Chauffage urbain pour les nuls

Publié le 30 mai 2014

Usine de la CCIAG à la PoterneLe conseil municipal a décidé de commencer à reprendre le dossier du service public du chauffage urbain qui depuis le 1er juillet 2008 est une source de conflit avec les usagers. L’engagement pris par la nouvelle majorité est de définir, enfin, des tarifs justes pour ce service et mettre fin à la gestion déplorable de l’ancienne équipe qui a eu tout faux durant tout le mandat 2008-2014. La nouvelle majorité issue du rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes a pris un engagement très clair sur ce dossier avec les nombreux usagers du chauffage urbain qui se sont engagés dans le rassemblement. L’engagement n° 23 précise que « dès 2014, une baisse des tarifs de la Compagnie de chauffage sera réalisée ». En attendant de redéfinir enfin de justes tarifs, la majorité a décidé, en urgence, le 26 mai, d’organiser un premier remboursement du trop perçu dans les factures (entre le 1er juillet 2008 et le 31 octobre 2011) en indiquant à la CCIAG qu’elle devait provisionner une somme d’environ 5 M€ dès maintenant, pour que ceci puisse se faire dans son exercice 2013/2014 qui se termine le 30 juin 2014.

Voici un article qui fait le point sur ce dossier et permettra à tout un chacun d’en comprendre les enjeux. Pas inutile au vu des oppositions qui ont raconté n’importe quoi lors du conseil municipal du 26 mai.

Le service public du chauffage urbain.

C’est un service public communal qui fait partie des services publics industriels et commerciaux. Conséquence, le service doit être financé par ses usagers et il est interdit (sauf exception) à la commune d’aider à son financement. Ce service passera à la Métro après sa transformation en Métropole. La loi interdit à un tel service de rémunérer des activités étrangères au service (par exemple de rémunérer un footballeur ou une femme de ménage comme le faisait un ancien directeur qui est actuellement conseiller municipal de l’opposition UMP !).

Le même conseiller municipal qui s’autorise à faire des commentaires sur ce dossier, et pour d’autres délibérations devient donneur de leçons plutôt aux femmes d’ailleurs, serait bien avisé d’éviter quelques commentaires, car en ce qui le concerne sur la CCIAG, l’arrogance est à la même hauteur à la capacité d’oubli d’anciens comportements peu recommandables.

La Ville de Grenoble et 5 autres communes (Echirolles, Eybens, St Martin d’Hères, La Tronche, Pont de Claix) ont délégué la gestion de ce service à la Compagnie de Chauffage Intercommunale de l’Agglomération Grenobloise (CCIAG) par des contrats de concession devant prendre fin pour la plupart en 2018. La CCIAG s’occupe donc à la fois de la production de chaleur, de la distribution des investissements dans les réseaux et facture tous les mois aux abonnés une partie fixe (abonnement qui dépend de la puissance de l’installation en kW) et une partie proportionnelle correspondant à la consommation de chaleur (en MWh).

Le contrat de concession a évolué par avenants successifs, depuis 1983 pour la Ville de Grenoble. La loi impose que ce soit aux communes délégantes de fixer les tarifs dans le contrat de concession ou les avenants et que soit précisé les formules d’indexations des tarifs pour tenir compte de l’évolution des composantes du tarif en fonction du temps.

La CCIAG

C’est une société d’économie mixte locale (donc de droit commercial) dont les actionnaires sont : Grenoble 52 %, La Métro 5 %, Echirolles 1% et l’actionnaire privé, Dalkia (filiale de Véolia, ex Générale des Eaux) pour 42 %. Avec une particularité grenobloise, le Directeur général de la CCIAG est salarié de l’actionnaire privé ! La CCIAG est gérée par un Conseil d’Administration où les représentants des collectivités publiques sont majoritaires.

Une des difficultés de ce dossier c’est que la CCIAG a d’autres activités que le chauffage urbain et qu’il est très difficile de savoir dans le détail quelles sont les charges réelles supportées par le service du chauffage urbain.

Les illégalités et irrégularités dans la gestion de ce service :

Jusqu’au 1er juillet 2008 et depuis mars 1983, les tarifs étaient définis non pas par les communes mais par la CCIAG elle-même et le conseil d’Administration décidait de l’évolution des tarifs en fonction du temps. Ceci a fonctionné sans poser trop de problèmes jusqu’en 2004 où une augmentation violente de 11 % des tarifs a fait réagir l’ADES et ses élus. Il a été demandé au maire (M. Destot) d’intervenir auprès de la CCIAG pour revoir cette augmentation, ce qu’il a refusé (il n’a jamais rien refusé à la CCIAG). R. Avrillier en tant qu’administrateur de la CCIAG et l’ADES dont le local est chauffé par le chauffage urbain ont déposé des recours pour contester ces tarifs jugés excessifs.

Le tribunal administratif leur a donné raison, sept ans plus tard (!!!) en juillet 2012. Les tarifs sont irréguliers depuis mars 1983 jusqu’au 1er juillet 2008, au motif que la commune de Grenoble n’a pas exercé sa compétence et a laissé la CCIAG libre de fixer les tarifs aux usagers.

Sachant que la ville allait être sanctionnée, la majorité de l’époque (élue en mars 2008) avec J. Safar à la manœuvre s’est empressée de passer un avenant prenant effet au 1er juillet 2008 et qui fixait les tarifs applicables. Evidemment l’ADES a refait un recours qui a été jugé le 16 janvier 2013 (presque 5 ans après !) et lui donne encore raison. Les tarifs sont illégaux depuis le 1er juillet 2008 jusqu’au 31 octobre 2011. Sachant qu’ils allaient perdre, la majorité (toujours J. Safar à la manœuvre) s’est empressée de faire un nouvel avenant (démarrant le 1er novembre) essayant de corriger les irrégularités dénoncées. Un élu de l’ADES (G. Kuntz) a fait un recours contre cet avenant, non encore jugé. Mais craignant encore de perdre, la majorité a refait (C. Crifo à la manœuvre) un avenant applicable le 1er novembre 2013 juste avant les élections municipales. Cet avenant est attaqué par l’ADES, des élus (H. Sabri et G. Kuntz) et un usager (D. Hermann), un des animateurs du collectif pour un chauffage urbain juste et solidaire.

Pour être complet, signalons qu’un avenant a été passé en 2010 pour changer les formules d’indexation, il a été attaqué par une élue (M. Boileau) et la ville n’a ne s’est même pas défendue contre ce recours qui sera donc gagné. Mais cela n’aura pas de conséquence majeure puisque les mêmes formules ont été reprises dans l’avenant de fin 2011.

Les usagers se mobilisent

Les nouveaux tarifs de juillet 2008 ont entrainé de fortes augmentations et ils ont été imposés sans aucune concertation préalable avec les usagers. Aidés par l’OFiPoPu (Observatoire des Finances et des Politiques Publiques animé par V. Comparat) des copropriétés ont décidé de contester leurs factures du chauffage urbain et de demander le remboursement du trop perçu entre le 1er juillet 2008 et le 31 octobre 2011. Une contestation sur le montant d’une facture d’un service public industriel et commercial doit se faire devant le Tribunal d’Instance ou de Grande Instance (TGI). Sa légalité doit être portée devant la justice administrative. Les copropriétés (représentant environ 2000 usagers) ont donc déposé un recours au TGI demandant à la CCIAG un remboursement d’environ 800 000 €. Pour l’instant la CCIAG se contente de repousser le jugement.

Un collectif d’usagers (pour un chauffage urbain juste et solidaire) regroupant des copropriétés et les locataires usagers du service représentés par les fédérations de locataires (CNL, CLCV, CSF) est intervenu depuis des années auprès des communes pour qu’enfin elles décident d’élaborer des tarifs justes et solidaires pour ce service. Le collectif a participé à des réunions de travail préparant le dernier avenant de fin 2013, mais il n’a jamais pu obtenir des informations précises permettant de savoir qu’elle devait être le juste tarif. Notamment la clarté n’a jamais pu être faite sur la comptabilité analytique de la CCIAG.

Et maintenant que faudrait-il faire ?

Le jugement du Tribunal Administratif du 16 janvier 2013 est très précis et très sévère sur la manière dont la majorité de l’époque (J. Safar à la manœuvre) a défini les tarifs et indique très clairement que la commune doit apporter des justifications très précises sur la composition des charges prises en compte pour la détermination du tarif. Ceci suppose qu’une comptabilité analytique précise et détaillée de la CCIAG soit établie ce qui pour l’instant n’est pas le cas. Avant juillet 2008 la CCIAG avait une comptabilité analytique qui a été critiquée par la Chambre Régionale des Comptes (CRC) car la manière d’affecter les charges indirectes (celles qui sont partagées par plusieurs activités différentes) semblaient mal réalisée. La CCIAG a unilatéralement décidé de changer radicalement l’affectation des charges directes (que la CRC avait jugé correctes) en augmentant de 4 M€ environ les charges directes affectées au chauffage urbain, ce qui lui permettait de justifier un peu mieux les augmentations de tarifs. Mais ceci s’est fait en toute opacité et la CCIAG a toujours refusé de faire la comparaison précise entre les deux méthodes et d’examiner les conséquences sur les charges affectées à ses différentes activités (chauffage, incinération des ordures ménagères, cogénération Poterne, téléalarme, froid, maintenance réseau secondaire). Alors que les autres activités étaient déficitaires, subitement elles sont devenues excédentaires par un coup de baguette magique. Donc tout ce travail reste à faire et notamment la CCIAG devrait réintégrer l’activité cogénération de la Poterne dans le chauffage urbain.

Il y a aussi tout remettre à plat en ce qui concerne les investissements réalisés et programmés. La CCIAG devrait se consacrer en priorité à l’existant plutôt que de vouloir se lancer dans des opérations qui sont plus de prestige que d’intérêt pour le service public, notamment la centrale dite NOR sur le polygone scientifique. La plupart du temps le chauffage urbain n’est pas adapté pour des opérations BBC, des solutions décentralisées étant alors préférables.

En conclusion, la nouvelle majorité doit lancer dès maintenant le travail sur un nouvel avenant au contrat de concession à passer avant la fin de l’année afin de déterminer le juste tarif du service public et ceci avec les autres communes, les usagers et la CCIAG. Il serait temps de mettre un terme à ce feuilleton qui n’a pour intérêt que de démontrer la non volonté (ou l’incompétence) de l’ancienne majorité de traiter correctement ce dossier et comme inconvénient majeur de faire payer trop cher un service public essentiel pour des dizaines de milliers d’habitants qui pour une grande majorité ont des difficultés à payer leurs factures de chauffage. Lorsque ceci sera fait il sera toujours temps d’estimer les surfacturations et de voir comment les indemniser. Les élus devront aussi se pencher sur la gestion future de ce service qui sera devenu intercommunal, une gestion publique directe étant la meilleure solution pour les usagers.

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Un commentaire sur “Chauffage urbain pour les nuls”

  1. […] – Lors du conseil municipal du 26 mai, à propos de la délibération sur le remboursement du trop perçu dans les factures du chauffage urbain, les oppositions ont eu de drôles de propos. Le PS expliquant que c’était grâce à eux et à tout ce qu’ils avaient fait depuis 2008 sur ce dossier que cette délibération pouvait arriver et proposer de rembourser environ 5 M€ aux usagers ! Ce fut une parfaite démonstration de réécriture mensongère de l’histoire par les responsables de l’augmentation trop forte des tarifs au 1er juillet 2008, qui ont mis plus de 3 ans à les diminuer sous la pression des usagers, tarifs jugés illégaux par le Tribunal administratif, et qui ont refusé de rembourser ce trop perçu. Ils auraient pu prendre une telle délibération dès novembre 2011. C’est donc contraints et forcés qu’ils se sont ralliés à la délibération de la majorité. L’opposition de droite n’a rien compris pensant que les 5 M€ étaient déjà provisionnés et donc prévus par la CCIAG. Il va falloir donner des cours de rattrapage pour les deux oppositions, car si ces élus veulent décider en connaissance de cause sur ce dossier ils devront travailler d’arrache pied (voir l’article plus loin : « Chauffage urbain pour les nuls »). […]