Edito

Le droit, la morale et l'efficacité !

En 1989, la municipalité Carignon, par une délibération du 30 octobre 1989 autorisant le Maire de Grenoble à signer les contrats, privatisait le service des eaux de Grenoble à La Lyonnaise des Eaux. Raymond Avrillier, alors élu écologiste d'opposition, avait déposé un recours devant le Conseil d'Etat pour annuler cette délibération. Celui-ci vient de rendre son jugement (8 ans plus tard ! Félicitations à Raymond Avrillier pour sa persévérance), déclarant le vote de la délibération illégal. Ces contrats n'auraient jamais dû être signés. Le droit et la morale commandent donc de les annuler et l'efficacité de le faire vite car nous avons déjà trop attendu.

Les usagers avaient raison de s'élever contre ces contrats illégaux dus à la corruption, et qui leur imposaient des surfacturations et des doubles facturations illégales. Ils sont en droit d'exiger de se faire rembourser ces malversations du passé, évidemment grandement aidés en ce sens par l'arrêt du Conseil d'État.

Le Maire et la majorité municipale devraient tirer rapidement les conséquences de cet arrêt et faire les démarches pour annuler les contrats. Un accord amiable entre les parties au contrat (la Ville et la SEM 1 , où la Ville est majoritaire) ne devrait pas prendre beaucoup de temps.

Il y a malheureusement un risque que cela ne se fasse pas, pour des raisons qui sont contraires au droit, à la morale et à l'efficacité.

En effet, le Maire, le PS, le PC et GOC 2 ne voudront pas se déjuger. Ils ne voudront pas admettre s'être trompés en 1996 en passant à la va-vite un accord mal ficelé sous la pression de la Lyonnaise qui voulait se protéger de ce qui vient de se passer. Nos collègues ont cru qu'il était possible de trouver rapidement une porte de sortie à cette affaire, que l'avenir allait effacer le passé et qu'il était possible de tourner la page tout en conservant les contrats issus de la corruption. Ils ont choisi l'efficacité à court terme contre l'efficacité à long terme, l'accord avec un grand groupe contre les intérêts des usagers.

On ne construit pas un service public sur des fondations pourries. Il n'y aura pas de solution stable et légitime pour le service public de l'eau à Grenoble, sans l'annulation complète des conséquences de la corruption : c'est ce qu'exige la morale et ce qu'imposera le droit.

Il aura fallu 8 ans pour mettre à terre la délibération de 1989. On peut prévoir que dans quelques années les délibérations de 1996, qui sont attaquées pour annulation, connaîtront le même sort, à moins que, la sagesse l'emportant, les contrats soient d'ici là annulés.

Il ne faut pas vendre des illusions aux Grenoblois. Suite à la création de la SEM de l'eau en 1996 -qui a repris la COGESE 3 , son passé et ses dettes- le coût de la reprise de ces dettes sera supporté soit en totalité (65 M.F.) par les usagers si la SEM continuait  soit pour seulement 7 M.F. par les contribuables (coût de l'immeuble cédé à la SEM par la Ville) si elle disparaissait. A moins que l'annulation de la création de la SEM soit obtenue, et que ce soit la Lyonnaise qui paye en totalité les pots cassés, ce qui ne serait que justice.

L'efficacité, le droit et la morale poussent donc à agir vite.

Si nos collègues de la majorité choisissent le statu quo, oubliant le proverbe latin plein de bon sens : "errare humanum est, perseverare diabolicum", ce sera alors aux citoyens de poursuivre le long combat pour démontrer que ce n'est pas l'argent et la corruption qui doivent l'emporter, et que la défense du service public ne se confond pas avec les intérêts privés.

L'ADES, comme elle s'y est engagée publiquement depuis 8 ans, prendra toutes les initiatives pour effacer complètement les conséquences de la corruption : c'est une question de principe, Grenoble doit servir de leçon en démontrant que l'action politique citoyenne n'est pas vaine, et que le droit et la morale ne sont pas contradictoires en politique.

Vincent Comparat
Le 01-10-1997


1 En 1996, le conseil municipal de Grenoble transformait la COGESE en une société d'économie mixte (SEM) et votait des avenants aux contrats initiaux
2 GOC : Grenoble Objectif Citoyenneté, troisième composante (avec la gauche traditionnelle et l'ADES) de l'actuelle majorité municipale de Grenoble. Seuls les élus de l'ADES avaient voté contre les "nouveaux" contrats de 1996
3 COGESE : société de droit privé, filiale de la Lyonnaise des Eaux, à qui avait été concédé le service des eaux en 1989