Méfions-nous des donneurs de leçons qui oublient la déontologie la plus élémentaire

Publié le 26 mars 2021

M. Patrick Lévy avait bien caché son jeu. Candidat aux élections municipales de Grenoble sur la liste de O. Noblecourt en tant qu’universitaire, ancien président de l’université de Grenoble, il s’est empressé de démissionner du conseil municipal, car une personne de son rang ne pouvait supporter d’être dans l’opposition. Mais avec d’autres universitaires, il s’est permis, es-qualité et en violant les règles universitaires, d’utiliser ses titres universitaires pour participer à une attaque politicienne et de campagne électorale contre la majorité grenobloise sur le site d’une Fondation en portant atteinte à la déontologie qui s’impose aux universitaires, en cachant un conflit d’intérêt évident.

Et voilà que les autorités officielles de contrôle nous révèlent d’autres manquements importants à la déontologie universitaire notamment commis par M. Patrick Lévy lorsqu’il était président de l’Université Grenoble Alpes (UGA), qui viennent d’être sanctionnés par le tribunal administratif de Grenoble par un jugement du 25 février 2021, obtenu par un universitaire, après plus de quatre ans d’instruction par la justice. Ces violations répétées de la déontologie universitaire de la part de M. Patrick Lévy n’ont pas fait l’objet de publicité à l’extérieur de l’université, et n’ont évidemment pas été relayés par les comités de soutien de politiques dont il faisait partie, ni par la Fondation UGA qu’il préside.

Un article du Monde du 24 mars 2021 résume l’affaire :

Le tribunal a annulé une procédure de 2016 de l’université Grenoble-Alpes (UGA). Elle portait sur la sélection de projets de recherche par appel d’offres local, dans le cadre du dispositif Initiatives d’excellence (IDEX), pour un montant de 20 millions d’euros sur quatre ans. Les juges relèvent des irrégularités dans le déroulement du concours et le non-respect des règles fixées pour celui-ci. En toile de fond, des manquements déontologiques, des conflits d’intérêts et la négation de ces problèmes par l’université…

Le 8 décembre 2016, Philippe Cinquin, professeur et praticien hospitalier reconnu de l’université, est auditionné pour son projet dans le cadre de cet appel d’offres. Il découvre avec surprise que le premier à lui poser des questions est Patrick Lévy, alors président de l’UGA et coordinateur de l’IDEX, dont aucun texte ne prévoyait la présence au sein de cette commission d’évaluation mise sur pied pour l’occasion.

En outre, deux heures plus tôt, un autre projet a été auditionné, porté par Jean-Louis Pépin, dont le principal coauteur scientifique depuis 1989 n’est autre que… Patrick Lévy, qui procède à son audition. Ensemble, les deux hommes ont cosigné plus de 200 articles, lettres ou éditoriaux.

Le 19 décembre 2016, le projet de Philippe Cinquin n’est pas retenu, contrairement à celui de son concurrent. C’est cette décision que le tribunal annule… »

Un conflit d’intérêts patent et sanctionné par la justice

Le tribunal décrit dans le détail les conflits d’intérêts qui se sont produits à l’université notamment par P. Lévy alors président de la COMUE UGA :

« Le 19 décembre 2016, le comité de pilotage de l’Idex a validé les sept projets proposés par la commission ad hoc, dont ne faisait pas partie celui de M. Cinquin, le huitième projet ayant été rejeté pour des raisons budgétaires. M. Cinquin a alors demandé au conseil académique de la COMUE UGA de donner son appréciation sur la procédure de sélection suivie par l’Idex, et celui-ci, dans sa séance du 13 février 2017, s’est prononcé en faveur de la régularité de la procédure suivie et de la validité des résultats. Le 3 avril 2017, M. Cinquin a demandé au président de la COMUE UGA l’annulation des décisions prises dans le cadre de l’appel à projets scientifiques et à ce que la procédure de sélection soit entièrement reprise, ce que ce dernier a refusé par un courrier du 16 juin 2017…. »

« Sur les conclusions à fins d’annulation et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

8. Si l’administration peut librement organiser une procédure de mise en concurrence, tel un appel à projets scientifiques, alors même qu’aucun texte ne le lui impose, elle est ensuite tenue de respecter les règles qu’elle a elle-même instituées. A cet égard, un vice affectant le déroulement de cette procédure n’est cependant de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s’il a privé le ou les intéressés d’une garantie.

9. Les requérants invoquent l’irrégularité de la composition de la commission ad hoc en faisant valoir que le président de la COMUE UGA y a siégé à alors qu’il n’en était pas membre.

A l’appui de leur moyen, ils précisent que l’appel à projet lancé le 1er avril 2016 mentionne que la commission ad hoc est issue de la commission exécutive « Recherche et valorisation » élargie aux directoires des pôles de recherche et à des membres des commissions exécutives « Relations internationales » et « Formation » et que le président de la COMUE UGA n’est ni membre de ces commissions, ni directeur d’un pôle de recherche.

10. Il est constant que le président de la COMUE UGA a siégé lors des séances de la commission ad hoc des 9 et 12 décembre 2016. La COMUE UGA n’est pas fondée à soutenir que ce dernier, désigné comme coordinateur du projet IDEX, se devait d’être présent dans tous les organes de sélection y compris au stade de la commission ad hoc, dès lors que les membres de celle-ci sont limitativement mentionnés dans l’appel à projet, lequel ne prévoit pas la présence du président de la COMUE UGA. Par ailleurs, il n’est pas justifié qu’un autre texte prévoirait sa présence en son sein. Enfin, à supposer même que le président de la COMUE UGA n’ait pas participé aux débats lors des séances de la commission ad hoc, ce qui n’est du reste pas établi, sa seule présence a été susceptible d’avoir eu une influence sur le sens de la décision. Ainsi, l’irrégularité de la composition de la commission ad hoc entache d’illégalité la décision prise par le comité de pilotage de l’Idex du 19 décembre 2016. Il s’ensuit que les requérants sont fondés à en demander l’annulation.

11. Par voie de conséquence, la décision du 16 juin 2017 rendue sur recours gracieux doit également être annulée. »

Il convient de noter que la séance du comité de pilotage de l’Idex dont les décisions sont déclarées illégales par le tribunal était présidée par Patrick Lévy, qui était à cette occasion également, comme le note Philippe Cinquin dans l’article du Monde « mis en cause, procureur et avocat sans que cela ne gêne personne ». L’article du Monde cite également Didier Piau, professeur de mathématiques à l’UGA, membre du conseil académique, dont il démissionnera quelques mois plus tard à cause de cette affaire, qui précise En privé, plusieurs collègues admettaient sans ambages que, dans cette histoire, le conflit d’intérêts était patent, mais officiellement ils se taisaient, probablement au moins en partie pour éviter de compromettre leurs chances de succès lors de futurs appels à projets ».

Le Monde ajoute : « Profitant des nouvelles dispositions en France en matière d’intégrité scientifique, le débouté de l’appel d’offres informe l’Office français de l’intégrité scientifique, tout juste créé (octobre 2017), qui le renverra vers le Collège national de déontologie du ministère de la recherche, instauré en mars 2018. Et la demande reviendra à Grenoble vers le comité local de déontologie, créé dans l’intervalle (janvier 2018). Trois experts sont nommés, à l’été 2019, qui rendent, en mars 2020, un avis sévère non publié, mais que Le Monde a pu consulter : « Il y a eu manquement à la déontologie exprimée dans le code de bonne conduite de l’IDEX. (…) Le processus de sélection introduisait des conflits d’intérêts. (…) Il n’est pas sain qu’une commission ayant à instruire une plainte soit présidée par la même personne que celle qui est l’objet de la plainte. (…) Le temps mis à traiter la plainte est en lui-même un manquement à la déontologie. »

Le collège de déontologie au sein du ministère de l’enseignement chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche avait rendu le 26 juin 2020 un avis à ce sujet relevant les conflits d’intérêts intervenus dans cette affaire.

«  Les règles précises de prévention des conflits d’intérêts doivent figurer dans les règlements intérieurs de l’initiative d’excellence ou des appels à projets… dans des situations comme l’existence de liens des experts avec  le projet, de collaborations antérieures ou de co-publications significatives avec des porteurs de projet, de relations hiérarchiques ou personnelles avec ces derniers, les experts se trouvant dans ces situations doivent se déporter et ne pas participer à l’évaluation des projets concernés ».

L’UGA avait bien précisé dans son code de conduite des règles explicites qui ont été violées par P. Lévy (qui avait plus de 100 publications communes avec J. L. Pépin dans les 5 années précédentes : «  je m’engage à … m’abstenir d’examiner toute proposition de projet soumise notamment par des chercheurs ou enseignants-chercheurs de mon environnement immédiat, des chercheurs ou enseignants-chercheurs avec lesquels j’ai collaboré ou publié au cours des cinq dernières années ».

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