Tarification sociale de l’eau, un rapport parlementaire

Publié le 4 mars 2022

Depuis l’expérimentation autorisée par la loi Brottes et sa mise en place permanente, de nombreux gestionnaires des services de l’eau et de l’assainissement ont mis en place des formes diverses de tarification sociale.

A la Métro, le choix a été fait de la simplicité et de l’efficacité en mettant en place un chèque eau automatique pour tout dépassement de la facture d’eau et d’assainissement de plus de 3% du revenu du ménage pour les ménages gérés par la Caisse d’allocations familiales (CAF). C’est la SPL Eau de Grenoble Alpes qui effectue, en relation avec la CAF, le calcul du chèque et son envoi à environ 9000 ménages chaque année.

Comme il y a de très nombreux usagers du service public de l’eau et de l’assainissement qui ne sont pas des abonnés au service car habitant dans des immeubles où il n’y a qu’un compteur général du service public, ils ne reçoivent pas de factures. C’est le bailleur qui reçoit la facture et récupère auprès des ménages dans les charges le montant estimé par des compteurs privés. Cette répartition interne à l’immeuble n’est pas connue du service public.

Pour contourner cette difficulté, la régie métropolitaine a décidé d’affecter une consommation théorique aux ménages fonction du nombre de personnes composant le ménage. La CAF connait à la fois les revenus et la composition du ménage, la détermination des ménages dépassant le seuil de 3% est simple et l’envoi du chèque au ménage est simple et rapide.

Ce système est efficace et peu coûteux contrairement à d’autres systèmes mis en place dans d’autres intercommunalités. Cependant il laisse de côté les ménages inconnus de la CAF. La régie métropolitaine recherche une solution d’élargissement de la tarification sociale à ces ménages.

Une mission (flash) de l’Assemblée nationale vient de rendre un rapport sur le « bilan de l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau. »

Sur un point elle se trompe en privilégiant une tarification progressive qui pousserait à économiser l’eau. Or, une telle mesure ne peut être mise en place que si tous les ménages reçoivent individuellement une facture du service public. Toutefois de nombreux bailleurs publics et privés font le choix d’implanter un compteur général dans les immeubles de logements pour diminuer la charge à l’usager ce qui ne permet pas l’accès réel à la consommation individuelle des ménages. Sur le territoire métropolitain un très grand nombre d’usagers ne sont pas directement abonnés au service public, ce qui ne permet pas de relation directe entre le service et l’usager.

Mais ces propositions soi-disant environnementales, sont en réalité des relais des pressions des grands groupes privés concessionnaires de services publics qui demandent des équipements de compteurs généralisés et qui se concentrent sur les usagers domestiques mais surtout pas sur les usagers industriels pour qui la fourniture d’eau en gros est laissée à la logique du marché.

En outre parmi les gros usagers de l’eau potable il y a aussi bien la famille nombreuse et ses nombreux usages ménagers, sanitaires et domestiques, ou la piscine d’un autre ménage…

La mission fait des propositions d’amélioration de la tarification sociale, pour éliminer les freins qui empêchent sa généralisation, notamment en facilitant le transfert des données de la part des administrations sociales :

« Lors du lancement de l’expérimentation, les services de la CNIL ont été saisis par des collectivités, des agences de l’eau et des organismes sociaux de demandes de conseils aussi nombreux que divers. En effet, l’instruction du Gouvernement du 4 mars 2014 définissant la procédure à suivre ne contenait pas d’indications relatives aux modalités de prise en compte des dispositions de la loi dite « Informatique et Libertés ».

Or, huit ans plus tard, aucune mesure réglementaire n’a été prise afin d’apporter des réponses claires quant aux conditions et aux modalités de transmission de données personnelles entre les différents intervenants.

Il n’existe pas d’obstacles juridiques aux transferts de données dans la mesure où, par principe, le RGPD n’interdit ni les échanges de données, ni les croisements de fichiers qui répondraient à une mission de service public. Pour autant, le cadre juridique est complexe et manque de précisions. Selon les dernières informations transmises par la direction de l’eau et de la biodiversité, un projet de décret en Conseil d’État est en cours d’élaboration. Ce projet de réglementation est très attendu. Il devra définir précisément la liste des données personnelles pouvant être transmises aux SPEA (service public de l’eau et de l’assainissement) ainsi que les modalités de mise à disposition des informations. Au-delà des transferts de données par les CPAM et les CAF, une coopération avec les CCAS est tout autant indispensable, la connaissance globale des ménages en difficulté ne pouvant être appréhendée directement par les SPEA. »

Le rapport propose de garantir un accès à l’eau aux personnes non raccordées.

« L’accès à l’eau concerne non seulement l’eau potable, mais également l’eau nécessaire à l’hygiène, via l’accès à des infrastructures (fontaines, douches et toilettes publiques…). L’eau gratuite est alors une nécessité pour permettre aux personnes en situation de grande exclusion de retrouver un minimum de dignité. La transposition de l’article 16 de la directive « eau potable » du 16 décembre 2020 5 ouvre la voie au déploiement de mesures pour l’accès à l’eau des personnes non raccordées, tout en soulevant plusieurs questions.

La première est celle de la nécessaire clarification des rôles et des compétences. En effet, les collectivités territoriales ne sont aujourd’hui responsables que des personnes raccordées. Si les SPEA pourraient apporter leurs concours, notamment en ne facturant pas les consommations d’eau et le service de l’assainissement pour les équipements à caractère social, ils restent très réservés sur la prise en charge de la gestion de ces équipements et sur l’accueil des bénéficiaires, qui relèvent de compétences sociales dont ils ne disposent pas. Cette problématique est particulièrement tenace dans les collectivités d’outre-mer, qui ne disposent pas encore de la compétence de droit commun en matière d’eau et d’assainissement, et alors même que l’habitat informel y est important.

L’article 16 de la directive prévoit par ailleurs d’identifier et de dénombrer les personnes n’ayant pas accès à l’eau, ce qui suppose au préalable de définir la notion d’accès à l’eau. La mise en place des schémas directeurs d’alimentation en eau potable parait une solution simple mais adaptée pour répondre à cette question

5 Directive (UE) n° 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. »

Pour accéder au rapport de la mission : assemblee-nationale.fr

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