NON à la ROCADE NORD, NON au TUNNEL sous la BASTILLE

Par le bureau de l'ADES septembre 2003 (corrigé en février 2006)

Analyse présentée dans le cadre de notre cycle de formation le 15 mars 2006.

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Politique des déplacements : va t-on encore longtemps se raconter des histoires ?

On sait maintenant que la pollution atmosphérique rend malade et tue.

On sait qu'elle est due principalement aux gaz d'échappement des véhicules à moteur.

On sait maintenant que l'évolution climatique va entraîner un surcroît de pollution.

On sait que l'on ne va pas pouvoir poursuivre la consommation de pétrole longtemps à ce rythme (épuisement des ressourcess et effet de serre avec ses conséquences sur le climat).

On sait qu'il n'y a pas d'autre solution viable que de diminuer l'usage des véhicules à moteur dans notre agglomération.

On sait quelles sont les alternatives à l'automobile qu'il faut développer pour permettre à la fois une mobilité correcte pour tous et diminuer les impacts négatifs de l'utilisation des véhicules à moteur.

On sait que la politique de développement des transports en commun commence à porter ses fruits à Grenoble et qu'il faut l'amplifier.

On sait que cette politique demande des moyens financiers importants et qu'ils vont manquer, car les collectivités locales ne mobilisent pas assez de financements et l'Etat se désengage en diminuant les subventions.

Par contre, ce que beaucoup ne savent pas, c'est que le tunnel sous la Bastille ne servira surtout pas à diminuer les embouteillages dans l'agglomération.

Le tunnel ne servira pas à diminuer les embouteillages dans l'agglomération !

Le tunnel a été choisi à gabarit réduit et à débit réduit pour éviter d'attirer de nouveaux trafics. En aucun cas il ne permettra une augmentation de trafic sur les trois branches de l'Y grenoblois (Voiron, Grésivaudan, Sud). Evidemment il réduira le temps de passage entre St Martin le Vinoux et Meylan, mais globalement il ne changera pas la situation actuelle.

Le tunnel vise à diminuer le trafic dans la ville centre (grands boulevards et quais) en obligeant les voitures à tourner autour et à ne pas la traverser (plan de déplacement en marguerite), et surtout sa capacité est limitée pour ne pas permettre d'augmenter le trafic en amont. Il sera donc saturé dès son ouverture et les bouchons continueront en amont. La pollution atmosphérique sera encore plus concentrée et les cheminées d'aération la distribueront en plein centre de l'agglomération.

Au contraire : avec le tunnel les embouteillages vont continuer à se développer

Voici les chiffres d'une étude officielle qui démontrent que le trafic continuera à augmenter sur les voiries autoroutières qui sont déjà saturées. Par quel miracle les embouteillages vont-ils disparaître ?

Lieu

Etude DDE

  Situation actuelle Trafic HPS en 2010 Evolution 2010/situation actuelle
Rocade Nord 5750
A48 niveau Saint-Egrève 9160 11400 24%
A48 - St Martin le Vinoux - au Nord de la bretelle de la rocade Nord 3790 6600 74%
A480 - au Nord du pont de Catane 8782 10900 24%
A480 - au sud du pont de Catane 9175 11700 28%
Rocade Sud - partie ouest 8177 9700 19%
Rocade Sud - partie centrale 8068 8600 7%
Rocade Sud - partie est 6755 7000 4%
A41 à l'est de la rocade Sud 6591 8400 27%
A41 à l'ouest de la rocade Sud 4964 7900 59%

Chiffres en nombre de véhicules à l'Heure de Pointe du Soir (HPS), sans les poids lourds.

Une autre étude montre qu'en 2010 il y aurait autant voire moins de trafic sur les autoroutes si il n'y avait pas de tunnel (par rapport à la situation avec tunnel).

Il est donc démontré que la rocade nord va augmenter les embouteillages aux entrées et sorties de l'agglomération, au lieu de les réduire.

Mais alors pourquoi cette proposition de tunnel ?

Comme toujours, quand il y a des embouteillages, le réflexe de ceux qui ne veulent rien changer (les conservateurs), est de proposer une augmentation de la capacité des voiries au lieu de pousser à un changement de mode de transports, d'où la fuite en avant dans l'augmentation sans fin du trafic automobile et de la pollution.

Au moment de la réflexion sur la 3ème ligne de tram sur les grands boulevards, la question s'est posée de savoir où faire passer les voitures chassées des grands boulevards. Au lieu de développer des propositions de changement de mode de déplacements, les conservateurs ont accepté, sans réfléchir, une proposition alléchante lancé par un bureau d'étude (sans étude approfondie) d'une rocade virtuelle pas trop chère à gabarit réduit, tout en souterrain, gratuite, avec traitement des fumées, vendue aux élus pour 2 milliards de francs tout compris !

Le développement accéléré des embouteillages aux portes de l'agglomération a forcé les décideurs politiques à un discours sur les solutions à y apporter. La droite et la chambre de commerce qui ont toujours été alliées au lobby routier et au BTP, ont imposé la croyance que la rocade nord serait la solution et la gauche traditionnelle a suivi sans réticence.

Le tunnel est défendu par tous les élus des partis traditionnels, de gauche comme de droite, car ils croient que c'est la meilleure façon de faire des voix ou de ne pas en perdre. Beaucoup savent qu'il ne réglera rien, mais ils ne veulent pas qu'on leur reproche de ne pas avoir tout tenté...Tant que les habitants croient que le tunnel va résoudre leurs problèmes, la manipulation marchera.

Faire de la politique c'est faire des choix :

Le tunnel présente 4 inconvénients :

En 1999, le conseil de la Métro estimait que si toute les sources possibles de financement étaient mobilisées, il était possible d'investir 6 milliards de francs en 10 ans pour réaliser le PDU, or les coûts du PDU sont chiffrés actuellement au minimum à 12 ou 13 milliards de francs ! Qui va apporter les 6 à 7 milliards qui manquent ? Il manque même de l'argent pour les transports en commun, surtout pour tout ce qui touche au péri-urbain.

Le tunnel au lieu de 2 milliards de francs pourrait en coûter environ 4 avec les indispensables aménagements induits.

La 3ème ligne de tram a pris du retard et va coûter 3 milliards de francs (460 MEUR) au lieu de 2,1 avec une subvention réduite de l'Etat donc une participation plus importante du SMTC.

Le SMTC ne pourra pas financer à temps les autres réalisations importantes du PDU, si le Conseil Général et la Métro n'augmentent pas fortement leurs versements au SMTC. Ce qu'ils arrivent difficilement à faire et ce qu'ils ne pourront plus faire, s'ils doivent payer le tunnel...

Ces autres réalisations importantes du PDU, qui sont en train d'être reportées, sont les extensions de lignes de tram (chiffrage : 1,6 MdF soit 244 MEUR) et le réseau intermédiaire des bus et des trolleys (chiffrage : 504 MF soit 76,8 MEUR), directissimes, couloirs bus, rocade centrale de bus...

Le tunnel est un luxe que l'agglomération ne peut plus se payer, ce serait l'organisation du grand gaspillage d'énergie, et d'argent public. Il y a des solutions économiques et écologiques pour diminuer le trafic automobile dans l'agglomération, mais il faut de l'argent pour les promouvoir. Faire le tunnel c'est s'interdire de réussir une politique alternative, car il n'y aura plus assez d'argent pour les investissements lourds dans les transports en commun périurbains, qui sont la seule solution viable à long terme.

Le moment est donc venu de trancher entre deux politiques : l'une, d'essence libérale, qui ne veut déplaire à personne et ne peut donc obtenir des résultats efficaces, l'autre réaliste et volontariste, qui veut construire un avenir vivable dans la cuvette et qui tranche dans les priorités.

La pollution atmosphérique rend malade et tue et cela ne va qu'empirer

La pollution atmosphérique est un risque majeur pour la population de l'agglomération grenobloise (plus de 100 morts prématurés par an).

Les effets mortels de la pollution atmosphérique liée à la circulation automobile sont maintenant admis officiellement, ils sont indiqués dans le projet de Plan de Protection de l'Atmosphère (PPA) élaboré par le préfet.

Contrairement à ce que l'on croyait, il n'y a pas de seuil dans le risque et la pollution de fond induit autant, sinon plus de problèmes que les pics de pollution. L'évolution climatique va amplifier négativement les conséquences dans le futur.

L'essentiel de la pollution urbaine de l'agglomération grenobloise est aujourd'hui due au trafic automobile. Les données de l'agglomération grenobloise, montrent que la pollution n'a pas diminué contrairement aux engagements pris par le Plan de déplacements urbains (PDU) et aux objectifs fixés par la législation.

Le PDU actuel est insuffisant, il doit être repensé

Le PDU de Grenoble a été fondé sur des idées justes : ne pas augmenter l'offre de voirie et libérer de la surface de voirie pour les transports en commun en site propre, mais il a été beaucoup trop optimiste sur l'évolution de la circulation automobile. Déjà il violait la loi sur l'air en ne prévoyant pas de diminution du trafic automobile. Il s'avère que les nouvelles données des déplacements montrent une dérive inquiétante et le PDU n'a pas pris les décisions suffisantes. Il prévoyait une diminution de 50% de la pollution en limitant l'augmentation du trafic et en tablant sur le fait que les progrès technologiques feraient le reste, or ces spéculations sont fausses. L'augmentation du trafic automobile en interne à l'agglomération dément toutes les prévisions. Il était prévu une stabilisation puis une légère diminution de ce trafic, au contraire il est en forte augmentation : 1992 : 675 000, 2002 : 820 000 (objectif 2010 du PDU = 615 000 !). Et les trafics d'échange et de transit évoluent aussi fortement. Les voitures neuves ne polluent pas moins car le progrès technologique est effacé par la course à la puissance, à la climatisation...

L'évolution climatique va amplifier les conséquences de la pollution, il faut donc renforcer les mesures prises pour les alternatives à la voiture.

Le programme transports public prend du retard à cause du manque de financements, La Métro et le Conseil Général ne versent pas assez d'argent au SMTC et en plus le nouveau gouvernement diminue ses subventions.

Comment diminuer le trafic automobile dans la cuvette ?

Le développement des transports publics est une politique qui marche à condition d'en payer le prix. Grenoble est la seule agglomération française où l'évolution des déplacements en transports en commun est si forte depuis quelques années :

Nombre de déplacements en transports en commun (SEMITAG) :

Ceci est dû à l'amélioration du réseau et à la politique de tarification. Il ne faut surtout pas diminuer l'effort.

Pour les déplacements dans le coeur dense de l'agglomération, il faut poursuivre sans retard les mesures prévues : la 3ème ligne de tram, le réseau de bus (notamment en site propre) et l'usage du vélo.

La politique du stationnement actuelle doit être renforcée (priorité aux résidents, diminution de l'offre de place pour les pendulaires...), et le développement accéléré des zones 30.

Malheureusement le SMTC, pour des raisons financières, est en train de ralentir cet effort : abandon des trolleybus, ralentissement des investissements, augmentation des tarifs...

Mais le problème le plus urgent reste le déplacement des pendulaires (trajet domicile travail entre la périphérie et le centre de l'agglomération).

Il est dramatique de voir chaque matin et chaque soir, un flot ininterrompu de voitures coincées dans les embouteillages avec une seule personne à bord : perte de temps, d'énergie, accroissement de la pollution. Il suffirait de diminuer de 10 à 20 % le nombre de véhicules pour atteindre une situation plus satisfaisante.

L'agglomération à une géographie propice à des solutions innovantes. Elle s'étale seulement dans 3 vallées, il y a donc une concentration naturelle des pendulaires sur seulement trois axes.

Sans porter atteinte à la liberté de circuler, il faut équiper ces vallées de moyens de transports en communs rapides et inciter à les prendre par une tarification adaptée et une infrastructure de parkings relais bien plus importante que ce qui est proposé actuellement. Il faut prolonger des lignes de tram, créer de nouvelles lignes de tram, le tram-train, des lignes de bus en site propre... Il s'agit d'investissements lourds car il faut des moyens rapides et de grande capacité si on veut que les gens changent d'habitude.

Au lieu de payer des études très chères sur le tunnel, on ferait mieux de payer les études pour les prolongements des trams vers Moirans et Crolles et étudier le tram-train, notamment vers le sud.

Développons toutes les solutions comme le co-voiturage, les taxis collectifs, le travail à domicile, le télé travail...

Les solutions existent, il ne manque que l'argent : La Métro et le Conseil Général doivent impérativement augmenter leurs versements au SMTC de 10% par an, sinon c'est l'échec programmé du PDU et l'asphyxie dans la cuvette. Il faut trouver des financements pour prolonger les lignes au delà du périmètre du SMTC. Il faut aussi que l'Etat subventionne normalement les investissements dans les transports en commun.

Arrêtons les mensonges et les manipulations

Depuis le début des réflexions sur le PDU, la question financière est taboue : mensonge sur les vrais coûts (6 milliards de francs en 1999), alors que le coût actuel se chiffre au minimum à 12 milliards de francs. Les décideurs refusent de faire la clarté et minimisent sciemment les coûts afin de faire croire que tout est possible et surtout ne pas dire qui va payer le tunnel.

On cache les études de circulation, pour ne pas montrer l'inutilité globale du tunnel.

On fait voter dans le PDU le principe irréaliste d'une rocade, gratuite, souterraine avec traitement des fumées et ensuite on propose une rocade qui sera payante, en partie aérienne, sans traitement des fumées...

Le PDU prévoyait sa réalisation en deux phases :

Donc, la décision définitive de réalisation du tunnel ne devrait être prise qu'après évaluation des résultats de la première phase, c'est à dire, suite aux retards de la 3ème ligne de tram, pas avant 2007, alors que les lobbies routiers veulent la prendre maintenant, sans connaissances précises sur l'impact d'un projet qui aura des conséquences pour toute la région pendant des dizaines d'années.

Le 5 juillet 2002, La Métro vote le programme des études d'avant projet sommaire (APS) de la rocade nord proposé par l'Etat. Sans rien dire, la DDE le 24 juillet 2002, change le contenu des études, elle a lancé des marchés de définition en préalable à l'APS qui portent uniquement sur la partie nord ouest de la rocade (coté presqu'île scientifique).

Il va donc manquer des études précises notamment sur la modélisation du trafic de l'ensemble de l'agglomération avec ou sans la rocade (avec mise en service des prolongement des trams, du tram train). C'est évidemment fondamental .

Les coûts ne seront expertisés que sur la portion d'étude (presqu'île scientifique). La partie en tunnel, la plus chère, ne restera qu'au stade de l'estimation, d'où la porte ouverte à tous les dérapages de coûts ultérieurs.

Le traitement des gaz ne fait pas partie de ces études alors qu'il devra être traité dans l'APS. De même pour le bruit, rien de précis n'est prévu dans le marché de définition.

La tactique actuelle des décideurs est de faire la rocade en deux temps.

Premier temps : le plus rapidement possible (d'où la manoeuvre des marchés de définition ci-dessus), faire la partie aérienne et en tranchée couverte de St Martin le Vinoux à la A480, car il reste de l'argent à la région pour la financer, cette partie ne pouvant pas être à péage. Si possible avant 2007, pour montrer aux électeurs que les choses avancent... Ce barreau ne servira à rien vis à vis des problèmes de circulation globaux et il coûtera au minimum 500 MF.

Deuxième étape, le tunnel, qui ne se fera qu'à péage, car les collectivités et l'Etat ne voudront pas le payer et qui sera renvoyé à un avenir plus lointain.

Le 11 juillet 2003, sans avoir le moindre dossier de synthèse, les élus de la Métro à l'exception des élus écologistes ont tous votés pour une rocade nord en contradiction avec ce que prévoyait le PDU, puisqu'ils ont exclu la solution souterraine et le traitement des fumées et accepté la réalisation en deux temps.

Conclusion, les élus vont encore se prononcer sur des dossiers incomplets, saucissonnés et faussés et la population va être appelée à faire de même. Maintenant le Conseil Général sort du chapeau un nouveau projet de tunnel moins cher (le projet Cumin) et décide de payer de nouvelles études sur cette proposition d'un autre age.

Conclusion

Les écologistes et leurs élus, ont, dès le début des réflexions sur le PDU, indiqué que les principes sur lesquels se fondait le PDU étaient bons mais qu'il ne serait pas possible à la fois de payer les mesures justes pour les transports en commun et les investissements lourds pour la voiture et qu'il fallait choisir.

Maintenant on sait que même le seul programme des transports en commun est retardé car les collectivités n'arrivent pas à le payer. Les finances du SMTC et de la Métro vont dans le rouge.

La situation devient d'autant plus grave que l'Etat se désengage en diminuant ses subventions aux transports en commun (notamment la 3ème ligne de tram), conséquence de la politique ultra-libérale de Chirac-Raffarin, Villepin, Sarkozy.

Associer les habitants à la réflexion et à la définition des priorités c'est bien, à condition qu'ils aient l'information suffisante pour donner leur point de vue et qu'on pose les bonnes questions.

Actuellement, c'est la propagande et les mensonges qui dominent. L'information correcte est cachée.

Pour que la consultation des habitants (promise en 2001) ait un sens, il faut évidemment que toutes les informations soient données en termes de financement (les coûts et qui va payer), d'impacts sur les déplacements, sur la pollution atmosphérique... afin que les habitants puissent donner un avis en connaissance de cause. Actuellement il manque des données essentielles sur tous ces points.

La date limite de révision du PDU selon la loi SRU est repoussée jusqu'au 2 juillet 2006 (loi 2003-590 du 2 juillet 2003).

Les partis traditionnels et leurs élus, pour des raisons purement électoralistes, poursuivent le projet de rocade nord en camouflant les éléments essentiels du débat.

La grande tromperie est en marche, tout le monde sait que si le tunnel se fait, il sera à péage, mais personne n'ose le dire de peur de perdre des voix.

Malheureusement, les coutumes et le droit dans notre démocratie, n'obligent pas les élus à prouver que leurs décisions sont finançables, le dernier exemple à cet égard est la loi sur les retraites : tout le monde sait qu'elle n'est pas financée, mais tant pis, on fonce quand même.

Les élus à la Métro et au SMTC s'apprêtent à faire de même en ce qui concerne le tunnel : fermons les yeux et fonçons, demain sera un autre jour !

Nous ne marchons pas dans ces pratiques politiciennes. Faire de la politique autrement c'est d'abord dire clairement les choix et comment on va les financer. A force de prendre les habitants pour des imbéciles, on renforce le dégoût de la politique et on favorise l'abstention, l'extrême droite et les bateleurs de foire à la Carignon.