Les maires de France : entre résignation et incertitude

Publié le 23 novembre 2018

A l’occasion du congrès de l’association des maires de France (AMF), qui vient de se dérouler, a été présenté les résultats d’une enquête mesurant l’état de l’opinion des maires sur leur mandat. Cette enquête est la première action de « l’observatoire de la démocratie de proximité » créé par l’AMF en partenariat avec le CEVIPOF qui est le Centre de recherches politiques de Sciences Po (associé au CNRS), observatoire qui a vocation à agir jusqu’aux municipales de 2020.

« Le CEVIPOF a mené une enquête en ligne auprès de l’ensemble des maires de France pour dresser leurs portraits, pour connaître les trajectoires de celles et ceux qui occupent cette fonction, pour mieux appréhender leurs difficultés, et pour comprendre l’évolution de la représentation politique au niveau local. Pilier de la démocratie locale, le maire bénéficie encore aujourd’hui du niveau de confiance le plus élevé (parmi tous les élus) de la part des citoyens. Toutefois, ce capital de confiance ne doit pas dissimuler la mise sous tension du maire dans son environnement quotidien l’obligeant à une grande capacité d’adaptation pour ne pas sombrer dans la résignation. »

Il ressort de l’enquête qu’un maire sur deux ne compte pas se représenter en 2020, surtout dans les petites communes où 55 % des maires le déclare.

« En 2014, 60 % des maires sortants ont été réélus. Quatre ans plus tard et un an et demi avant les prochaines élections, ils sont déjà 49 % à vouloir « abandonner tout mandat électif ». Un tel renouvellement traduirait certes une vitalité de la démocratie locale mais il met aussi en exergue une certaine crise des vocations. Derrière ce chiffre se dissimulent des situations très contrastées selon la taille de la commune, l’âge du maire, son ancienneté électorale ou encore la perception du sens politique donné à son action locale. Ainsi, les maires des communes de moins de 500 habitants sont 55 % à envisager l’abandon de leur mandat, contre 28 % pour les maires des communes de 5 à 10 000 habitants et 9 % pour ceux des communes de plus de 30 000 habitants »

Les raisons avancées par les maires : la plus fréquente traduit l’engagement considérable que représente la fonction de maire. 71 % des maires qui ne veulent pas se représenter invoquent la volonté de privilégier leur vie personnelle et familiale. Un peu plus de la moitié disent avoir l’impression d’avoir fait leur devoir civique, tandis qu’un tiers mettent aussi en avant le manque de moyens financiers. 36 % des maires en situation d’abandonner leur mandat estiment aussi ne plus arriver à satisfaire les besoins de leurs administrés.

Ce qui est le plus inquiétant pour l’institution municipale c’est l’évolution de la conception qu’en ont les citoyens. Les maires déplorent une relation de plus en plus individualiste entre le citoyen et son représentant municipal, les citoyens ayant souvent une relation consumériste vis-à-vis du maire, entre citoyen contribuable et maire fournisseur de services.

Sur l’intercommunalité : « Il n’est donc pas surprenant que les maires entretiennent une relation méfiante vis-à-vis des intercommunalités auxquelles leur commune est rattachée. Près de 80 % d’entre eux considèrent que l’intercommunalité a beaucoup d’influence sur leur commune alors qu’ils ne sont que 25 % à penser que leur commune exerce une influence sur l’intercommunalité. Cette relation asymétrique met en exergue la perte d’autonomie ressentie et vécue par plusieurs maires qui ont été élus sur des projets de transformation et d’amélioration du cadre de vie quotidien et qui ont l’impression d’être relégués aux fonctions d’officier d’état civil. D’ailleurs près de 10 % des sources d’insatisfaction des maires, révélées par des questions ouvertes dans l’enquête, concernent les enjeux liés à l’intercommunalité. Il ne fait aucun doute que les maires perçoivent de plus en plus une décentralisation fonctionnelle qui les conduit à devenir des exécutants, des agents de mise en œuvre de politiques définies au plan national…

Une République de moins en moins décentralisée : Les tensions actuelles entre l’exécutif national et les collectivités territoriales font écho aux traumatismes vécus par plusieurs maires en matière de recentralisation financière mais aussi en termes d’effets de réformes précédemment adoptées ou d’annonces autour de la suppression de la taxe d’habitation…

Même si la recentralisation ressentie de l’action communale ne se traduit pas par le transfert de compétences communales à l’État central mais résulte plutôt des contraintes budgétaires installées dans la durée, la perception par les maires d’une perte d’autonomie soulève un enjeu de taille : la République décentralisée des territoires est en panne alors que les maires restent les représentants politiques bénéficiant du niveau de confiance le plus élevé de la part des Français. »

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