Les projets de tours doivent être abandonnés !

Publié le 9 juin 2011

Devant les projets de tours qui se multiplient à Grenoble, il est important de faire le point sur leur consommation énergétique, que ce soit en fonctionnement ou lors de leur construction.

Nous renvoyons pour cela à une étude technique de janvier 2009 du cabinet Enertech, spécialiste reconnu en ingénierie énergétique. L’étude complète se trouve à l’adresse suivante : http://www.enertech.fr/docs/Enertech_Tours.pd

En voici quelques extraits qui démontrent que dans une perspective du facteur 4 de production de gaz à effet de serre, il est fortement déconseillé de construire des tours, nous attendons une démonstration contradictoire de la part de leurs partisans. N’oublions pas aussi le prix de revient des bureaux et appartements plus élevé dans une tour.

Sur la dépense d’énergie en fonctionnement

« Le mouvement des « Green towers » a maintenant plus de dix ans. La première tour verte au monde a été la Commerzbank Tower à Frankfort en 1997. Depuis, quelques dizaines de tours vertes ont été érigées avec la volonté, sincère ou non, de faire des bâtiments de haute qualité environnementale, doublée d’un effort sur la consommation d’énergie.

La plus intéressante de ces tours, du point de vue de la consommation d’énergie, est la Post Tower à Bonn (livrée fin 2002), parce qu’elle a été conçue par le meilleur bureau d’études thermiques allemand (Transolar) et que sa conception s’est faite en bonne intelligence entre l’architecte et tous les membres de l’équipe. Il s’agit, comme toutes les tours actuelles, d’un bâtiment de bureaux. C’est aujourd’hui la tour verte la moins consommatrice du monde…

Mais la campagne de mesure faite par Transolar a montré que, par rapport aux prévisions, la consommation réelle était supérieure de 33 % pour le chauffage et de 67 % pour les consommations électriques et s’élevait à 120 kWh/m²Shon/an d’électricité et à 60 kWh/m²Shon/an de chaleur…

Les décisions prises lors du Grenelle de l’Environnement vont poser un problème très sérieux aux tours, quelles qu’elles soient, et aux tours vertes en particulier. En effet, à compter de 2012, tous les bâtiments neufs devront atteindre le niveau de performance du label BBC Effinergie qui impose, pour l’instant, que Cep <= Cepref – 50%. Mais cette manière d’exprimer l’obligation n’est pas satisfaisante, et il n’est pas impossible que l’objectif des bâtiments tertiaires soit, comme pour les logements, exprimé d’une manière intrinsèque. Cette valeur ne pourrait s’écarter trop de la valeur pivot « 50 kWh/m²/an » (exprimée en énergie primaire) pour le chauffage, le rafraîchissement, l’eau chaude sanitaire, l’éclairage et les auxiliaires de chauffage et de ventilation. Cet objectif pourrait aller, selon la zone climatique, de 40 jusqu’à 65 kWhep/m²shon/an.

Or dans la tour verte la plus performante du monde aujourd’hui, la consommation atteinte pour ces seuls usages est de 52 kWh/m²/an d’électricité et 60 kWhep/m²shon/an de chaleur, soit de près de 228 kWh/m²/an d’énergie primaire. C’est à dire 4,5 fois trop….

Mais la seconde décision prise lors du Grenelle est qu’en 2020, tous les bâtiments neufs en France devront être des bâtiments à énergie positive. Ils devront donc commencer par avoir extrêmement peu de besoins…..

Si les dispositions du Grenelle de l’Environnement peuvent paraître excessives à certains, elles n’en restent pas moins les seules mesures à prendre face à l’urgence énergétique et climatique. Dans une interview au journal Le Monde datée du 7/7/2008, le président du GIEC, M. Pachauri, a déclaré qu’il ne restait plus que sept ans pour inverser la courbe mondiale des émissions de gaz à effet de serre, après quoi la machine climatique s’emballera. »

Sur le contenu énergétique d’une tour

« Nous n’avons pas trouvé d’études détaillées sur le contenu énergétique des tours. Mais il est certain que de par leur taille et les sollicitations auxquelles elles sont soumises (charge, vent, etc), les tours consomment beaucoup plus de matériaux au m² que n’importe quel autre type de bâtiment. Et de surcroît, elles consomment plutôt du béton et des aciers, c’est-à-dire, des matériaux à très fort contenu énergétique. Elles sont aussi dotées de réseaux intérieures beaucoup plus denses (électricité, sécurité, courants faibles, circuits de commande, etc). Si on suppose qu’elles mobilisent en moyenne une quantité de matériaux double de celle d’un immeuble de bureaux ordinaire (dont on connaît le contenu énergétique), on pourrait dresser le bilan suivant du contenu énergétique (exprimé en énergie primaire/m²utile) :

  • maison individuelle : 1000 kWh/m²
  • Petit immeuble de bureaux : de 1500 à 2000 kWh/m²
  • Tour : 3 à 4000 kWh/m²

Si on raisonne sur une valeur moyenne de 3500 kWh/m², le contenu énergétique représenterait 18 années de la consommation totale de la tour, sans compter l’entretien et le renouvellement des matériels et matériaux sensiblement plus fréquent dans une tour que dans les autres bâtiments.

On dresse généralement le bilan à 50 ans des bâtiments pour juger de l’impact cumulé du contenu énergétique et des charges d’exploitation. Celui d’une tour très performante (dont la consommation d’électricité tous usages confondus serait de 60 à 80 kWhep/m²utile/an) pourrait se situer autour de 13.500 à 16.500 kWh/m²utile d’énergie primaire. Par comparaison, le bâtiment de bureaux que nous avons récemment présenté à Grenoble avait une consommation sur 50 ans de 2620 kWh/m²utiles, grâce notamment à la compensation de la consommation d’électricité par une production photovoltaïque identique.

Le rapport de consommation entre un projet « urbain » très performant et une tour également très performante est proche de 6, malgré tous les efforts accomplis sur la tour…

On pourra certainement améliorer un peu cette situation en utilisant des matériaux recyclés. Certaines tours vertes l’on déjà fait.

Il semble donc que, malgré toutes les innovations techniques actuellement possibles, une tour soit structurellement très consommatrice en énergie et qu’il soit difficile, voire impossible, d’espérer la voir un jour au niveau des bâtiments de bureaux « urbains » tant l’écart est important… »

« Conclusion

Dans la perspective des nouvelles directives issues du Grenelle de l’Environnement, les tours, fussent elles trois fois plus performantes que les meilleures du monde actuellement, ne pourront jamais satisfaire les exigences réglementaires en vigueur et présenter un niveau de consommation suffisamment bas. Le recours à la production photovoltaïque sur l’ensemble des façades de la tour pourrait un peu améliorer cette situation, mais pas de façon assez significative.

Le contenu énergétique des tours est lui aussi beaucoup plus élevé que celui d’un bâtiment classique, mais on dispose de peu d’éléments précis sur le sujet.

Enfin, la question de la liaison de la tour et du tissu urbain qu’elle drainera est fondamentale. Une tour ne peut qu’être située sur un axe de transports en commun très denses. Faute de quoi les usagers prendront leur voiture, ce qui déséquilibrera définitivement le bilan énergétique. »

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