Dette toxique, il y a moyen de lutter…

Publié le 15 juin 2012

Le 11 juin 2012 la Chambre Régionale des Comptes (CRC) d’Auvergne, Rhône-Alpes rend public l’avis budgétaire qu’elle a prononcé à la demande du préfet sur la décision de la commune de Sassenage de suspendre le règlement des intérêts d’emprunts toxiques contractés auprès de la banque Dexia. La CRC a considéré que le remboursement des intérêts litigieux n’était pas obligatoire, et qu’à ce titre le budget 2012 de la commune de Sassenage devait être considéré comme équilibré.

Comme quoi la contestation peut payer. Nous redemandons à la Métro de faire de même pour sa dette toxique de 21 M€. Pour plus de précisions, voici le communiqué de la CRC (également en ligne ici)

Les faits :

La commune de Sassenage (11 200 habitants – Isère) a souscrit auprès de la banque Dexia des emprunts structurés, dont deux ont été réaménagés en 2010 et 2011 (l’un étant indexé sur le Franc suisse) dans des conditions qui s’avèrent aujourd’hui particulièrement préjudiciables à la commune.

De 170 000 € par an en moyenne les années précédentes, les intérêts de la dette s’élèvent en 2011 à plus de 660 000 € et certains emprunts ont vu, à cette occasion, leur durée prolongée jusqu’en 2042.

La commune, si elle s’est engagée à rembourser le capital de ces emprunts, refuse d’en régler les intérêts, en ayant pris soin, cependant, d’en inscrire les montants à ses budgets 2011 et 2012 (sans toutefois aller jusqu’à provisionner lesdits montants).

Fin 2011, le maire a intenté une action en justice contre Dexia devant le TGI de Nanterre, sollicitant la nullité des contrats d’emprunt en cause.

La procédure :

Dexia a demandé au préfet de l’Isère de procéder à un mandatement d’office des sommes litigieuses (660 000 € au 31/12/2011), mais ce dernier a préféré, au préalable, saisir la CRC d’Auvergne, Rhône-Alpes, sur un double fondement juridique :

  • l’article L. 1612-15 du CGCT, pour que la juridiction se prononce sur le caractère de « dépenses obligatoires » des intérêts concernés ;
  • l’article L. 1612-5 du CGCT, pour vérification du caractère insincère du budget 2012, les intérêts n’étant pas inscrits au c/66 (charges financières).

L’avis de la chambre :

1)      Sur la notion de dépense obligatoire (article L. 1615-15 du CGCT)

Les intérêts de la dette à payer par une commune figurent au titre des dépenses obligatoires prévues à l’article L. 2321-2 du CGCT (« 30° Les intérêts de la dette et les dépenses de remboursement de la dette en capital »), et ils découlent, en général, d’un contrat d’emprunt, qui engage les deux parties. Ils présentent donc, a priori, le caractère de « dépense obligatoire » au sens de l’article L. 1615-15 du CGCT  (« Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l’acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément décidé »).

Pour autant, dans son avis, la CRC d’Auvergne, Rhône-Alpes a considéré que les intérêts litigieux que la commune de Sassenage refuse de régler à la banque Dexia ne présentaient pas le caractère de « dépense obligatoire ».

Pour ce faire, elle s’est fondée sur une jurisprudence bien établie du Conseil d’Etat, qui dispose, au travers d’un considérant de principe, qu’une« chambre régionale des comptes ne peut constater qu’une dépense est obligatoire pour une commune et mettre celle-ci en demeure de l’inscrire à son budget qu’en ce qui concerne les dettes échues, certaines, liquides, non sérieusement contestées dans leur principe et dans leur montant et découlant de la loi, d’un contrat, d’un délit, d’un quasi-délit ou de toute autre source d’obligations ».

Au cas d’espèce, dans son avis, la chambre, après avoir vérifié la recevabilité de la saisine préfectorale, a, d’abord, constaté que la dette de la commune de Sassenage était échue, certaine et liquide.

Mais elle a, par la suite, considéré qu’elle était sérieusement contestée dans son principe et dans son montant, dans la mesure où la commune avait préalablement réclamé au fond, auprès du juge judiciaire, la nullité même des contrats d’emprunts souscrits auprès de Dexia.

Dès lors, la chambre a rejeté la demande préfectorale d’inscription d’office des intérêts au budget de la commune de Sassenage, « sans (…) s’interroger sur le bien-fondé de la contestation » en cours devant le juge judiciaire, et ce en application de la décision du Conseil d’État n°275167 du 21 mars 2007 – commune de Plestin les Grèves.

2)      Sur l’équilibre du budget 2012 (article L. 1612-5 du CGCT)

Les intérêts non payés par la commune de Sassenage n’étant pas considérés par la chambre comme une « dépense obligatoire » au sens de l’article L. 1612-15 du CGCT, leur non inscription au budget 2012 n’emporte donc pas insincérité du budget, et ne l’affecte pas, par conséquent, de déséquilibre.

Pour la chambre, la circonstance que les intérêts de la dette ne figurent pas au compte 66 « charges financières » du budget 2012, comme le relevait à juste titre le préfet de l’Isère, est sans incidence sur l’équilibre de ce budget, dans la mesure où les crédits nécessaires au paiement des intérêts 2011 et 2012 ont bien été inscrits à la section de fonctionnement dudit budget, nonobstant la circonstance du caractère impropre de cette inscription à un compte 67 (« charges exceptionnelles »).

Dès lors, pour les motifs exposés ci-dessus, la CRC d’Auvergne, Rhône-Alpes a considéré, dans son avis, que :

  • La dépense en cause ne présentait pas le caractère de dépense obligatoire ;
  • Le budget 2012 de la commune de Sassenage devait être regardé comme étant équilibré.

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