L’immigration, un enjeu majeur pour l’Europe et pour la région rurbaine grenobloise

Publié le 6 juillet 2012

Photo GK

Le 18 juin 2012, en préparation de l’assemblée générale de l’ODTI (Observatoire des discriminations et territoires interculturels) du 4 juillet, Claude Jacquier, président directeur général bénévole a lancé l’appel suivant :

Au cours des deux derniers siècles, l’Europe a connu de nombreuses vagues migratoires, émigrants vers d’autres contrées et surtout immigrants en provenance des pays européens, des colonies et d’autres parties du monde. Ce mouvement migratoire a été essentiellement un transfert de population des campagnes vers les villes où l’appareil industriel naissant a bénéficié d’une main d’œuvre toute faite arrivée à l’âge adulte et toute formée aux travaux pénibles et peu rémunérés délaissés par les urbains des vagues successives d’immigration.

Ces mouvements migratoires ont été partout suscités et encouragés par des gouvernements et les employeurs de pays alors en voie de développement périodiquement saignés par des guerres massacrantes. Reconstituer le stock de main d’œuvre corvéable, tel a été le slogan dans nos pays qui avaient fait leur la maxime de Jean Bodin, grand contributeur à l’histoire intellectuelle européenne du 16ème siècle : «Il n’est de richesse que d’hommes». La France de l’après-guerre, celle de de Gaulle et de Michel Debré a caressé le rêve d’une France de 100 millions d’habitants qui serait une France construite sur l’afflux de migrants issus de l’Europe chrétienne et accessoirement de pays ayant adoptés d’autres confessions et d’autres pratiques culturelles.

Aujourd’hui encore, en dépit des préoccupations financières qui occupent au quotidien le devant de la scène des médias, minorant ainsi des préoccupations majeures telles que la crise climatique et énergétique, les phénomènes migratoires sont eux à la une des débats mais, reconnaissons-le de la pire des façons, de manière très régressive sous couvert d’une grande hypocrisie.

En matière économique, les pays européens, tout particulièrement l’Allemagne et dans une moindre mesure la France, ont besoin de cette main d’œuvre immigrée qui ne nécessite pour eux aucun coût d’élevage et de formation pour pourvoir des postes de travail délaissés, pour accessoirement renouveler la demande de biens et services et surtout, pour venir à la rescousse d’une démographie défaillante nécessaire au paiement des pensions. D’ici à 2050, sans recours à l’immigration, l’Allemagne aura perdu 20 millions de sa population. La France comme tous les anciens pays européens coloniaux a quant à elle bénéficié et bénéficie encore largement de cet apport externe. C’est une malhonnêteté intellectuelle, une grande hypocrisie, voire un grand cynisme de ne pas le reconnaître. La question se pose toutefois de savoir comment les pays européens et surtout les régions rurbaines et les villes construiront les conditions de ce vivre ensemble au sein de populations multiculturelles et multiconfessionnelles auxquelles ils auront nécessairement besoin de faire appel. A côté des questions ayant trait au changement climatique et à la crise énergétique, ce défi socio-démographique est d’importance. Il est explosif sur le plan politique. Nous sommes, en ces domaines, confrontés à des enjeux de sécurité collective qui n’ont rien à voir avec ceux qu’ont eu à traiter jusque-là les organismes internationaux spécialisés tels que l’OTAN. Les villes et les régions rurbaines sont placées en première ligne. Les associations de citoyens surtout. Qui s’en soucie ?

Les autorités grenobloises ont toujours eu une attitude ambiguë vis-à-vis des immigrés. A certaines époques, cette réalité a été complètement ignorée et invisibilisée, l’immigré faisant partie du décor d’une ville en plein boom économique, une ressource comme une autre nécessaire pour obtenir des gains de productivité par abaissement des coûts salariaux et de reproduction de la main d’œuvre. A d’autres époques, celle qui a vu naître l’ODTI, au cours de la période Dubedout, l’immigré a été reconnu comme un être humain devant disposer de tous les droits attachés à la personne humaine. Une véritable politique d’accueil et d’intégration a été esquissée. Malgré tout, et sans doute encore plus aujourd’hui qu’alors, il y a plusieurs catégories d’immigrés, ceux dont l’économie a besoin et les autres, ceux du Nord et ceux du Sud pourrait-on dire, à tel point que certains responsables sont surpris, ici, que l’on puisse qualifier d’immigrés, ces élites souvent scientifiques venues d’ailleurs. Comme les générations précédentes, ces immigrés se sont installés, ils ont fait «souche» dirait la droite extrême si elle n’était pas obnubilée par sa quête de boucs émissaires. Les générations nées de ces vagues migratoires sont françaises. Elles contribuent à produire de nouvelles identités françaises qui ne sont, notons-le, que le strict reflet des efforts qui ont été consacrés à leur faire une place dans la société. Ces identités sont la résultante de «cet être et de ce vivre ensemble» que ces «nous» et ces «eux» ont coproduit.

L’ODTI a contribué à faire que cet être et ce vivre ensemble aient une réalité. Il ne l’a pas fait tout seul et il souhaiterait qu’aujourd’hui soient trouvés les orientations et moyens de poursuivre et d’approfondir en l’amplifiant ce projet. Les conditions pour le faire sont de plus en plus difficiles et les enjeux sont chaque jour, avec la crise, plus considérables. Autant de raisons d’y consacrer notre énergie car il n’y a pas d’autre voie. Il nous faut faire avec !

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