Eau : Victoire !
Et après ?

Huit ans après, le Conseil d'Etat a donné raison à Raymond Avrillier 1 : la délibération de privatisation était illégale. Mais les contrats continuent d'exister pour l'instant (c'est une bizarrerie juridique, mais c'est comme çà !).
Que va-t-il se passer maintenant ?

Lire aussi l'édito de ce numéro

Soit la Ville décide que les contrats issus de la corruption sont nuls, soit elle court le risque d'être obligée de le faire par décision de justice. Les Grenoblois auront du mal à comprendre que la décision de privatisation étant annulée, la privatisation (les contrats de délégation) ne le soient pas.

Prospective

Si les contrats sont annulés, quelles seront les conséquences ?

Donc si les contrats sont annulés, tout l'édifice rafistolé en 1996 s'effondre ! Ceux qui ont à l'époque estimé que c'était un bon accord vont-ils essayer de maintenir les contrats, en espérant que le temps fasse son oeuvre et que les usagers se lassent ? Ils développeraient alors l'idée que ces avenants de 1996 ont totalement changé les contrats. A défaut d'être glorieuse, la méthode pourrait être efficace. C'est la politique du fait accompli qui profite des délais extrêmement longs de la justice. Mais il existe des usagers tenaces et organisés, des citoyens qui ont encore quelques principes, on repartira donc pour une nouvelle guérilla politico-judiciaire...

Mauvais comptes

La négociation de 1996 a été mal menée, à tel point que la situation financière de la SEM-SEG est délicate, car la sous-traitance de l'exploitation à la Lyonnaise est rémunérée bien au delà du nécessaire. La SEM aurait dû afficher en 1996 un déficit de 7 M.F., ce qui aurait obligé les actionnaires (dont la Ville) à recapitaliser. Pour échapper à cette extrémité qui aurait été du plus mauvais effet vis à vis des Grenoblois, la SEM a décidé de vite refaire ses comptes pour diminuer ce déficit.

Comme elle ne peut pas toucher à l'exploitation dont le coût est imposé pour 15 ans, le seul poste à sa disposition sont les dépenses de renouvellement des installations de distribution de l'eau potable, c'est-à-dire le patrimoine public.

Elle vient de décider unilatéralement de moins entretenir ce patrimoine que ce qui avait été prévu à l'origine, et donc d'accélérer le vieillissement du réseau d'eau. Cette décision est illégale puisque c'est à la Ville, propriétaire des réseaux, de le décider, et non au fermier !

De plus, les tarifs décidés en 1996 contenaient l'ancien programme de renouvellement. Diminuer ce programme implique donc obligatoirement une diminution des tarifs, les maintenir constituant une augmentation non fondée des tarifs. Encore des manipulations illégales...

Cette décision met en péril la qualité du service public en décidant de moins entretenir le patrimoine, c'est à dire de renvoyer les problèmes sur les générations futures.

La COGESE 4 n'aurait jamais osé le faire ! La gestion de la SEM se traduit par la mise en cause de la qualité du service public lui même, et par une absence coupable de contrôle de la Ville sur le fermier.

Toujours plus

Vous croyez que toutes les bêtises possibles auront été faites ? Eh bien non ! Nous venons d'apprendre que la SEG a décidé de poursuivre les usagers qui ont retenu des sommes sur leurs factures pour protester contre les illégalités des contrats. Nous avons attendus en vain que la COGESE le fasse, c'est la SEG qui enfin va répondre à notre attente. Nous qui voulions absolument que le passé de 1989 à 1995 ne soit pas oublié ! Merci à ceux qui le voulaient de le faire remonter à la surface.

Une chose est certaine, l'absence des élus de l'ADES dans le Conseil d'administration de la SEG se fait cruellement sentir. Souvent, le pluralisme évite de faire des bêtises, et est de toute façon le garant de l'efficacité à long terme.

V. C.
Le 01-10-1997


1 Raymond Avrillier avait déposé son recours auprès du Conseil d'Etat après la privatisation du service des eaux par Carignon
2 SEM-SEG : Société d'économie mixte Société des eaux de Grenoble : 51% Ville, 49% Lyonnaise des Eaux, mise en place par la nouvelle municipalité (les élus de l'ADES ont voté contre ce montage), elle continue la COGESE, filiale de la Lyonnaise
3 SGEA : Société grenobloise de l'eau et de l'assainissement, société privée filiale de la Lyonnaise, à qui la SEG délègue l'exploitation du service des eaux. Ce montage en deux sociétés génère un surcoût pour l'usager
4 COGESE : voir note 2