Efix c’est un copain. C’est aussi un auteur de bédé. Et j’aime bien ce qu’il fait.

Attention, ne confondons pas la cause et l’effet, c’est pas parce que c’est un copain que j’aime ce qu’il fait, j’aime ce qu’il fait parce que c’est un copain. Ou plutôt je connais ce qu’il fait parce que c’est un copain. Si c’était pas un copain peut-être que je n’aurai jamais lu ses bédés, et j’aurai pas aimé ce qu’il fait, et ç’aurait été bien dommage. Bref, je suis une fan !

Efix, c’est un auteur complet : dessin, scénar’, il fait tout. Il a un trait, une patte, un style quoi. Alors quand il m’a annoncé la sortie de sa prochaine bédé, « Putain d’usine », adaptation du livre de Jean-Pierre Levaray du même nom, je me suis dit « ça promet d’être chouette ! ».

Et bien, c’est mieux que ça.

C’est de la bédé qui vous prend aux tripes, qui vous serre la gorge, qui vous pique les yeux. Ça raconte le quotidien de l’ouvrier d’usine : le taf, les 3 huit, les nuits, les fantômes des collègues bouffés par l’usine, le spectre d’AZF, mais aussi la solidarité, la fierté de la grève… Une putain de vie de merde, bouffée par l’usine, jour après jour, nuit après nuit, année après année. Et les conditions de travail qui se dégradent. Et les fermetures de site. Et l’angoisse. Et le ras l’bol. Tout ça quoi.

Le trait d’Efix est toujours là, ce trait rond qui fait passer le pire du glauque, en noir et tendre. Et de la tendresse il en faut pour avaler toute cette merde ! Le graphisme est d’un noir et blanc somptueux, de plusieurs noirs et de plusieurs blancs, les textes sont discrets, mais si forts !

Le bouquin de Jean-Pierre je l’ai pas lu (je dis Jean-Pierre parce qu’après ça j’ai l’impression que c’est un copain aussi). Je sais pas si je le lirai. Je crois pas, j’ai l’impression que sans les dessins d’Efix il va manquer quelque chose. C’est idiot, c’est même sûrement très con, mais je viens de me prendre une baffe, je tendrai la joue gauche plus tard…

Parce que c’est une baffe, à lire d’urgence, à faire lire absolument. A faire bouffer aussi à notre Joe Dalton présidentiel et à ses frangins du Gouvernement et du Medef, à tous ceux qui nous broutent avec la disparition de la classe ouvrière. Elle est bien là, la classe ouvrière, et elle en chie, bordel ! A leur faire bouffer oui, parce que qu’ils le lisent c’est pas la peine : ils imprimeront pas plus qu’avant.

Une bédé baffe oui, mais y’a du blanc dans le noir. Tiens page 120, Jean-Pierre rêve à un monde meilleur, « un monde où les travaux chiants mais vraiment nécessaires seraient automatisés au maximum. Une organisation qui verrait les travaux pénibles effectués par rotation. Une civilisation d’autogestion. Des femmes et des hommes épanouis. Une terre où l’homme serait bon, quoi ! Et voilà… Comme chaque fois qu'[il] rêvasse [il] met la barre trop haut. Comme [nous] non ? Ce serait quand même beau… » Chiche ?

« Putain d’usine », bédé rare…

Laurence Comparat

Putain d’usine, Efix-Levaray, ed. Petit à Petit, www.petitapetit.fr
En vente dans toutes les bonnes librairies ! (à Grenoble, privilégiez Momies-Folies, librairie bédé indépendante, en centre ville)

Efix a dessiné pour Le Rouge & le Vert, retrouvez ses dessins sur nos archives en ligne

Mots-clefs : Le Rouge & le Vert, social

Cet article a été publié le mardi 25 septembre 2007 à 20 h 26 min et est classé dans Chronique. Vous pouvez en suivre les commentaires par le biais du flux RSS 2.0. Les commentaires et pings sont fermés.