Tract diffusé lors du Forum Métro "Sciences et Démocratie" 16-17 Juin 2005

Science ou démocratie !!!

Après avoir pris toutes les décisions irréversibles (Minatec, Alliance, Nanobio, Biopolis..), la Métro organise un débat très général autour des questions posées par le développement scientifique et technologique mais se garde bien de mettre en débat ses décisions. Pourtant la décision de ST Microelectronique de diminuer ses effectifs et délocaliser vers l'Asie devrait être au centre des discussions. A la table ronde sur la recherche et développement et la mondialisation, pas un seul syndicaliste de prévu !

Critique du processus décisionnel

En démocratie, le débat précède la décision. Mais à la Métro comme à la Ville de Grenoble, au Conseil général et au conseil régional, les élus se sentent capables de décider de dépenser des centaines de millions d'euros sans avoir besoin d'ouvrir le débat citoyen et de réfléchir un peu avant de décider.

Seuls les élus écologistes refusent ces décisions prises à la va vite et exigent des débats préalables.

Ces décisions reposent sur des postulats dont certains ne sont pas fondés. Par exemple le ruissellement des actions high-tech dans le reste du tissu économique, n'est pas démontré, au contraire des études indiquent plutôt le contraire. Un rapport des services de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) de l'Isère de 2004 note que "le développement actuel des industries de haute technologie à fort pouvoir attractif pour les populations qualifiées venues de l'ensemble de la région et au-delà ne permet pas de résoudre mécaniquement le problème de l'accès à l'emploi des populations résidant sur l'agglomération". Une bonne part de ces emplois ne sont d'ailleurs pas des créations mais des mutations, et surtout n'ont pas "d'impact direct sur le recrutement local" (Le Monde, 27-04-2004).

Il s'agit de projets fortement portés par de l'argent public et donc qui devraient se poser la question des contreparties pour la société et pas uniquement pour les intérêts privés. Or le contenu technologique n'a pas été choisi en fonction de critères politiques ou sociaux d'intérêt général.

Aucun examen critique des contenus des recherches soutenues !

Les propositions faites sont issues de l'air du temps plutôt que d'une réflexion originale qui aurait pu hiérarchiser et choisir. Face aux grands défis de l'avenir de la planète (effets de serre, énergie, épuisement des ressources, pollutions), développement soutenable, les financeurs publics auraient dû fixer des priorités et des incitations pour les R et D. Cela n'a pas été fait.

Il n'y a pas de réflexion organisée sur les questions d'éthique, de risques et d'acceptabilité sociale. Et pourtant les nano et biotechnologies soulèvent des questions nouvelles d'une ampleur considérable, ce qui devrait inciter à la plus grande prudence avant de se lancer dans des investissements.

Or actuellement on ne marche que sur une seule jambe : ce sont les promoteurs qui pilotent et tout va bien, il sera toujours temps de s'interroger ! Il n'y a que des stratégies de communications pour valider les choix des promoteurs. Le silence des collectivités publiques est assourdissant, ce qui alimente la contestation et renforce les caricatures de débat.

Nulle part en France les collectivités n'ont mis autant d'argent dans de tels projets à vocation économique et pourtant il n'est prévu aucun contrôle et mécanisme d'évaluation de l'impact des apports publics !

Une politique très libérale menée par des majorités de gauche !

Sans aucune retenue, les collectivités locales ont accepté de prendre la place de l'Etat sans aucun transfert de moyens : elles ont devancé la décentralisation Chirac-Raffarin-Villepin-Sarkozy à deux niveaux :

  1. elles construisent les bâtiments qui reviendront aux institutions de recherche (sauf la SEM Minatec). Elles remplacent l'Etat dans ce rôle, mais sans avoir les transferts de recettes.
  2. elles remboursent la Taxe Professionnelle (Alliance), en avance sur la proposition de Chirac d'exonérer de TP les nouveaux investissements. Elles versent directement des subventions aux entreprises privées (dernièrement le Conseil Général à SOITEC).

Il s'agit d'une rupture profonde par rapport aux pratiques passées des collectivités, rupture amorcée sans aucun débat et réflexion sur son opportunité.

Abandon du triptyque recherche/université/industrie

La recherche grenobloise se caractérisait par un drainage de financements publics nationaux (ou européens) importants pour la recherche fondamentale et appliquée, financements arrivant directement dans les institutions de recherche et dans les labos. Grâce à ces investissements, la recherche publique, notamment en physique, jouait un rôle très important. C'est grâce à cette accumulation du "capital recherche publique" que des grands laboratoires de recherche européens se sont implantés (ILL, ESRF, EMBL) et que le développement universitaire et des organismes de recherches s'est opéré. Une relation équilibrée entre recherche et industrie s'est mise en place depuis longtemps et a permis des réussites de transferts des résultats de la recherche vers l'industrie. C'est à cause de cette présence forte de la recherche fondamentale et appliquée à Grenoble que les grands groupes (ST, Philips, Motorola) ont choisi de s'implanter à Crolles.

Mais maintenant l'argent public va directement dans l'industrie privée, charge à elle de piloter les recherches amont (cf. la convention Alliance). Ou bien il prend les risques à la place du privé (SEM Minatec).

Le triptyque s'est complètement inversé c'est: industrie/université/recherche.

Les collectivités locales prennent de grands risques à la place de l'Etat et des entreprises privées.

Elles acceptent de prendre tous les risques en prenant la maîtrise d'ouvrage des opérations immobilières qui auraient dû être prise par ceux qui vont utiliser les bâtiments.

Le cas extrême est celui de la SEM Minatec : la création de salles blanches pour la location à des firmes privées est prise en charge par les collectivités qui prennent tous les risques au motif que le privé ne pouvait pas le faire. C'est la caricature de l'adage libéral "les risques et les charges au public, les profits au privé".

Il est très étonnant de voir l'absence de réflexion politique des élus PS et PC sur ce grand virage de la politique économique, pris au détriment des compétences classiques et fondamentales des collectivités. Les justifications de leurs décisions sont d'une très grande pauvreté et leur incapacité à légitimer leurs décisions est grave.

Seuls les élus écologistes ont protesté contre ces décisions : l'ensemble de la gauche et de la droite a foncé les yeux fermés

Pourtant les coûts économiques et sociaux ne sont pas négligeables : besoin de logements, développement du périurbain, question des déplacements...

Il n'y a aucune contrepartie sérieuse aux financements publics :

Alliance : la seule contrepartie c'est la création d'emplois mais dont le coût est inférieur aux subventions publiques ! Au contraire les coûts à supporter par les collectivités pour aider à cette implantation ne sont pas pris en compte (infrastructures de transport, logements, adduction d'eau) et les collectivités remboursent à Alliance la TP qui devrait évidemment servir à rembourser les collectivités des coûts induits !!!

Pour Minatec, Nanobio, Biopolis, aucune contrepartie.

Ces apports publics viennent directement en concurrence des programmes habituels des collectivités (notamment le social), et amplifient l'endettement de ces dernières, car ces financements sont en majorité empruntés sur de longues années. Le coût réel est donc amplifié par les taux d'intérêts.

Absence totale de débat public avant les décisions !

Pourtant, nous vivons à une époque où la légitimité des décisions politiques est de plus en plus contestée et où la démocratie représentative subit une crise. L'acceptabilité sociale des technologies est une question très délicate, les expériences passées le démontrent amplement.

Cette absence de débat, de motivation et de défense de l'intérêt général par les collectivités publiques dont c'est un des rôles important, amplifie les mises en causes des sciences et des technologies.

Les décideurs publics locaux sont soumis à réélection, ils ne voient que ce qui peut leur rapporter électoralement. Surtout il ne faut pas se mettre dans la situation de celui qui a risqué de voir partir une opération ailleurs...

Il y a une soumission totale à l'air du temps, ils sont hypnotisés par le credo des gourous des nanotechnologies qui promettent l'emploi, le rayonnement, l'image, le succès...

En n'organisant pas le débat public avant leurs décisions, les collectivités publiques ont joué contre l'acceptabilité sociale de ces développements. Grenoble qui est en pointe coté technologies est curieusement très en retard dans les processus de décision politique. Alors que toutes les évolutions législatives et réglementaires vont (lentement) dans un sens d'une plus grande participation des citoyens aux décisions qui les concernent, ici c'est l'inverse !

En plus, les élus croient qu'ils détiennent une légitimité automatique par l'élection. C'est une erreur grave. La légitimité d'une décision publique se construit dans la transparence, l'exposé clair des choix, une connaissance des impacts des décisions, l'écoute des inquiétudes des citoyens, une information suffisante... bref, la reconnaissance du droit au débat public, et ce préalablement à la décision bien sur.

Quelque soit son intérêt ce forum public vient donc trop tard hélas !