Conseil Municipal du Lundi 18 octobre 1999- Intervention de Bernard Macret

Comité consultatif des résidents étrangers

Délibération adoptée à l'unanimité


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Monsieur le Maire, chers collègues,

En tant que conseiller municipal délégué à l'immigration et à l'intégration, il me revient l'honneur de présenter cette délibération concernant la création du Conseil consultatif des résidents étrangers.

Avant de vous exposer cette délibération, il m'a semblé important de vous restituer cette démarche dans le contexte politique national.

Il s'agit d'un moment privilégié pour la société française de démontrer sa capacité à intégrer les populations issues de l'immigration durablement implantées, le contexte est favorable, on peut même lire l'intervention de M. Juppé (avec qui je n'ai aucune affinité depuis l'expulsion des sans papiers de l'église Saint Bernard ) qui appelle lui aussi la droite à revoir ses positions sur l'immigration et l'intégration.

La coupe du monde de football a eu un effet important sur l'intégration.

Le moment est venu de poser sereinement la question : quand un étranger réside légalement depuis un certain nombre d'années dans une ville, il est légitime qu'il puisse voter, c'est ce qui se passe dans de nombreux pays européens, comme l'Irlande (1963), la Suède (1975), le Danemark (1981), les Pays Bas (1958), le Royaume Uni (1948) accorde le droit de vote aux citoyens du Commonwealth ; trois autres pays ont fait un premier pas : la Finlande, le Portugal, l'Espagne, il en est aussi question en Allemagne, en Italie. La France sera-t-elle le dernier pays européen à accorder le droit de vote (Autriche, Grèce) ?

Pour bien comprendre le parcours de cette proposition, il m'a paru utile de rappeler que le Maire m'a confié cette délégation en mai 1996. A mon initiative, nous avons constitué un groupe de travail inter-associatif sur les populations issues de l'immigration avec plusieurs commissions de travail, sur la commune et ses compétences en matière d'immigration qui a débouché sur un livret sur les droits des étrangers, un groupe de travail sur les obstacles à l'intégration concernant l'éducation, l'emploi, le logement, un groupe de travail sur la participation démocratique des résidents étrangers à la vie de la cité qui a débouché sur la proposition du conseil consultatif des résidents étrangers.

Avant de rentrer dans le vif de cette délibération, il faut d'abord se mettre d'accord sur les termes de cette proposition.

On ne parle pas des jeunes Français d'origine étrangère qui vivent des discriminations par rapport à l'emploi et l'accès aux droits. On ne parle pas non plus de l'immigration qui fait plutôt référence au déplacement d'un pays d'origine vers un pays d'accueil.

La notion de résident étranger fait appel à la notion de nationalité. Tous les étrangers ne sont pas forcément des immigrés... Certains sont nés en France et gardent la nationalité de leurs parents étrangers. Inversement, les immigrés ne sont pas nécessairement des étrangers, certains d'entre eux étant devenus français après leur installation sur le territoire (recensement de 1990 : 3,6 millions d'étrangers, 4,2 millions d'immigrés).

Venons en à cette délibération.

Comme la plupart des villes industrielles françaises, Grenoble a accueilli depuis plus d'un siècle une importante population immigrée, d'origine étrangère, avec plus de 40 nationalités différentes. Grenoble est une ville cosmopolite, on compte 16 800 étrangers dans notre commune soit 11 % de la population. Ils sont maçons ou professeurs d'université, éboueurs ou scientifiques réputés, écrivains ou épiciers et font la richesse de cette ville.

Affirmer aujourd'hui que les étrangers ont construit le Grenoble d'aujourd'hui n'est pas qu'une simple formule. Ce sont bel et bien des Maghrébins, des Italiens, des Portugais, des Espagnols et bien d'autres qui ont bâti de leurs mains le Palais des sports, l'hôpital, le Village olympique...

On peut saluer l'effort de la municipalité d'Hubert Dubedout qui a fait en sorte qu'ils puissent s'installer dans la ville dans des conditions décentes. On sait aussi ce que notre cité doit aux créateurs aux noms venus d'ailleurs comme Kateb Yacine, Jean-Claude Gallota.

Comment ne pas évoquer le rôle des étrangers dans les tranchées en première ligne pendant la première et la seconde guerre mondiale, le rôle joué pendant la Résistance par les FTP MOI et le groupe Manoukian.

Les droits des étrangers sont reconnus en quasi totalité dans l'entreprise (comités d'entreprises, élections prud'homales), en 1981 ils ont obtenu le droit d'association ; depuis 1982 ils peuvent siéger dans les conseils d'administrations des offices HLM, dans les caisses de sécurité sociale, progressivement , le droit de siéger comme parents d'élève dans les instances scolaires s'étend jusqu'à l'enseignement supérieur.

Depuis le vote de la loi du 25 mai 1998, les ressortissants étrangers de l'union européenne ont le droit de vote aux élections locales.

Cette disposition est une avancée démocratique très importante vers l'égalité des droits, à plusieurs reprises et récemment encore, le parlement européen s'est prononcé en faveur de l'élargissement du droit de vote à tous les résidents étrangers au sein des pays membres de l'union européenne.

Il n'y a pas de démocratie sans égalité des droits.

Comment imaginer qu'il y ait deux catégories d'étrangers, ceux qui ont le droit de vote et les autres ? Cela renforce l'urgence de mettre en oeuvre une instance de dialogue adaptée dans l'attente d'une modification de la Constitution permettant le droit de tous les étrangers aux élections locales.

Sur ce sujet la Ville s'engage, le Conseil d'avril 1999 a décidé d'adhérer à la convention de Barcelone pour les droits de l'Homme dont l'article I précise :

"Nous voulons l'extension du droit de participation politique, le droit de suffrage et la liberté d'association dans le domaine municipal pour tous les citoyens, incluant tous ceux qui, résidant en ville depuis un certain temps, n'ont pas la nationalité de l'État. "

Par ailleurs la Ville met en place des structures de démocratie participative, comme le conseil de démocratie participative et le comité consultatif du secteur 6 avec dans sa composition la participation de résidents étrangers présents dans ces quartiers.

De nombreuses associations de ressortissants étrangers, ainsi que les associations de solidarité manifestent leur intérêt et souhaitent une structure de dialogue avec la municipalité.

Beaucoup veulent cette reconnaissance et souhaitent un espace qui fasse le lien entre les associations et la municipalité.

Beaucoup ont souligné que cette structure éviterait le repli sur soi et l'éclatement des demandes par rapport à la municipalité.

Il est important que cette structure puisse débattre de l'ensemble des questions municipales, emploi, logement, éducation. L'intérêt de cette initiative est aussi d'être représentée dans les différentes instances de démocratie participative de la municipalité.

L'article L 2143-2 du Code général des collectivités territoriales permet de répondre à cette demande.

Cet article précise : "le Conseil Municipal peut créer des comités consultatifs sur tout problème d'intérêt communal, comprenant des personnes qui peuvent ne pas appartenir au conseil, notamment des représentants des associations locales."

Pour toutes cers raisons, il est nécessaire de franchir une étape, de marquer la reconnaissance de tous ceux qui participent à la vie de notre cité en créant le conseil consultatif des résidents étrangers de la Ville de Grenoble.

En conséquence, le conseil municipal décide un conseil consultatif des résidents étrangers ayant pour mission de favoriser la participation démocratique à la vie locale des résidents étrangers.

En conclusion :

Le rapport des étrangers à la politique n'est pas seulement une question spécifique locale, elle concerne la société entière et c'est une question de démocratie, de démocrates.

Tôt ou tard, comme ce fut le cas pour le droit de vote des femmes en 1944, le droit de vote des étrangers s'imposera dans tous les pays démocratiques.

Grenoble a souvent été une ville pionnière en matière de droits de l'Homme, et il serait exemplaire en raison de sa composition qu'elle soit à l'avant-garde des citoyens étrangers sans droit de vote en créant ce CCE.

Je vous remercie.