Conseil Municipal du 20 mars 2000

Une victoire politique pour l'eau - La leçon de Grenoble

Intervention de Pierre Kermen, président du groupe Démocratie, Ecologie, Solidarité

Antoine de Saint Exupéry a dit "Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants". Nous devons à nos enfants de lutter pour que leur soient conservées les richesses que nous leur empruntons. L'eau est une richesse majeure. L'air aussi, que nous devons leur léguer respirable.

Ce 20 mars 2000, le Conseil municipal de Grenoble en décidant le retour du service de l'eau en gestion directe communale, par la création d'une régie à autonomie morale et financière retrouve sa dignité face à l'hégémonie des grands groupes qui espèrent régner en maître face aux citoyens.

Bien entendu, ce soir, certains vont essayer comme ils l'essaient depuis de nombreuses années, de minimiser la portée politique du combat qu'engageaient en 1989 les élus écologistes et alternatifs, un combat tenace dans l'opposition comme dans la majorité, pour faire respecter les engagements pris en 1995 tant par le PS, le PC, GO ou l'ADES devant les électeurs.

C'est une victoire que nous remportons ce soir avec les Grenoblois qui ce sont mobilisés en obligeant la Lyonnaise des Eaux à partir alors qu'elle se félicitait en 1996 d'avoir obtenu la confiance du maire et espérait faire tranquillement des profits importants d'ici à 2014.

C'est un événement d'une grande portée, dont les leçons politiques sont multiples.

Le combat pour l'eau est désormais clairement un combat politique. Notre action ici et maintenant raisonne avec la mobilisation des citoyens qui autour de la Planète ont décidé de combattre pour que l'eau soit considérée comme un droit à la vie, un droit pour tous, un droit humain et social, individuel et collectif et non une marchandise comme une autre comme le soulignait encore hier dans le Monde Danielle Mitterrand. Aujourd'hui un quart de la population mondiale n'a pas accès à de l'eau potable, source de vie irremplaçable. Non, l'eau, comme l'air ne sont pas et ne seront pas à vendre aux capitalistes des grands groupes. Nous n'accepterons pas la logique de la marchandisation, de la privatisation et de l'intégration mondiale de tous les secteurs de l'eau entre les mains de quelques oligopoles.

Le 22 mars, à la Haye, le 2e Forum mondial de l'eau s'apprête à prendre sous les auspices du Conseil Mondial de l'Eau où siègent également les représentants des grands groupes comme Suez-Lyonnaise des Eaux et Vivendi, une décision qui ne reconnaîtra pas l'accès à l'eau comme un droit. Il faut maintenant de la part des citoyens mener la bataille de l'eau comme celle qui a été menée à Seattle contre la mondialisation. Les associations d'usagers de l'eau doivent considérer notre victoire commune comme un encouragement à poursuivre notre lutte.

Le retour en régie du service de l'eau, c'est aussi la victoire du droit sur la corruption. Le maintien de la Lyonnaise Eaux, même par SEM interposée, aurait donné raison aux manoeuvres corruptrices en maintenant des contrats issus de la corruption.

Mais ce soir nous avons encore quelques inquiétudes.

Nous savons que le combat de l'eau n'est pas terminé.

Au nom du groupe ADES je voudrais rendre un hommage particulier à ceux qui ont depuis dix ans tenus avec ténacité à porter nos valeurs et notre combat pour que notre eau sorte de la corruption et retrouve le service public : Raymond Avrillier, Vincent Comparat.

Je voudrais associer également à cet hommage un citoyen, militant de l'association Eau secours qui nous a quitté il y a quelques semaines : Pierre Mas.

Merci de votre attention.