Conseil municipal du 20 décembre 1999

Vote du budget primitif 2000 - L'ADES s'abstient

Intervention de Pierre Kermen, président du groupe des élus ADES


1- Vérifier nos orientations politiques de 1995
2- Notre méthode commune : l'unité budgétaire - Budget principal et budgets annexes
3- Les grands choix du BP 2000
Pour le personnel des services publics municipaux
Pour le grand programme de petits travaux
Contre la reprise de la dérive de l'endettement
Annexe : document sur l'endettement total de la ville de Grenoble

Monsieur le Maire, mes chers collègues,

Tout d'abord, Monsieur le secrétaire général, Madame et messieurs les secrétaires généraux adjoint des finances et du personnel, veuillez s'il vous plaît transmettre, de la part de notre groupe, les remerciements aux personnels qui ont répondu à certaines de nos questions, mais pas à toutes, et cela jusqu'à aujourd'hui même.

On ne peut pas aborder le budget d'une ville comme Grenoble, qui dépasse le milliard de Francs, en quelques minutes, alors que les documents n'ont été communiqués aux élus qui le souhaitaient que ce vendredi (nota : le vote avait lieu le lundi suivant).

Comment les élus de l'ADES ont abordé ce BP 2000 ? En proposant, en amendant, et en vérifiant :

1- Vérifier nos orientations politiques de 1995

Pour nous élus de l'ADES il est clair que faire de la politique c'est faire des choix !

Pierre Mendès-France : "Le devoir d'un responsable ne consiste pas à louvoyer, à ménager sans cesse les uns et les autres, en sacrifiant ainsi l'intérêt de la collectivité toute entière. Il exige des choix, des déterminations claires, avec la volonté de s'y tenir dans l'opposition comme au pouvoir". Citation extraite de l'ouvrage collectif du colloque de Grenoble d'une certaine année 1989. Pierre Mendès-France, La morale en Politique. Publié aux PUG.

Si nous siégeons ici, et si nous sommes en situation de décider, c'est qu'une majorité de citoyens nous a choisis en 1995. Au premier tour des élections municipales les écologistes de l'ADES ont présenté une liste en autonomie, distincte de la gauche traditionnelle et au deuxième tour, les habitants de Grenoble ont fait un choix politique clair de changer de majorité et d'assumer notre projet de majorité plurielle, gauche traditionnelle et écologiste, pour Grenoble et ses habitants.

Nous devons traduire en terme budgétaire les choix politiques de la population. Quels sont-ils ?

Cinq objectifs particuliers ont fondé dès 1995 notre majorité :

  1. Redonner son sens au service public municipal du service aux habitants par l'augmentation des moyens en personnels des services.
  2. Développer une politique solidaire en faveur de tous et toutes.
  3. Donner la priorité au grand programme des petits travaux. C'est à dire l'entretien et l'amélioration du patrimoine et des espaces publics de la ville qui est aussi le patrimoine des citoyens, des contribuables et des usagers.
  4. Redonner une marge de manoeuvre financière à la commune d'une part en maîtrisant ses dépenses de fonctionnement en fonction de ses capacités, et d'autre part en préservant ses choix futurs par un désendettement volontaire, je dirais même tenace compte tenu de la situation dont nous avons hérité.
  5. Retrouver un service public de l'eau et de l'assainissement indépendant de la Lyonnaise des eaux dont les contrats étaient issus de la corruption.

2- Notre méthode commune : l'unité budgétaire - Budget principal et budgets annexes

Monsieur le Maire, en ne présentant pas simultanément au vote le budget principal et les budgets annexes, vous changez les règles du débat entre nous et avec la population. Et cela nous ne pouvons l'accepter. Des informations sont ainsi, de fait, cachées aux conseillers municipaux.

Pour traduire et contrôler en terme budgétaire nos choix politiques nous avions défini en majorité une méthode mise en place à partir de l'audit financier de la Ville de Grenoble d'octobre 1995 : rompre avec l'opacité de l'équipe précédente qui avait externalisé les activités de la ville en privatisant d'une part certaines activités comme l'eau et l'assainissement, le stationnement..., et d'autre part en sortant du budget principal des activités pour les mettre dans des budgets annexes : restauration, Musée, bourse du travail, Hôtel Lesdiguières, collège Villeneuve et en réalisant un crédit bail sur le parking Schumann pour cacher l'endettement de la ville (cf. annexe).

Les élus écologistes d'opposition avaient dénoncé à cette époque le système Carignon, cette externalisation et en particulier les impôts cachés dans les factures d'eau des Grenoblois.

Cette règle d'unité budgétaire et du budget consolidé nous l'avons établie avec l'Audit confié par délibération du Conseil municipal du 6 juillet 1995 à un comité d'experts sur la base d'un dossier préparé par KPMG et rendu public le 16 octobre 1995. Les règles définies en commun hier, doivent s'appliquer avec la même rigueur aujourd'hui. Or le BP 2000 qui nous est présenté ce soir ne respecte pas les règles de travail majoritaire et même réglementaire que nous avions décidées et appliquées en 1995.

Pourtant lors du débat d'orientation budgétaire, le groupe des élus de l'ADES avait clairement indiqué qu'il fallait une présentation globale du budget de la ville de Grenoble c'est à dire du budget principal et des budgets annexes. Cette exigence de transparence nous l'avions eu en commun en 1995. D'ailleurs permettez-moi de citer page 6 l'audit KPMG sur lequel l'adjoint aux finances s'était appuyé pour critiquer à juste titre la gestion irrégulière de la majorité précédente :

"Le principe de l'unicité budgétaire exige que l'ensemble des opérations des organismes publics soit retracé au sein d'un document unique". Et ce rapport avait bien retenu pour périmètre le budget principal et les budgets annexes pour mettre en évidence en particulier l'endettement de la ville.

Tous les budgets annexes devaient être sans exception présentés ce soir. Tous devaient être mis au vote ce soir quitte à ce que le budget assainissement qui sera repris par la communauté d'agglomération, seule exception, fasse l'objet d'un second vote en début d'année.

Cette remarque que fait le groupe ADES est particulièrement justifiée. En effet nous avons créé depuis deux ans plusieurs budgets annexes en plus des budgets eaux et assainissement, stationnements, abattoirs : ces nouveaux budgets annexes concernent des opérations très lourdes en investissement comme les locaux culturels avec 45 M.F. en 2000 pour le Cargo (230 M.F. d'autorisations de programme) et les locaux économiques avec la reprise des dettes d'Alpexpo : 68 M.F..

Une fois ce point de désaccord important posé, revenons sur les grands choix de ce budget.

3- Les grands choix du BP 2000

Pour le personnel des services publics municipaux

Nous sommes pour la meilleure prise en compte que fait ce budget de la réalité des besoins en personnel.

Nous avions indiqué le 20 novembre lors du débat d'orientation budgétaire qu'il fallait poursuivre notre politique concernant les services municipaux et le personnel et que la proposition du maire en faveur du budget du personnel de croissance de 3% était insuffisante.

La revendication du personnel pour une prime en direction des bas salaires, c'est à dire une reconnaissance de leur travail, est légitime.

Cependant l'analyse fine de la situation des besoins en personnels dans certains secteurs reste à faire.

Nous devons réfléchir en particulier à l'impact qu'aura le passage en communauté d'agglomération de certaines activités. Nous devons associer les personnels et leurs syndicats à ce travail de réflexion.

Mais ce budget du personnel ne résout pas tous les problèmes loin s'en faut.

Nous nous interrogeons encore sur la capacité de la ville à conduire des redéploiements ? Nous devons encore créer une quinzaine d'emplois mais arrêter le recrutement de certains chargés de mission dont le coût nous apparaît élevé et l'utilité limitée. L'affectation du personnel à des services aux habitants dans les quartiers, dans la proximité, doit rester notre priorité. On peut ainsi s'inquiéter de la perte entre le CA 1995 et le BP 2000 de 83 postes d'agent d'entretien.

Par ailleurs, le coût en personnels dits "de renfort" a cru de 9%, plus vite que le personnel permanent. Près de 2,5 millions sont prévus au BP 2000 pour cela. Nous devons étudier la transformation de certains de ces emplois en emplois fixes.

Nous sommes pour les décisions de la majorité concernant le budget formation du personnel, qui a entendu la revendication de l'ADES pour une augmentation conséquente de 20% . Cela devrait favoriser une meilleure prise en compte de l'importance de l'accueil et de la qualité du service à l'usager, une compétence accrue.

Nous nous interrogeons très fortement sur la réalité du financement prévu pour l'augmentation de la prime des personnels d'un montant de + 4,7MF. Ce financement ressemble plus à un tour de passe-passe qu'à un financement durable. N'oublions pas notre engagement de relever cette prime dès janvier 2001.

Et enfin nous voudrions connaître l'impact de cette prime sur le budget personnel du CCAS.

Pour le grand programme de petits travaux

Nous sommes pour la priorité réaffirmée dans ce budget en direction du quotidien des habitants par la poursuite du grand programme de petits travaux.

Nous sommes pour l'engagement de la Métro et de l'État aux côtés de notre commune dans la politique de la ville et du projet urbain concernant en particulier Teisseire (8,7 M.F.) et Mistral (6,5 M.F.).

Mais s'il vous plaît monsieur le Maire, arrêtez vos déclarations précipitées sur la politique de la ville en l'occurrence l'annonce de l'attribution d'un GPV (grand programme pour la ville) qui serait uniquement pour Grenoble et Saint Martin d'Hères, annonce qui a eu un effet désastreux sur le partenariat des communes qui se construit à la Métro. En vous exprimant de cette façon avec votre collègue maire de St Martin d'Hères vous avez "joué perso" et déstabilisé les autres communes de la Métro qui se sont senties exclues de ce programme et d'une certaine façon vous êtes apparu, monsieur le Maire, en décalage avec l'esprit de la Métro qui construit patiemment et difficilement une nouvelle politique de la ville.

Lors du débat d'orientation budgétaire le groupe ADES a demandé que soit faite une présentation synthétique de la part du budget consacrée au grand programme de petits travaux et celle des grands travaux en évolution depuis les années antérieures jusqu'au projet de budget 2000.

Les élu-e-s de l'ADES sont pour le programme d'investissement en direction des quartiers et des habitants ainsi que les travaux d'accessibilité. Sur ce point de l'accessibilité nous constatons hélas que cette préoccupation n'est pas portée par tous avec la même volonté, la même vigilance, dans le droit commun.

Nous nous interrogeons sur la capacité de la Ville à répondre aux justes demandes des habitants concernant les "zones 30". C'est pourtant une bonne façon d'engager la Ville dans un développement durable.

Contre la reprise de la dérive de l'endettement

Nous sommes pour, en revanche, redonner une marge de manoeuvre financière à la commune par le désendettement et les économies, car sinon l'annuité de la dette et le report sur les budgets futurs renouent avec la fuite en avant des années 89-94.

Nous sommes pour réduire la participation de la ville aux SEM.

Nous sommes contre des immobilisations financières illégitimes :

Nous sommes pour des économies en fonctionnement, comme ces 5 M.F. d'économies dans les fluides grâce à notre action pour la maîtrise de l'énergie qui permet ainsi de contribuer à donner une épargne nette positive.

Hélas nous constatons que le budget que vous présentez monsieur le Maire s'inscrit désormais dans une reprise de la fuite en avant de l'endettement de la ville et cela pour deux raisons auxquelles nous nous opposons.

Tout d'abord nous sommes contre la décision de la majorité de la majorité qui a accepté de payer un chèque de 86 M.F. à la Lyonnaise, via la SEG, pour rompre un contrat pourtant frappé de nullité et qui serait déjà déclaré nul par le juge des contrats si le maire avait suivi les recommandations de l'ADES (voir notre dossier "eau").

Nous nous retrouvons ainsi avec un endettement supplémentaire de 60 M.F. au budget principal et 26 M.F. au Budget annexe de l'eau que vous avez refusé de présenter au vote ce soir.

Pour l'information de la population l'ADES a reconstruit la réalité de l'endettement réel de la Ville de Grenoble, et nous arrivons pour l'année 1999 à l'estimation d' une augmentation de 7,5% d'endettement par rapport à 1998.

Nous sommes opposés à ce que la ville emprunte plus qu'elle ne rembourse en capital.

Le BP 2000 prévoit que la ville empruntera 151,27 M.F. alors qu'elle ne rembourse que 127,12 M.F. soit un endettement supplémentaire de 24 M.F.. Cela a déjà été le cas en 1999 (page 3 doc 0) et c'est ce que nous propose le maire pour les années suivantes.

Nous sommes en accord avec d'autres analyses, en particulier celles de l'Observatoire des finances municipales du CLUQ (lettre du 17 mai 1999) qui, comme nous, démontre le retour de la ville dans la spirale de l'endettement.

Prenons les ratios réglementaires (décret du 27 mars 1993) : une augmentation de 7,38 % de l'encours de la dette par habitants entre 95 et 2000, pour le seul budget principal :

 CA95

 CA 96

 CA 97

 CA98

 BP 99

  BP2000

 10 221

 10 449

 10 490

 10 387

 10 578

 10 976

moyenne nationale de la strate en 1996 = 8000 F, soit un écart de 34% de trop pour Grenoble

Une capacité dynamique de désendettement : 13 ans uniquement pour le budget principal alors qu'il faudrait moins de 10 ans.

Selon nos estimations l'endettement total de la ville (BP + budgets annexes + opération d'aménagement) est de 2.350 M.F., l'épargne brute des budgets annexes est de 26 M.F.. La capacité dynamique de désendettement est donc 2,350 M.F. / (128,36 + 26 M.F. = 154,36) soit plus de 15 ans pour l'endettement total de la ville.

Pour nous cette situation ne relève pas de la maîtrise de l'endettement mais bien au contraire du constat que la ville repart à nouveau à l'endettement.

On ne peut avoir trois discours en l'espace de quatre ans comme l'a fait l'adjoint aux finances :

Cette situation n'est pas acceptable pour l'ADES.

Nous avons l'obligation de maîtriser la dette de la ville pour permettre à la population d'exprimer dans trois ou quatre ans d'autres besoins, d'autres choix. Il faut laisser à la population des possibilités de faire de nouveaux investissements. Avec cette politique d'aujourd'hui la population ne pourra pas satisfaire ses nouveaux besoins.

Le groupe des élus écologistes de l'ADES ne pourra voter pour ce budget primitif 2000

En conclusion nous nous retrouvons hélas dans le scénario annoncé par notre groupe il y a un an.

La ville ne peut à la fois faire face à ses obligations politiques de priorité au quotidien, au grand programme de petits travaux, au désendettement et à un équilibre durable de l'action de la Ville, et en même temps accepter de renflouer la Lyonnaise et s'engager dans des travaux de prestige.

Le maire n'a pas soumis les budgets annexes au vote du conseil municipal de ce soir comme nous l'avions demandé en débat d'orientation budgétaire.

Comme vous le voyez, ce projet que vous présentez comme celui de la maturité n'a pas atteint la majorité.

Pour toutes ces raisons nous ne voterons pas ce budget primitif 2000. Nous nous abstiendrons.


Annexe : document sur l'endettement total de la ville de Grenoble

 en M.F.  déc.98  déc.99 estimé
 BUDGET PRINCIPAL  1 599,00  (1630+60)= 1700,00
 Parking Schuman  165,55  160,78
 CRD Contrat A Station.  86,00  85,15
 Budget stationnement  54,65  55,61
 Budget Abattoirs  20,54  21,09
 Budget culturel    11,26
 Budget locaux Eco.    35,00
 Budget eau  2,82  (2,02+26) = 28,02
 Budget assainissement  15,66  19,40
 Dette garantie Alpexpo C.G.    12,00
 Dette gar. Alpexpo Grenoble    56,95
 Subvention en annuité  40,63  11,23
 Opération d'aménagement  200,60  165,00
 Hôtel Lesdiguières    
 Endettement total de la ville  2185,45  2350,00
 Evolution n-1    7,50%