L’immobilier, une vraie fixation

Publié le 11 février 2012

A l’heure où des pans entiers de l‘appareil de production étaient démantelés, où des salariés allaient grossir les rangs de l’ANPE, l’ancêtre de Pôle Emploi, certains parlaient de reconversion de bassins d’emplois et promettaient une société de services. Il fallait être bien naïf pour les croire, à fortiori quand, aidée par la financiarisation de l’économie et le dumping social entre autres, la production est allée s’égailler sous d’autres cieux.

Curieusement, aujourd’hui, les mêmes, toujours aussi sûrs d’eux appellent à la réindustrialisation du pays. Localement et singulièrement Grenoble intra-muros, n’a pas échappé à cette sorte de fatalité. Merlin-Gerin, Neyrpic, Bouchayer-Viallet, Cémoi, Joya, Lustucru, Valisère etc. ont en des temps et formes différents, disparu du paysage pour ne laisser que leurs noms. En s’éloignant de la ville elles ont mis de la distance avec les salariés et leurs domiciles. Certains diront qu’elles ont emporté avec elles leurs nuisances, d’autres déploreront la perte de nombreux emplois et d’une forte culture ouvrière. Une chose est sûre, cette « évolution » a laissé sur le carreau une grande partie de la population qui, à son tour a déserté la ville pour la banlieue ou la grande région grenobloise. En 2008 selon l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques), les ouvriers représentaient 8,5% de la population grenobloise contre plus de 30% de cadres, professions intellectuelles et professions intermédiaires. Parallèlement les friches industrielles (sauf Cémoi) ont fait le bonheur des promoteurs immobiliers. Il faut cependant saluer une exception !

Avec A. Raymond, née en 1865, connue pour l’invention du bouton-pression, et qui fabrique des fixations et de multiples pièces métalliques ou plastiques. Si elle possède onze usines à l’étranger, elle est également implantée en France, près de Mulhouse, à St Egrève, et Technisud (sud grenoblois), mais surtout, son siège social ainsi qu’une part de sa production sont restés à Grenoble, cours Berriat. Contrairement à d’autres elle n’a jamais prétexté de difficultés d’accès ou des problèmes de logistique pour refuser de se maintenir en ville au cœur d’un quartier encore populaire. Dernière de sa catégorie elle a ainsi administré la preuve et confirmé que le développement d’activités de production en ville est possible. C’est pourquoi, on imagine difficilement les raisons qui pourraient la conduire à partir. En revanche on imagine assez bien qu’un tel site cours Berriat pourrait aiguiser de nombreux appétits en vue d’une opération immobilière de grande ampleur. Voilà qui ferait tomber le dernier bastion et ajouterait à la frénésie bétonneuse qui s’est emparée de Grenoble ces dernières années.

Comme on ne peut décrypter les intentions de la politique menée par la majorité municipale, sous réserve qu’elle en ait une, force est de constater qu’obnubilée par la construction de logements elle nous conduit vers une ville dortoir, surdensifiée, homogène, faite de quartiers uniformes, et d’urbanisme sans âme. En dehors des activités d’« excellence » du projet Presqu’île-Giant mis constamment en avant, aucun projet d’urbanisme initié par la ville ne mentionne la question de l’emploi accessible à tous. Est-ce la ville que veulent les Grenoblois ? Rien n’est moins sûr.

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