début de 1997 des événements notables ont eu lieu, avec notamment l'extension du rôle du multimédia et la désignation d'un chef de projet chez AGIR 3 , notre prestataire de services. Et puis, parallèlement à la mise en place d'un serveur Ville 4 , on a vu l'installation d'Internet chez un nombre croissant d'élus municipaux et de responsables de services.

Le R et le V : Récemment le Premier ministre s'est prononcé pour une extension significative d'Internet, la Ville de Grenoble est-elle sur la même longueur d'ondes ?

J.-E. M. : Grenoble est dans une situation paradoxale. Le taux d'accès à Internet y est nettement supérieur -plus de 5%- à la moyenne française qui avoisine les 1%. Cela tient pour l'essentiel aux grandes entreprises et à l'Université. Pour le grand public en revanche, Grenoble est en retard par rapport à d'autres villes, quelquefois plus petites. J'ai beaucoup apprécié la phrase de Lionel Jospin exprimant son rejet d'une France à deux vitesses dans le domaine des nouvelles technologies. En effet, nous ne voulons pas voir une France figée, avec d'un côté ceux qui auraient accès à ces technologies par leur entreprise, l'Université ou grâce à leurs moyens financiers, et de l'autre ceux qui en seraient exclus. Donc nous tentons une démarche permettant de combler le fossé par trois moyens. D'abord l'enfance : il faut ouvrir ces technologies aux enfants dès le plus jeune âge en faisant le maximum pour les quartiers les moins favorisés. Ensuite les quartiers : nous devons nous appuyer sur des relais pour offrir des accès aux citoyens, c'est à dire sur les maisons des jeunes, les maisons de quartier, les maisons des associations... Enfin, troisième moyen et pas des moindres : les associations, car elles produisent des informations qui enrichissent le contenu local, de plus les bénévoles ont souvent un niveau culturel élevé qui permet de faire avancer les choses rapidement. Alors comment aider ces associations ? Nous devons faciliter l'accès au réseau, l'ouverture de sites pour qu'elles puissent développer leurs informations et soutenir la formation. Je travaille actuellement sur ces dossiers qu'il faudra faire avancer très vite.

Le R et le V : Peut-on évoquer un calendrier pour l'équipement grand public ?

J.-E. M. : Je commencerai par l'école parce que cela me paraît essentiel. Nous envisageons un accès par groupe scolaire. C'est un objectif très modeste, en retrait par rapport à la proposition de Claude Allègre 5 , d'une machine par classe, mais nous devrions l'atteindre d'ici 4 ans. Une machine par classe suppose des investissements lourds que la Ville ne pourrait pas supporter sans une articulation avec l'Education nationale. Côté grand public cela n'est pas facile, car nous avons un problème de moyens humains. Il est donc essentiel de nous appuyer sur les relais que sont les associations. Par ailleurs, de nouvelles perspectives s'ouvrent grâce aux emplois jeunes dont une partie est explicitement dédiée aux nouvelles technologies. Ces emplois comportent à mon sens deux fonctions, une d'initiation et l'autre de support. Vis-à-vis du grand public, il s'agit d'apporter des réponses aux questions suivantes : comment se servir de ces nouveaux outils ? comment installer des équipements et comment remédier aux différents problèmes qui ne manqueront pas de survenir en raison du nombre croissant d'utilisateurs ? D'après le plan Aubry, ces emplois doivent être confiés soit aux collectivités locales, soit aux associations. A mon avis, il devrait y avoir une répartition entre les unes et les autres. La Ville de Grenoble pourrait créer un certains nombre d'emplois d'intérêt général et les associations prendre en main des emplois plus spécifiques.

Le R et le V : Au delà des associations, la Ville est-elle seule à s'attaquer à ce problème, n'y a-t-il pas d'autres acteurs ?

J.-E. M. : Jusqu'à une date récente, c'était un peu chacun pour soi, à une exception près : le câble qui est intercommunal, avec malheureusement deux réseaux dans l'agglomération. Internet sera disponible sur le câble au début 1998. Ce sera très intéressant pour les gros utilisateurs, car la facturation du câble est forfaitaire, contrairement à celle de France Télécom dont le calcul est basé sur le temps écoulé. Le réseau métropolitain à haut débit (METRONET) dont le projet vient de démarrer, va dans le sens de ce que l'ADES préconise. Il s'agit de la mutualisation des moyens de passages de fibres optiques sous le sol des différentes communes de l'agglomération, avec une priorité à la desserte des lieux les plus consommateurs d'accès. Parallèlement à cette infrastructure matérielle, il faut envisager la mise à disposition des opérateurs. Bien entendu cela pose toute une série de questions pour lesquelles les acteurs politiques n'ont pas forcément les mêmes réponses.

Le R et le V : Pour l'ADES, quels seraient ces opérateurs ?

J.-E. M. : L'ADES a une idée toute simple. De même que la voirie n'engendre pas de taxes, il paraît naturel que le grand public accède gratuitement et dans les meilleurs conditions aux nouvelles technologies. Cependant, cette mise en place ne va pas de soi au plan juridique. Il convient d'être vigilant dans le montage de l'opération, en particulier vis-à-vis de l'opérateur qui va effectuer matériellement le travail, du maître d'oeuvre qui, selon nous, devrait être la communauté de communes (Métro) et des prestataires de services à qui il est hors de question d'ouvrir une rente de situation et ce, quel que soit le prestataire.

Propos recueillis par J.-M. C.


1 J.-E. Mazille est depuis peu président de la Société d'économie mixte (SEM) TV Câble. Il préside également le Collectif des élus pour des alternatives à l'A51, qui travaille en liaison avec la COJAM (Coordination Jura Alpes Méditerranée) et le collectif des opposants à l'A51.
2 Il a à ce sujet proposé en municipalité une tarification avantageuse de stationnement pour les véhicules moins polluants. Nos bronches espèrent que cette proposition sera retenue.
3 AGIR : Groupement d'intérêt public, chargé de l'informatique de la Ville de Grenoble
4 Connectez-vous sur : http://www.ville-grenoble.fr...
5 Claude Allègre : ministre de l'Education Nationale